Après ses études en Côte d’Ivoire, Cheickna Savadogo, a fait l’expérimentation de la culture de l’hévéa au Burkina Faso en 2005. Technicien en hévéaculture, ce compatriote revient cette fois-ci pour concrétiser le fruit de son expérimentation avec deux espèces d’hévéa adaptées au sol et au climat burkinabè. Avec déjà des centaines d’hectares dans plusieurs zones de l’Ouest du pays, il est à la quête de financement pour faire du Burkina Faso, un pays producteur de caoutchouc dans seulement cinq ans.
Titulaire d’un diplôme de technicien supérieur en hévéaculture en Côte d’Ivoire, Cheickna Savadogo a non seulement à son arc, un BTS en transport logistique, mais aussi une maîtrise en économie et gestion des entreprises et organisations. Après ses études, il a décidé de se consacrer, pendant sept ans, à ce qu’il sait faire le mieux : l’exploitation d’hévéa dans ce pays qui l’a vu naître et grandir. Avec un grain de risque, Cheikna Savadogo, prend la route du Burkina Faso en 2005 avec de nombreuses espèces d’hévéa pour les essayer sur le sol de ses aïeux. « Après plusieurs études menées dans les régions du Sud-Ouest, des Cascades, des Hauts-Bassins et de la Boucle du Mouhoun avec les conditions climatiques et de fertilité du sol propres à la culture de l’hévéa, deux types de clones sont cultivables. Ces plants sont très résistants et ont une longue durée de vie pouvant atteindre 60 ans », a-t-il rapporté. Ce qui est plus curieux, a poursuivi, M. Savadogo, les germoirs ont besoin de trois semaines pour que les graines poussent en Côte d’Ivoire. « Mais au Burkina Faso, les graines ont poussé en moins de 10 jours. Je suis donc rassuré quant à l’adéquation du sol », a-t-il soutenu. Reparti en Côte d’Ivoire depuis lors, la crise ivoirienne freinera quelque peu ses projets et ambitions, mais Chieckna Savadogo se perfectionna à la formation en entreprenariat. La fin de la crise sifflée en 2011, il décida de s’implanter définitivement au Burkina Faso et de s’adonner à grande échelle, au fruit de son expérimentation de 2005. Voilà donc le premier « hévéaculteur » au Burkina Faso, qui croit fermement en son projet avec comme seule richesse, un petit fonds de démarrage, sa conviction et sa détermination. Dans le Kénédougou qu’il a prospecté, il a obtenu 407 ha, 60 ha dans le Houet et 47 ha dans le Sud-Ouest.
Le financement, l’épine dorsale
Déjà sur ses différents sites, des pépinières sont faites pour commencer avec des graines d’hévéa amenées de la Côte d’Ivoire. « Dès que les graines arrivent, nous faisons un germoir. Nous versons les graines par terre et nous les recouvrons de terre. Dès qu’elles germent, on fait remplir les sachets de terre et on fait le repiquage dans les sachets et à partir de six mois, on fait le greffage avec des champs de plants de greffe déjà fait », a-t-il expliqué. Cheikna Savadogo dit être lui-même d’accord qu’il est difficile de croire en une possibilité de produire de l’hévéa au Burkina Faso. Et pour convaincre les pessimistes, il a entamé l’expérience avec le peu de moyens dont il dispose. « Pour toute chose, quand tu viens avec ta vérité, il faut que toi-même tu commences et les bonnes volontés et bailleurs de fonds viendront te financer sur la base du concret », a-t-il soutenu. Ainsi, il a déjà fait des pépinières de 60 ha sur les sites de Yéguérésso dans le Houet, 44 ha à Lolio, localité située non loin de Pâ dans la Bougouriba et un total de 207 ha dans le Kénédougou à raison de 555 plants par hectare. Dans la foulée, Cheickna Savadogo forme des jeunes des différentes localités pour la création, l’entretien et la récolte. « En Côte d’Ivoire, a-t-il dit, j’ai formé plus de 50 personnes qui sont actuellement dans les plantations. Je ne peux pas les faire venir parce qu’il y a des frères aussi qui n’ont pas d’emplois au Burkina Faso.
J’ai déjà formé quelques-uns en piquetage et planting et c’est au fur et à mesure qu’ils pourront apprendre davantage pour les placer sur les différents sites ». Le gros problème réside cependant dans le financement progressif qui s’élève à 19 millions de F CFA par hectare incluant tous les frais pendant 5 ans. « Un hectare d’hévéa fait un total de 1 680 000 F CFA par an pour rentrer en production au terme de la 5e année », a-t-il expliqué. Dès lors, a ajouté M. Savadogo, la récolte de l’hévéa se fait chaque mois pendant dix mois de l’année et les deux autres mois sont réservés à l’entretien du champ. Pour un hectare d’hévéa bien entretenu, a-t-il confié, une tonne de fond tasse (caoutchouc) est récoltée, soit dix tonnes par an. Dans des calculs bien simples, il explique qu’avec un prix unitaire de 550 F CFA le kilogramme de caoutchouc, le producteur d’un hectare d’hévéa peut ainsi avoir 550 000 F CFA par mois pour une recette de 5,5 millions de F CFA par an. Disposant d’un projet bien ficelé, il appelle, les bailleurs de fonds mais aussi les propriétaires terriens et tous ceux qui veulent s’investir dans le domaine à l’accompagner dans ce projet novateur.
Et comme clé de répartition des fruits de la récolte, il propose 50% des recettes au propriétaire terrien, 40% au bailleur de fonds et 10% à l’équipe de terrain. Quant à l’épineuse question de l’écoulement du caoutchouc pour un pays qui n’en produit pas jusque-là, Cheickna Savadogo dit être optimiste parce qu’ayant des amis en Russie qui peuvent payer le caoutchouc. « Mon initiative ne vise même pas à collaborer avec l’extérieur. Je veux d’abord satisfaire le marché national, parce que nous avons des sociétés comme Fasoplast, Sap olympic qui vont jusqu’au Brésil pour s’approvisionner en caoutchouc », a-t-il conclu.