S'il est un conseil des ministres de cette année qui sera inscrit en lettre d'or dans les annales de la presse privée, c'est sans nul doute celui du mercredi 18 décembre 2013.En effet, cette rencontre hebdomadaire du gouvernement a adopté une mesure qui va certainement soulager les entreprises de presse privée d'un lourd fardeau.Tenez !
"Au titre du ministère de la Communication : Le conseil a adopté un rapport relatif à l'octroi d'allègements fiscaux et à la création d'un fonds de promotion du service public de la Presse privée. L'adoption de ce rapport permet de structurer l'appui de l'Etat à la Presse privée, de stimuler le secteur et de contribuer à l'amélioration des conditions de vie et de travail du personnel de la Presse privée", pouvait-on lire dans le compte-rendu de ce rituel de l'Exécutif..
L'Etat burkinabè aurait voulu offrir un cadeau de fin d'année à la presse privée qu'il ne s'y serait pas pris autrement. D'autant plus que cette décision arrive comme une réponse à l'une des grandes revendications des médias privées qui ploient sous une fiscalité qui jure avec la mission de service public qui est la leur. Mais avant d'aller plus loin, il convient de souligner que la presse bénéficiait déjà d'un régime préférentiel notamment l'exonération douanière du papier-journal et de la TVA au titre des ventes ainsi que la subvention annuelle de l'Etat accordée à la presse non étatique depuis les années 1996.
Ces mesures "classiques" sont d'ailleurs pratiquée dans tous les pays du monde (ou presque) et visent, en dernière analyse, à rendre l'information plus accessible aux lecteurs. C'est justement grâce à elles que le journal que vous êtes en train de lire ne coûte que 200 F CFA. Un prix facial très en deçà du coût de revient unitaire.
Certes, les petits ruisseaux font les grandes rivières et les nouvelles mesures gouvernementales contribueront à n'en point douter à améliorer les conditions de vie et de travail dans la presse privée. Mais force est de reconnaître, pour usiter le langage de l'employé de commerce de Rood-woko, que "c'est bon mais c'est pas arrivé". Reste encore en effet un ensemble de mesures structurelles à mettre en place pour garantir la pérennité des médias privés. Il s'agit notamment de la création d'une Centrale d'achat du papier journal et des intrants de presse (papier journal, encore, plaques, calques...) qui permettra de se procurer ces produits à des prix d'échelle.
Il est également grand temps que l'Etat burkinabè applique, enfin, l'article 24 de la directive n°02/98/CM/UEMOA du 22 décembre 1998 portant harmonisation des législations des Etats membres en matière de TVA qui stipule : "S'agissant des livraisons de biens, le fait générateur et l'exigibilité de la taxe interviennent au moment où la livraison est effectuée. S'agissant des prestations de service, le fait générateur intervient au moment où la prestation est effectuée et la taxe devient exigible lors de l'encaissement du prix ou à concurrence du montant encaissé lors de l'encaissement d'une fraction du prix de la prestation".
Inutile de se ruer sur les revues spécialisés en droit ou en fiscalité : pour les non-initiés, le deuxième paragraphe veut dire qu'en appliquant cette disposition communautaire, les organes de presse privée ne payeront la TVA qu'après encaissement (NDLR : jusqu'à présent les 18% de la TVA retenue au titre de la publicité sont payées par les médias dès l'émission d'une facture alors que l'encaissement effective de ladite facture peut demander, elle, plusieurs mois, voire une année entière.
Autrement dit, une autre importante mesure d'accompagnement serait d'accorder à la presse privée ce régime fiscal dit "impôt sur les bénéfices non commerciaux" dont jouissent certaines professions libérales. Et comme on dit chez nous que "beaucoup de viande ne gâte pas la sauce", pourquoi l'Etat n'anticiperait-il pas le paiement de ses abonnements aux journaux ? Ce versement à l'avance combiné avec le paiement différé de la TVA, soulagerait grandement les tensions de trésorerie qui peuvent s'avérer mortelles pour bien de médias et rédhibitoires pour d'autres.
Pour tout dire, les récentes initiatives gouvernementales sont à saluer, et le sont d'ailleurs. Mais accompagnées d'autres mesures structurelles, comme celles citées plus haut, elles produiraient plus rapidement les effets escomptés : "stimuler le secteur de la presse privée et contribuer à l'amélioration des conditions de vie et de travail de son personnel".
Bien sûr, en contrepartie, il appartiendra à l'ensemble de la presse de jouer sa partition. C'est-à-dire, de faire davantage preuve de professionnalisme à travers le respect scrupuleux de ses missions de service public.