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L’Observateur Paalga N° 8523 du 19/12/2013

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Conférence de presse de Blaise à Dori : "Contradiction monstre d’une déclaration présidentielle"
Publié le jeudi 19 decembre 2013   |  L’Observateur Paalga


Dori
© aOuaga.com par A.O
Dori : le chef de l`Etat face à la presse
Jeudi 12 décembre 2013. Dori. Le président du Faso, Blaise Compaoré, a animé une conférence de presse au lendemain de la célébration de la fête nationale de l`indépendance


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Un de nos lecteurs, Zaw Hien Mouonnibé Abdon, pour ne pas le nommer, après avoir suivi la conférence de presse que le Président du Faso, Blaise Compaoré, a donnée à Dori en marge de la célébration de la fête de l’indépendance de notre pays, le 11 décembre dernier dans le Sahel, l’a décryptée et y a décelé «une contradiction monstre» selon ses propres termes.

La récente conférence de presse du Président de la République, monsieur Blaise COMPAORE, à Dori, accueillie diversement par les uns et les autres, a surtout brillé et même choqué par la grandeur de la contradiction qui en est ressortie. Cette contradiction est si grande qu’elle pousse à bout les plus taciturnes comme moi.

En effet, dans la même déclaration, monsieur le Président affirme, sans réserve aucune, que le sénat sera maintenu et mis en œuvre, puis il affirme en ce qui concerne le célébrissime article 37 de la constitution qu’il sera fait recours au peuple pour trancher en cas de besoin.

Voici deux affirmations qui n’auraient jamais dues être faites au même moment à moins que ce soit pour provoquer ou narguer le peuple.

Sur le sénat, monsieur le Président affirme qu’il sera maintenu, et il soutient que ce n’est pas sur tous les plans que l’on peut avoir un consensus. Il insiste en disant que le sénat est inscrit dans la constitution et qu’on ne peut pas lui demander de ne pas appliquer la constitution. Quoi de plus normal pour un président de la République que de défendre l’application de la loi fondamentale quoi qu’il en coûte.

Sur ce plan, la logique est bien claire : Blaise COMPAORE veut respecter la constitution même s’il n’y a pas consensus, car «dura lex sed lex» (la loi est dure, mais c’est la loi). Il faut donc appliquer la loi surtout quand elle est fondamentale. Cette dynamique du respect des dispositions constitutionnelles est à encourager sans réserve.

La deuxième grande affirmation du jour a été que l’article 37 pourra être modifié si le peuple en décide ainsi. Il soutient, en effet, que l’article 37 ne fait pas partie des dispositions non modifiables de la constitution. Là encore il convient de reconnaître qu’il s’agit d’une «vérité légale». L’article 37 peut être modifié. En termes clairs, s’il n’y a pas de consensus sur l’article 37, il peut être fait recours au peuple pour trancher.

Voilà là où se trouve la grande contradiction : monsieur le Président dit que sur le sénat il n’y a pas de consensus actuellement mais la constitution sera respectée, et paradoxalement il dit au sujet de l’article 37 que s’il n’y a pas de consensus le peuple sera consulté. C’est très surprenant pour quelqu’un qui défend le respect de la constitution et en plus, interdit en termes à peine voilés qu’on lui demande de ne pas respecter la constitution.

Sur deux sujets qui divisent l’opinion nationale, le Président Blaise COMPAORE a décidé pour l’un que le respect de la constitution sera imposé au peuple et pour l’autre, que le peuple sera consulté. Il se pose la question de savoir quel est le critère de sélection utilisé par monsieur le Président. Cette question est fondamentale, car elle détermine la nature de la gouvernance voulue par Blaise COMPAORE.

La modification de l’article 37 est bien légale. Cependant, il faut avouer que monsieur le Président s’est trompé de combat. Il a soigneusement évité de répondre à la préoccupation qui divise et s’est contenté de dire que l’article 37 ne fait pas partie des dispositions non modifiables de la constitution. En réalité, puisqu’il feint de l’ignorer, ce n’est pas le principe de la modification qui fait l’objet du débat.

Personne n’est contre le principe de la révision de l’article 37 de même que personne ne peut en ce moment rien contre le principe de la modification des autres dispositions modifiables de la constitution comme celle instituant le Sénat par exemple. Ce qui divise réellement sur ce point, c’est le fondement de la modification et partant la nécessité d’une révision. Pendant que certains trouvent qu’il n’est pas opportun de modifier, d’autres trouvent qu’il y a lieu de procéder à une modification. Monsieur le Président devrait répondre à la question de savoir s’il trouve actuellement nécessaire de modifier la constitution.

Le débat est né du fait qu’une partie de la population souhaite voir l’actuel Président se représenter à la fin de ses quatre mandats consécutifs en 2015. Beaucoup d’encre a coulé sur le sujet, certains ont tenté d’apporter une explication très biaisée en soutenant que la limitation des mandats est antidémocratique parce qu’elle limite le choix du peuple. En d’autres termes, la limitation du mandat limite la liberté du peuple. Sans m’attarder sur cet alibi qui me paraît sans intérêt véritable, il convient de reconnaître qu’il n’existe pas de liberté absolue.

Il est donc illusoire de prétendre à une liberté totale pour le peuple en ce qui concerne le choix des gouvernants. Comparaison n’est pas raison, mais les grandes démocraties comme les USA ou la France, qui nous inspirent très souvent, ont des mandats limités. De plus, la limitation du mandat permet au peuple d’avoir plus de choix. C’est une opinion très subjective qui ne saurait fonder la révision d’une disposition constitutionnelle.

Pour revenir au fondement réel de la révision de l’article 37, à savoir le maintien de monsieur Blaise COMPAORE au pouvoir après 2015, il convient de souligner qu’il s’agit de la révision d’une règle de droit. En tant que telle, la nouvelle règle doit revêtir tous les caractères d’une règle de droit.

En effet, les tenants de la thèse de la modification disent qu’ils veulent la révision pour permettre à Blaise COMPAORE de se représenter même si lui-même se réserve sur ce sujet. La règle de droit va donc être modifiée pour permettre à une personne déterminée de se présenter comme candidat aux élections.

Or, l’un des caractères de la règle de droit est qu’elle est impersonnelle. Cela veut dire qu’elle ne doit pas viser une personne déterminée. Dans le cas d’espèce, il est clair que la révision éventuelle de l’article 37 visera une personne déterminée. Cette règle ainsi adoptée n’aura pas tous les caractères d’une règle de droit parce qu’elle n’est pas impersonnelle et n’aura donc aucune valeur juridique.

Que va-t-on alors faire avec une disposition sans valeur juridique dans une constitution, étant donné que cette disposition est conçue non pas pour le peuple mais pour une personne ? Une telle disposition ne peut être que source de problèmes. Sous d’autres cieux, on a pu bien observer les conséquences dramatiques des dispositions qui visent une personne déterminée. Le problème le plus évident et le moins grave que l’on puisse souhaiter pour nous, est que, si l’on modifie la constitution pour que Blaise se présente et qu’en 2015 il décide de ne pas se présenter, on aura fait un travail inutile, puisque le fondement de la modification, c’est la candidature de Blaise COMPAORE.

En dehors de ce fondement, aucune donnée sociale ne justifie actuellement une modification de l’article 37.

Nul ne pourra s’opposer à la modification de l’article 37 si elle est fondée sur des raisons objectives permettant d’avoir une disposition impersonnelle. Le recours au référendum pour trancher sur ce sujet en soi ne pose aucun problème, mais à quoi bon consulter le peuple pour une disposition qui n’aura aucune valeur juridique ?

En outre, il y a lieu de ne pas perdre de vue que la modification de l’article 37 permet, en fait, d’éviter le caractère coercitif de la disposition actuelle qui ne permet pas à monsieur Blaise COMPAORE de se présenter comme candidat à l’élection présidentielle en 2015. Or, le respect de la règle de droit n’est autre chose que le respect de son caractère coercitif.

C’est ce caractère qui constitue l’essence même d’une règle de droit. L’ignorer ou l’éviter reviennent à une violation frontale de règle de droit. Pour faire une comparaison toute banale, la révision de l’article 37 telle qu’envisagée actuellement est comparable à la situation de ce «brûleur de feu» qui, pour éviter de marquer l’arrêt au feu tricolore passé au rouge, opte de le casser pour passer.

Mon plus grand souhait est que monsieur le Président soit constant dans la logique du respect de la constitution.

Puisqu’il a affirmé qu’il veut respecter la constitution, qu’il dise à ceux qui proclament tout haut qu’ils l’aiment et lui demandent à cor et à cri de rester au pouvoir ad vitam aeternam que la «loi est dure, mais c’est la loi» tout comme il a dit à ceux qui sont contre la mise en œuvre du Sénat que cette institution serait maintenue parce que c’est la loi qui le veut ainsi. Une telle option ne ferait que l’élever davantage. Ceux qui aiment réellement Blaise COMPAORE veulent le voir grand et célèbre à l’image de NELSON Mandela, peu importe le temps qu’il passera au pouvoir.

Que Dieu bénisse le Burkina Faso.
Zaw Hien Mouonnibé Abdon

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