Par les temps qui courent, le pouvoir burkinabè semble n’avoir d’autre mission que de travailler à conforter ses bases et à affaiblir celles de l’opposition. Toute l’énergie de l’équipe aux affaires est déployée pour trouver les voies et moyens de s’accrocher au pouvoir et de préserver ainsi ses privilèges. La mise en place du Sénat, la modification de l’article 37, etc, sont autant de projets taillés sur mesure à cette fin. De même, la modification de l’article 4 du statut de l’opposition, intervenue le 17 décembre dernier, n’a d’autre objectif que de consolider les assises du pouvoir de la IVe République. Elle n’apporte aucune plus-value à la démocratie, car contraire au principe selon lequel l’opposition doit être assez forte pour constituer un contre-pouvoir et une alternative crédibles. Au Burkina, à défaut de favoriser une émergence de l’opposition, on use de stratagèmes divers pour l’affaiblir.
Sous prétexte de vouloir rendre la notion de parti d’opposition plus libérale et moins contraignante, les initiateurs de la modification du statut de l’opposition ont plusieurs desseins cachés. Le premier objectif général est de casser la dynamique de regroupement et de fédération actuelle dans laquelle l’opposition s’est inscrite sous la houlette de Zéphirin Diabré. Le second objectif de la feuille de route secrète du gouvernement, c’est de créer une opposition « acquise », prête à participer à toute entreprise de légitimation de ses actions. En somme, le pouvoir veut avoir son opposition à lui, taillable et corvéable à merci. Enfin, avec les postes qui seront proposés comme un os qu’on agite au museau d’un chien, beaucoup de soi-disant opposants cèderont au chant des sirènes, et ce sera la pagaille assurée dans les rangs de l’opposition. Avec ce plan machiavélique, il ne sera pas étonnant de voir la discorde s’installer au sein d’un parti d’opposition parce que certains ont reçu des propositions alléchantes. Il y a de ce fait un double piège dans les nominations des opposants aux hautes fonctions. Non seulement elles divisent les partis, mais en plus ces opposants « acquis » seront pris en otage si jamais ils commettent des impairs. Et ce ne sont pas les occasions qui manqueront, de les induire en erreur. Bref, on voit bien que le pouvoir est animé d’intentions peu amènes à travers la modification du statut de l’opposition.
Toutes ces manœuvres sordides, qui sont l’apanage des régimes pseudo-démocrates, ne grandissent pas le Burkina. L’opposition sait à quoi s’en tenir. Elle a pleinement conscience qu’on ne lui donnera pas le pouvoir un jour sur un plateau d’argent. C’est pourquoi, contrairement à ce que l’on peut penser, cette modification peut avoir pour effet de revigorer davantage l’opposition. En effet, elle a l’avantage de clarifier le jeu politique. On saura maintenant qui est qui. Les masques vont tomber. C’est d’ailleurs une bonne chose pour l’opposition véritable, qui se réorganisera en conséquence.
C’est connu, on ne peut avoir la bouche pleine et parler. Comme dans le mythe d’Icare, beaucoup d’opposants burkinabè se sont brûlé les ailes en s’acoquinant avec le régime. Peu en ont survécu politiquement. Chaque opposant fera le choix ou non de participer au gouvernement en fonction de l’idée qu’il se fait de son rôle en démocratie, mais aussi de ses ambitions. En général, sauf dans des situations exceptionnelles où sa présence est requise (gouvernements d’union nationale ou de cohabitation), l’opposition, pour être à l’aise dans son rôle de contre-pouvoir et de force d’alternance, doit être hors du gouvernement. Dans tous les cas, dans les enjeux à venir, l’étiquette que portera un leader ou un parti politique importera peu. L’essentiel sera qu’il incarne les aspirations du peuple. Sénat, article 37, présidentielle de 2015 sont des opportunités pour les hommes politiques de montrer s’ils sont avec ou contre le peuple. C’est à l’aune de ces grandes thématiques qu’ils seront jugés et non par leur couleur politique