Je déclare, donc je suis ! Il suffit de le coucher sur feuille de papier A4, de l’expédier à l’Administration pour obtenir de celle-ci les oripeaux d’opposant. Le reste ? Peu importe. Etre de l’opposition n’est plus une question de comportement politique mais simplement de notification écrite.
Ainsi donc, hier mardi 17 décembre 2013 en fin de journée, il a plu à l’Assemblée nationale de voter à 95 voix pour et 25 contre le projet de loi portant modification de la loi N° 009-2009/AN du 14 avril 2009 portant statut de l’opposition politique.
En effet, désormais, l’article 4 de cette disposition législative stipule : «Tout parti politique doit faire une déclaration écrite publique de son appartenance à l’opposition ou à la majorité avec une copie au ministère en charge des libertés publiques pour enregistrement.
Le ministre chargé des libertés publiques établit chaque année la liste actualisée des partis et formations politiques ayant fait leur déclaration comme partis ou formations politiques de l’opposition ou de la majorité».
On l’avait déjà dit, cette réforme sur mesure n’est qu’une entreprise à double objectif : désosser et dévitaliser le chef de file de l’opposition (CFOP) dans un premier temps, et susciter une opposition de service dans un second.
Avec cette nouvelle loi, ne soyez donc pas étonnés que l’UPR devienne un parti de l’opposition, alors que son chef, le ministre de l’Aménagement du territoire et de la Décentralisation, Toussaint Abel Coulibaly, continue de pointer au conseil des ministres.
Même éventualité saugrenue pour la CFD d’Amadou Diemdioda Dicko, ministre délégué en charge de l’Alphabétisation. On verra de toutes les cocasseries.
Comme on le voit, avec cette nouvelle loi, le pouvoir reprend d’une main ce qu’il avait donné de l’autre. Comme c’est souvent le cas d’ailleurs depuis que la grave crise est derrière nous.
A y regarder de près, l’adoption de la nouvelle loi procède d’une stratégie globale dont la finalité est d’aplanir les sentiers pour offrir un boulevard à Blaise Compaoré, qui ne fait plus de mystère de ses intentions de bousculer de nouveau l’article 37 afin de briguer un cinquième mandat consécutif à la tête de l’Etat.
Hasard du calendrier, l’ancien statut de l’opposition est passé à la trappe quelques jours seulement après l’annonce du président du Faso d’instituer le Sénat et de soumettre à référendum la clause limitative du nombre de mandats présidentiels.
Seconde chambre, recours à l’arbitrage du « bon peuple » sur le verrou constitutionnel, nouveau statut de l’opposition… tout se passe comme s’il s’agissait d’un kit de micmacs politico-judiciaires pour un règne ad vitam aeternam.
On ne sait pas jusqu’où va s’arrêter cette vaste opération de conspiration contre la démocratie.
Dans cette entreprise rebutante pour laquelle les officines noires sont capables de tout et rarement à court de manœuvres, ne va-t-on pas jusqu’à chercher à embrigader la presse ? La question mérite d’être posée tant, depuis quelques jours, on sent dans ce domaine une certaine fébrilité.