Le Burkina Faso vient de célébrer, le 11 décembre dernier, les 53 ans de son accession à la souveraineté nationale. Il a choisi comme thème de cette fête nationale : « Civisme et cohésion sociale : fondamentaux d’un développement durable ». Dans le souci de renforcer le civisme, il est opportun de jeter un regard sur la justice à qui, on demande tout, et sur qui on jette l’anathème. Le renforcement du civisme passe par le renforcement de la justice burkinabè.
Depuis 1985, des principes directeurs ont été adoptés par les Nations unies afin d’aider les Etats membres à assurer et à promouvoir l’indépendance de la magistrature. Au Burkina Faso, l’indépendance de la magistrature est garantie par l’Etat et énoncée dans la Constitution. Mais comment l’Etat peut-il faire pour que la justice rende ses décisions et rassure les citoyens ? Comment mettre fin à l’auto-justice ?
Si l’on s’accorde que le concept d’indépendance est un peu lié à celui de liberté, les Burkinabè gagneraient à traduire en réalité cette citation de Montesquieu :
« Il n’ya point de liberté si la puissance de juger n’est pas séparée de la puissance législative et de la puissance exécutrice ». La magistrature, au lieu d’être accusée, vilipendée à souhait par les justiciables, a besoin d’être soutenue dans son action. Elle a besoin d’agir sans restrictions, sans être l’objet d’influences, d’incitations, de pressions, de menaces ou d’interventions indues, directes ou indirectes, de la part de qui que ce soit ou pour quelque raison que ce soit. Telle est l’exigence de l’ONU depuis 1985.
La justice aussi devrait savoir que tout ce que le citoyen lambda lui demande, c’est qu’elle dise toujours le droit, qu’elle s’exerce à l’abri de toute intervention injustifiée ou ingérence. En observant les décisions des tribunaux qui sont parfois sujettes à révision, l’homme de la rue se fait l’idée que la justice n’est pas la même pour tous les Burkinabè. En vertu du principe de l’indépendance de la magistrature, les magistrats ont le droit et le devoir de veiller, à travers leurs actions, à ce que tous les citoyens aient confiance en elle. Pour y arriver, il revient à l’Etat de fournir les ressources nécessaires pour que la magistrature puisse s’acquitter normalement de ses fonctions. Un simple tour dans les juridictions révèle le besoin en personnel, véhicules, bureautiques,... pourtant nécessaires à l’accomplissement de la tâche quotidienne.
A l’ère des Technologies de l’information et de la communication, il serait juste de plaider pour renforcer le parc informatique des différentes juridictions. Aujourd’hui, un tribunal sans ordinateur ni connexion Internet aura du mal à agir dans le temps. Non seulement, il mettra difficilement à jour ses dossiers mais aussi, il aura de la peine à mener certaines recherches.
Certains défenseurs de la justice plaident pour que le ministère ait un budget annexe. D’autres encore souhaitent que les magistrats aient des avantages en nature (parcelle dans la localité voulue, prêt Trésor sans intérêts, véhicule exempté de toutes taxes). Toutes ces propositions visent à mettre les uns et les autres à l’abri de la tentation. Tentation, quand tu nous tiens ! Bref !
En tous les cas, il appartient aux magistrats eux-mêmes d’être logiques dans l’interprétation des textes sur la base desquels ils rendent leurs décisions. A force de rendre caduques les décisions des juridictions inférieures, les hautes cours risquent de démotiver leurs collègues de premier niveau. Certes, les hautes cours ont le monopole de l’interprétation des textes, de donner l’orientation voulue, mais accepter parfois la proposition émanant du niveau inférieure, c’est aussi renforcer la cohésion entre jeunes et vieux magistrats pour le bonheur des justiciables. Car dans ce combat contre l’incivisme, la justice doit pouvoir jouer sa partition afin de ramener assurance et quiétude dans la cité. Pour cela, elle a besoin d’avoir toute sa tête, toute sa lucidité pour dire le droit et rien que le droit.