La fatwa présidentielle est tombée le dimanche 15 décembre à Bangui : le ministre de la Sécurité et de l’Ordre public, Josué Binoua, celui des Finances et du Budget, Christophe Bremaidou, et son homologue de l’Elevage, Joseph Bendounga, sont limogés.
Raison invoquée pour ces révocations du gouvernement Tchangaye : «Ces ministres, on ne sait pas où ils sont et ils ne gouvernaient plus». Le directeur général du Trésor, Nicolas Geoffroy Gourna Douath, quitte lui aussi ses fonctions, et les mouvements sur les différents comptes publics sont suspendus jusqu’à nouvel ordre. Le président de la transition, Michel Djotodia, fait le ménage.
Contexte oblige, si dans cette vague de limogeages, il y en a un qui suscite bien d’interrogations, c’est à coup sûr celui du titulaire du portefeuille de la Sécurité et l’Ordre public. En effet, pourquoi avoir choisi de renvoyer le pasteur Josué Binoua à ses chères études bibliques au moment où de graves violences interreligieuses secouent la capitale, Bangui ? Le guide spirituel serait-il le bouc émissaire idéal de cette chienlit qui s’est installée dans la patrie de Barthélemy Boganda ? Ou est-ce pour confirmer les charges de tentative de déstabilisation du régime qui pèsent contre lui depuis que des armes ont été retrouvées chez lui à domicile ?
Depuis la France, où il a été conduit par l’armée française, le pasteur n’a pas manqué de prêcher sa bonne foi : «Est-ce qu’il est étonnant d’avoir un code pénal chez un magistrat ? Je suis ministre de la Sécurité. Lorsque ma maison a été pillée et saccagée, dans le butin de ces voleurs, il y a eu dix armes, avec une carabine. Ce n’est pas avec dix AK 47 qui sont détenus par mes éléments de sécurité et une carabine qu’on va faire un coup d’Etat. C’est donc une fausse accusation». Depuis qu’il a conquis le pouvoir avec l’aide de la cohorte de rebelles sans pour autant contrôler le pays, Djotodia serait-il atteint de "complotite" aiguë ?
Au-delà des circonstances qui entourent la prise de ces décisions par le Président Michel Djotodia, se pose même la question de leur pertinence. Ce coup de balai s’apparente juste à de simples mesures cosmétiques sans le moindre effet sur la situation chaotique qui prévaut aujourd’hui en Centrafrique. C’est un simple coup d’épée dans les eaux troubles de l’Oubangui-Chari que le chef d’Etat vient de donner.
Si c’est aussi une manière pour Djotodia de donner l’illusion d’une certaine autorité, là également c’est un flop dans l’océan d’anarchie qui a englouti, depuis, son pays. La meilleure preuve de son autorité politique et militaire sera de parvenir à discipliner les rebelles de la Séléka qui sèment mort et désolation dans ce qu’ils considèrent comme un pays conquis.