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L’Observateur Paalga N° 8519 du 13/12/2013

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Blaise et l’article 37 : on voyait venir
Publié le lundi 16 decembre 2013   |  L’Observateur Paalga


Blaise
© Présidence
Blaise COMPAORE
Président du Faso


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A Dori, au lendemain de la célébration du 11-Décembre, le chef de l’Etat, Blaise Compaoré, a ouvert son ventre, comme on dit chez nous, à la presse nationale. Fait rarissime pour être souligné d’entrée de jeu. Tant, d’ordinaire, sur les questions éminemment nationales, le locataire de Kosyam a su rester fidèle à sa réputation de maître dans l’art de la dissimulation de son opinion. Mais au-delà du caractère inhabituel de ce geste présidentiel, c’est le contenu de ce «scoop» venu des dunes du Sahel burkinabé qui a fait et continuera de faire l’événement au sein de l’opinion publique nationale.




Sauf erreur ou omission de notre part, depuis que dure la polémique autour de l’article 37 de la Constitution, c’est la première fois que Blaise Compaoré, pourtant le premier concerné, se prononce sans circonlocution, c’est-à-dire aussi clairement, sur la question, lui qui a l’habitude de tout simplement botter en touche.

Fin stratège, il avait jusque-là laissé le soin à ses partisans de donner le ton pour, peut-être, mieux prendre la mesure de la situation. Une si longue discrétion a nourri toutes sortes de conjectures : les optimistes pariant sur sa capacité de résister à la tentation révisionniste, les pessimistes s’inquiétant de son silence complice.

Le moment a semblé donc enfin venu pour le chef de l’Etat de fendre l’armure derrière laquelle il observait la bataille rangée entre partisans et adversaires de la limitation du nombre de mandats présidentiels.

«Nous avons une Constitution dont la référence est le peuple. Ce qui veut dire que si sur une question il n’y a pas de consensus, le peuple sera appelé à dire ce qu’il pense. Le peuple sera consulté s’il y a nécessité», a en effet tranché le président du Faso lors de sa rencontre à Dori avec la presse nationale. Nous voilà désormais situés.

Mais à vrai dire, tout le monde s’y attendait. Car dans leur modus operandi, les tenants du déverrouillage avançaient par touches successives.

Déjà dans notre éditorial du 19 mars 2010, intitulé : «Appel pour une amnistie présidentielle», nous nous inquiétions de la montée au créneau de caciques du pouvoir, et non des moindres, pour réclamer à leur tour la suppression du verrou constitutionnel : «La cause serait-elle donc déjà entendue ? Tant qu’en effet c’était les seconds couteaux qui s’époumonaient pour exister politiquement ou pour devancer les désirs du chef alors que personne, à commencer par le premier concerné, ne leur avait rien demandé, tant que c’était ceux-là, on pouvait, quitte à passer pour un naïf, ne pas prendre la chose au sérieux. Mais quand ce sont les ténors du CDP, son président, Roch Marc Christian Kaboré [NDLR : débarqué de la direction du parti lors du dernier congrès tenu…] en tête, qui se mêlent au concert des "révisionnistes’’, alors on se dit que l’affaire doit être sérieuse».

Et depuis, les choses ont continué d’évoluer en mouvements concentriques avant de s’emballer ces derniers jours :

- Samedi 7 décembre 2013 à Ouaga 2000 : réunie pour l’installation de ses présidents et membres d’honneur des 45 provinces, la Fédération associative pour la paix et le progrès avec Blaise Compaoré (FEDAP/BC) a ouvertement appelé à une nouvelle candidature de son champion en 2015, année du terme légal de son bail à Kosyam ;

- Dimanche 8 décembre 2013 à Paris : devant la presse internationale, le chef de l’Etat a évoqué la possibilité de faire sauter le verrou constitutionnel pour briguer un cinquième mandat consécutif en 2015 ;

- Jeudi 12 décembre 2013 à Dori : l’affaire est rendue publique : «Le peuple sera consulté…», a annoncé le président du Faso.

La boucle est bouclée. On voyait venir. Et ironie de l’histoire, l’annonce est intervenue au moment où Nelson Mandela, dont l’exemplarité politique aura été une «école» pour le chef de l’Etat, n’a pas encore été porté en terre. Il faut croire que l’enfant terrible de Ziniaré devait sécher les cours ou qu’il n’était pas particulièrement bon élève puisqu’il n’aura pas retenu grand-chose de cette «école» mandeléenne.

Avec le recul, on se rend compte combien le Cadre de concertation sur les réformes politiques (CCRP), sous la houlette du «ministre de l’article 37», Bongnessan Arsène Yé, aura été une grosse arnaque politique et donne raison, a posteriori, à ceux qui ont refusé d’en être. Car le scénario concocté dans les labos du pouvoir devait être le suivant : on crée un machin pour les distraire et leur donner l’impression de participer à la prise de décision, et comme on voit que sur l’article 37 on ne s’entendra pas, on proposera, in fine, d’en référer au «peuple souverain» pour nous départager. Le reste relève de la mise en scène.

Maintenant que l’hôte de Kosyam envisage ouvertement de soumettre la chose à référendum, et que le bon peuple ne dira jamais non à un si indispensable président, sous quels augures tout cela va-t-il être orchestré ?

Dans le camp des défenseurs de la disposition restrictive du nombre de mandats présidentiels, il y a bien sûr ceux qui rêvent d’alternance dans l’intention légitime de parvenir un jour aux affaires. Mais il y a aussi ceux-là qui prônent l’alternance pour seulement ses vertus préventives ; malheureusement ces derniers, tels Cassandre dans la mythologie grecque, ont rarement l’oreille des princes, tout ouïe à la cohorte de courtisans, chantres du culte de l’indispensabilité.

Mais au regard du dernier tournant que vient de prendre la polémique autour de l’article 37, nous ne pouvons nous empêcher de jouer aux cassandres, de tirer la sonnette d’alarme, de poser les questions même si ça ne plaît pas. C’est que, fidèle à nos convictions politiques et philosophiques, nous avons toujours exprimé notre position sur le sujet chaque fois que l’occasion nous été donnée de le faire.

Ainsi, depuis les années 90, alors que la Constitution du 2-Juin était encore à l’état de projet, nous n’avions cessé d’appeler à l’inscription et au respect de la clause limitative du nombre de mandats à la magistrature suprême. Un souci d’alternance pacifique dont l’une des conditions de réalisation passe, nous le pensons, par l’offre de «gages de quiétude postprésidence», comme nous le mentionnions dans l’édito cité plus haut, «car, vous ne pouvez pas en même temps souhaiter qu’il [NDLR : Blaise Compaoré] respecte l’article 37 en l’état et espérer qu’aussitôt débarqué de la chaire de Kosyam, il soit pendu haut et court…».

Cela dit, que l’on se comprenne : sur le plan légal et juridique, rien, absolument rien, ne s’oppose à une éventuelle relecture de l’article 37. La loi fondamentale disposant qu’«Aucun projet ou proposition de révision de la Constitution n’est recevable lorsqu’il remet en cause : la nature et la forme républicaine de l’Etat; le système multipartiste et l’intégrité du territoire national».

Mais si la légalité de la suppression de la clause limitative est incontestable, son objet, son opportunité et sa légitimité le sont moins. Quand les intérêts particuliers prennent le dessus sur l’intérêt général, comme cela semble être le cas ici, cela peut certes garantir la conservation du pouvoir mais paralyser son exercice.

Maintenant que c’est Blaise lui-même qui a «ouvert les hostilités», comment va réagir l’opposition depuis longtemps vent debout contre toute idée de réforme constitutionnelle visant la monopolisation du pouvoir par un seul homme ? Le CDP, le parti majoritaire, pourra-t-il préserver sa cohésion quand on sait qu’une prolongation sans fin des mandats de Blaise Compaoré compromet bien d’ambitions de présidentiables qui rêvent eux aussi d’un destin national ?

Autre interrogation : comment la communauté internationale, qui ne tarit pas d’éloges sur l’infatigable médiateur, va-t-elle accueillir la déclaration de Dori, qui peut être porteuse de germes de conflit politique ?

Enfin, serait-il exagéré de craindre que ce référendum n’ouvre la voie au mandat de trop comme ces sportifs qui font le match de trop et finissent par quitter le stade sous les huées de ceux-là même qui les adulaient il y a peu ?

En effet, quand on entend les états-majors politiques de l’opposition et certaines organisations de la société civile menacer d’appeler à la désobéissance civile et même à l’insurrection populaire, il y a de quoi redouter le pire. C’est-à-dire le recours du régime à la répression sanglante des manifestations. Une ligne rouge que, jusque-là, le pouvoir de Blaise s’est gardé de franchir. Jusque-là.


La Rédaction

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