La société civile a décidé de soutenir le combat des « Indépendants du Kadiogo », la liste électorale de candidatures indépendantes qui a été empêchée par la CENI et le Tribunal administratif de participer aux élections législatives de 2012. Une campagne de plaidoyer et de sensibilisation, alliée à des actions en justice, a été lancée par une conférence de presse organisée ce jeudi 25 octobre 2012 à Ouagadougou.
La Coalition de la société civile pour les candidatures indépendantes, composée de plusieurs associations de défense des droits de l’Homme, dont le MBDHP et le FOCAL, soutient les « Indépendants du Kadiogo ». Pour Chryzogone Zougmoré, président du MBDHP, « c’est une revendication populaire ». Une campagne de sensibilisation et de plaidoyer (composée d’affiches, de conférences) sera menée sur l’ensemble du territoire burkinabè lors de laquelle une pétition recueillera les signatures des citoyens afin de demander l’avis de l’Assemblée nationale dès la première session de l’année 2013.
Des actions en justice, notamment devant le Conseil d’Etat (en espérant que le Conseil constitutionnel s’autosaisira) et la Cour de justice de la CEDEAO, seront intentées parce que, selon le porte-parole de la Coalition, Pr Luc Marius Ibriga, les droits du citoyen d’être éligible et de participer à la gestion des affaires publiques sont violés.
Le juge administratif a botté en touche
Sur la décision du tribunal administratif, Luc Marius Ibriga estime que le juge a botté en touche. En se basant sur l’absence de qualité et d’intérêt pour agir des plaignants pour conforter la décision de la CENI de ne pas recevoir la liste des « Indépendants du Kadiogo », Me Pierre Lassina Yanogo, conseil de la Coalition, déclare que le juge a évité de trancher la principale et fondamentale question de fond : la Constitution accepte-t-elle les candidatures indépendantes aux élections locales ?
Mais de l’avis de la Coalition, la réponse à cette question est oui. Et elle ne manque par d’arguments.
Arguments juridiques
Pour Luc Marius Ibriga, l’interdiction des candidatures indépendantes est une violation des traités internationaux ratifiés par le Burkina et surtout de la Constitution burkinabè, qui consacre le droit à tout citoyen d’être éligible. Même si la loi constitutionnelle laisse le soin aux lois d’application (le code électoral en l’occurrence) de préciser les conditions de cette éligibilité, Ibriga considère que ces lois étouffent le droit constitutionnellement consacré.
Des exemples pas très loin du Burkina
A titre de comparaison, le porte-parole de la Coalition a pris l’exemple du Mali et du Niger où les juridictions suprêmes ont condamné la préalable adhésion à un parti politique avant de jouir de son droit d’être élu. Et illustration qui vaut son pesant d’or, au Ghana, le phare démocratique africain, la loi interdit formellement aux partis politiques de prendre part aux élections législatives et locales. Seules sont admises les candidatures indépendantes.
Halte à la « dictature des partis politiques » !
Eu égard à tout cela, l’interdiction des candidatures indépendantes au Burkina aux élections législatives et locales est « un non-sens », « une aberration » pour le spécialiste du droit public de l’Université de Ouagadougou, qui n’a pas encore fini son argumentaire.
Soutenu par Dr Elisabeth Kangambèga, tête de liste des « Indépendants du Kadiogo », Luc Marius Ibriga a qualifié de « dictature » le monopole qu’ont les partis politiques du scrutin électoral. A son avis, partagé par Chrysogone Zougmoré, « le pouvoir sur les listes électorales devient un moyen de contrôle politique au service des dignitaires des partis politiques ».
Il ne s’agit pas de « supprimer ou affaiblir les partis politiques »
Mais le porte-parole de la Coalition a voulu être clair. La société civile ne dit pas que les candidatures indépendantes sont « une alternative » au système partisan. Cependant, prenant en compte la désaffection des citoyens de la chose politique, la Coalition considère que les candidatures indépendantes peuvent contribuer à solutionner ce problème et même booster les partis politiques.
De l’avis d’Ibriga, les partis politiques restent « incontournables » et que s’ils « respectent leurs propres règles du jeu et restent attentifs aux citoyens à la base, les indépendants ne peuvent en aucun cas constituer une menace pour leur hégémonie ».
Chryzogone Zougmoré précise qu’il ne s’agit pas de faire accepter la liste des « Indépendants du Kadiogo », mais de faire accepter le principe des candidatures indépendantes.