Le Réseau National du Lutte Anticorruption (REN-LAC) vient de publier son rapport 2011 sur l’Etat de la corruption au Burkina Faso. L’étude a été réalisée dans les 13 régions du pays et dans la ville de Pouytenga.
96% des personnes enquêtées estiment que la pratique de la corruption est fréquente ou très fréquente au Burkina Faso. Un commerçant enquêté de Bobo Dioulasso cité par le rapport explique par exemple qu’aujourd’hui, la « corruption est devenue monnaie courante, si tu ne passes pas par la corruption, tes affaires ne peuvent pas prospérer ». Un homme religieux enquêté de Ouagadougou estime pour sa part que « les actes de corruption sont ancrés dans les comportements des populations à tel point qu’ils constituent la règle ».
Enfin, un étudiant à Bobo dit tout rond : « Aujourd’hui, dans presque tous les services, il suffit que vous ayez quelque chose à donner, et vous obtiendrez le service voulu en un temps record ».
Les enquêtés du REN-LAC ont reconnu avoir eux-mêmes offert des rétributions illégales à des agents. Dans 96% des cas, cette rétribution illégale a été monétaire et le cumulé remonte à sept millions dix huit mille huit cents (7 018 800) F CFA avec des extrêmes de deux cents (200) F CFA et un million cinq cent mille (1 500 000) F CFA.
Les agents ont aussi donné leur point de vue sur la question. Sur 38 salariés et trois enquêtés (donc 41 agents enquêtés au total), seulement six ont reconnu avoir perçu une rétribution illégale. Le montant cumulé de la rétribution illégale reçu est de quatre vingt dix mille cinq cents (90 500) F CFA. Les salariés qui ont reçu ces rétributions pointent l’usager du service comme l’initiateur. « C’est un cadeau de satisfaction de l’usager ; c’est en signe de remerciement. On ne peut pas refuser sans blesser le donateur ; etc. », cite le rapport.
Les classements
Le rapport indique que le classement « s’est focalisé sur les administrations publiques sollicitées en 2011 personnellement par les enquêtés ou par un membre de leur ménage ». Suivant la réponse des enquêtés, trois niveaux de corruption ont été établis dans le rapport.
Le niveau 1. « Des services ont été offerts dans les bureaux de ces administrations aux usagers sans que ces derniers n’aient eu à payer de rétribution illégale à aucun agent public de ces bureaux ou qu’aucun agent n’en ait non plus demandé ».
Le niveau 2. « Des services ont été offerts dans les bureaux de ces administrations contre des rétributions payées de gré par certains usagers à des agents publics de ces bureaux ou à la demande de ces derniers ».
Le niveau 3. « Aucun service n’a pu être obtenu par un usager dans des bureaux de ces administrations publiques sans paiement de rétribution à l’agent public du bureau visité ».
Sur le classement des administrations publiques selon le niveau 2 et 3 de corruption perçue par les enquêtés, la Douane occupe le premier rang ; la Police municipale et la Justice complètent respectivement le podium (2e et 3e). L’Enseignement primaire, la SONABEL et le Trésor public sont perçus comme les services les moins corrompus.
Sur le classement des entités d’administrations, le ministère de la Justice, Garde de Sceaux est le plus corrompu, suivi de celui de l’Economie et des Finances et celui des Enseignements Secondaire et Supérieur.
En ce qui concerne le classement des catégories d’agents d’administration publique, les membres du gouvernement sont les plus corrompus. Le reste de ce classement est compté par les élus (2e), les agents d’exécution et les cadres.
Les causes de la corruption
Les enquêtés pensent que les causes de la corruption (qui est de la responsabilité entière des agens publics) sont « les bas salaires des agents, la vie chère, la pauvreté généralisée et l’impunité des auteurs de corruption ou d’infraction similaires ».
Pour la grande corruption qui implique, les maires des communes, les directeurs généraux des sociétés d’Etat, les membres du législatif et l’exécutif, le rapport indique que « trente six des causes identifiées sur 100, sont inhérentes aux caractéristiques intrinsèques de ces personnalités et sont relatives à leur cupidité, leur passion démesurée du gain facile et à la faible intégrité dont ils font montre dans la gestion de la chose publique ». En termes de mesures pour réduire la fréquence des actes de corruption, les enquêtés pensent qu’il faut améliorer les conditions de vie et de travail des populations (33%), des sanctions exemplaires et dissuasives des auteurs de corruption (26%), une sensibilisation des populations sur la corruption (24%), une transparence des procédures d’offre de service public (12%), une magnification du bon exemple (5%).
Source : Rapport 2011 REN-LAC Synthèse : Nana Michel