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Sidwaya N° 7282 du 24/10/2012

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Editorial : La liberté de la presse, une réalité, mais…
Publié le jeudi 25 octobre 2012   |  Sidwaya




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Le 20 octobre de chaque année est célébrée la Journée nationale de la liberté de la presse au Burkina Faso. Lorsqu’on analyse un peu la situation dans le pays, on constate que la liberté d’expression a progressé de manière très significative depuis une vingtaine d’années avec l’émergence des journaux, des radios et des télévisions privés. Cette progression est indéniable.

Cette année d’ailleurs, l’environnement médiatique vient de s’enrichir d’un organe essentiel pour la liberté de la presse, l’Observatoire burkinabè des médias (OBM). Cet Observatoire qui a vu le jour le 13 octobre 2012 doit bénéficier dorénavant de l’appui de tous pour devenir une véritable institution répondant aux attentes des Burkinabè. A l’instar de son président, Jean-Baptiste Ilboudo, nous formulons le vœu que « cette troisième gestation de la refondation que nous venons de porter sur les fonts baptismaux,(…) soit la bonne, durable et riche en hauts faits susceptibles de restaurer et de renforcer la crédibilité de notre si noble profession, tout en redonnant confiance et fierté au quatrième pouvoir et aux professionnels burkinabè de la plume, du micro, du petit écran et du web venus révolutionner le monde de la presse ». Au lieu d’attendre que l’instance de régulation, en l’occurrence le Conseil supérieur de la communication rappelle les hommes de médias à l’ordre, l’OBM se chargera de réguler à l’interne les dérives médiatiques.

La presse burkinabè jouit aujourd’hui d’une image assez respectable et l’avènement de l’OBM, organe d’autorégulation, doit renforcer cette image positive. La dépénalisation des délits de presse tant revendiquée peut devenir, elle aussi, une réalité à condition que les premiers bénéficiaires fassent la preuve de leur mérite. Si les journalistes eux-mêmes dans leurs actes de tous les jours se remettent en cause, évitent les dérives, respectent les règles de la profession, ceux qui s’opposent à cette dépénalisation auront tort.
Nous pensons qu’on ne pourra avancer sur le chantier de la dépénalisation que si on évolue parallèlement sur le chantier de l’autorégulation et de la responsabilité sociale. Cette forme de contrôle interne fait par les pairs permettra de lutter contre les dérives et les violations de la déontologie qui peuvent être parfois aussi des violations de la loi, par la diffamation, les injures. On pourrait envisager, à travers la dépénalisation, qu’il n’y ait plus de peine privative de liberté pour les journalistes qui seront coupables de délits. Mais, pour y arriver, il faut que l’autorégulation soit performante, c’est-à-dire, que les journalistes fassent la démonstration que l’instance d’autorégulation est capable de rappeler à l’ordre ceux qui violent les principes du métier. Il ne faudrait surtout pas donner l’impression que l’instance d’autorégulation s’acharne sur les plus petits pendant que les « gros bonnets » passent allègrement entre les mailles du filet.

En outre, et il faut le dire, la dépénalisation ne doit pas être seulement perçue comme un droit mais beaucoup plus. C’est un devoir en ce sens que le journaliste n’est pas au-dessus des lois. En cas de dépénalisation, il doit plus que jamais faire preuve de professionnalisme, de responsabilité, de maturité. Même si on dépénalise les délits de presse, un journaliste qui est coupable d’injure ou d’atteinte à la sûreté de l’Etat peut tomber sous le coup d’autres lois et être poursuivi sur une autre base juridique. La dépénalisation ne signifie pas que le journaliste ne pourra plus être poursuivi du tout par la justice. La dépénalisation ne fait pas de lui un demi-dieu, un intouchable !

Mais au demeurant, s’il y a un danger qui peut désagréger les fondements du journalisme dans notre pays et remettre en question les acquis, notamment la cohésion dans la profession, ce sont bien ces structures de journalistes à connotation religieuse. De plus en en plus, on voit naître des unions pouvant constituer des dangers pour l’objectivité prônée par le journalisme. Il est vrai que l’information religieuse, un fait très sensible, exige de la subtilité dans son traitement, afin d’éviter de susciter une réaction violente ou une frustration chez le « consommateur » lorsqu’elle est mal relayée. Un journaliste membre d’une union religieuse, un journaliste qui proclame haut et fort sa religiosité saura-t-il se surpasser, voire se transcender pour écrire de manière professionnelle, pour dénoncer les pratiques d’une religion ? Saura-t-il écrire en toute objectivité contre les premiers responsables de sa confession religieuse si ceux-ci se rendent coupables d’actes inacceptables ? Sera-t-il capable d’interpréter avec objectivité les faits et gestes d’une autre religion qui n’est pas la sienne ? Lorsque les considérations religieuses s’incrustent dans le journalisme, la profession garde-t-elle son indépendance ?

On le sait, la religion unit et divise. Elle crispe autant qu’elle fascine. Son influence va du plus intime de la personne aux enjeux les plus vastes de la géopolitique. Toute religion peut susciter beaucoup de craintes. Comme l’indique Albert Camus, le journalisme est la voix de l’humanité. Mais dans cette quête, la liberté d’expression est essentielle, et les pressions financières, politiques, ou religieuses n’ont pas à interférer dans cette noble profession.
Idéalement, ’’Un journaliste est un homme qui, d’abord, est censé avoir des idées ; ensuite un homme chargé de renseigner le public sur les événements de la veille. Un ’’historien au jour le jour’’ dont le premier souci est la vérité’’, affirme Camus. Pour atteindre cette vérité, l’objectivité est de mise, essentielle. Tant que les unions de journalistes et communicateurs “vaudous”, “wahhabites”, “protestants”, “animistes”, “catholiques” « francs-maçons », « musulmans », etc. ne dévoieront pas la profession, il n’y a rien à craindre. Espérons que les acteurs de ces unions ne transposent pas leur vérité en lieu et place de celle des faits dans leurs productions. Ils doivent toujours retenir que c’est à partir de données concrètes et d’informations scrupuleusement exactes que le journaliste peut se permettre d’avancer son point de vue. Le journaliste ne doit pas se faire entendre personnellement, mais pour ce qu’il juge être dans l’intérêt général. Il faut savoir restituer les choses dans leur contexte ! D’aucuns diront comme Pierre Billon dans L’ogre de barbarie que « la neutralité c’est une chose qu’on trouve dans les discours, pas dans le cœur des gens ».
Mais le psychothérapeute Thierry Janssen nous rappelle aussi qu’« En soi, les évènements sont neutres. C’est nous qui leur attribuons un sens et, quoiqu’on en pense, nous avons toujours le choix entre l’idée d’un verre à moitié plein et d’un verre à moitié vide. Notre interprétation de la réalité influence ce que nous ressentons. Et ce que nous ressentons conditionne notre réalité ».

Faisons en sorte que notre appartenance religieuse ne joue pas contre notre profession aux exigences rigoureuses et universelles. Que l’on soit de gauche, de droite ou du centre, que l’on soit croyant ou incroyant, les faits doivent rester sacrés. Et ce n’est pas au moment où le pays réaffirme sa laïcité que les journalistes appelés abusivement communicateurs doivent entonner un autre refrain. Imaginez que dans les jours à venir on assiste à la création des regroupements suivants : l’association des contrôleurs financiers musulmans, l’Union catholique des DAAF, le Cercle des agents comptables bouddhistes, le mouvement des enseignants animistes du Faso, le Syndicat des infirmiers et infirmières salafistes,... Que deviendrait notre pays pris dans ce tourbillon ?
Puissent Dieu Tout-Puissant et les mânes de nos ancêtres veiller sur le Burkina Faso.

Rabankhi Abou-Bâkr ZIDA
rabankhi@yahoo.fr

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