C’est ce qu’on appelle prendre le taureau par les cornes. Le gouvernement ivoirien a rendu publique l’information sur la suspension d’une dizaine de magistrats dont la moralité est jugée douteuse. Ce sont des mesures conservatoires en attendant que les enquêtes diligentées par les services compétents précisent les faits reprochés à ces hommes de lois. Nul doute que les faits sont graves sinon, le gouvernement n’aurait pas pris le risque de communiquer sur un sujet aussi sensible : la corruption au sein du corps judiciaire. La corruption est une des plaies qui minent les démocraties africaines et le fer de lance de toute lutte anticorruption repose principalement sur la volonté politique des gouvernants, s’appuyant sur une justice crédible et indépendante.
Quel était le visage de la justice ivoirienne avant et pendant la crise postélectorale ? Difficile de répondre avec certitude à cette question. Une chose est sûre, les nouvelles autorités ivoiriennes savent quelle justice elles veulent pour en faire un des piliers de la réconciliation et de la reconstruction nationales. Cette décision traduit la volonté du gouvernement de s’attaquer à l’hydre de la corruption de façon générale et la justice n’y échappe pas. Les animateurs de cette institution sont au carrefour de la lutte contre la corruption parce qu’ils disent le droit en dernier recours et il est impérieux que ceux-ci soient exemplaires et irréprochables. Il faudra cependant éviter de verser dans une chasse aux sorcières qui ne dit pas son nom. Ce n’est donc pas un hasard si les ONG de défense et de promotion des droits humains appellent à une enquête impartiale pour garantir les droits des suspects. Tout en garantissant aux Ivoiriens qu’il n’y aura plus jamais d’intouchables en Côte d’Ivoire. Une justice transitionnelle propre et indépendante, tel semble être le credo du nouveau pouvoir. C’est une mission difficile dans un pays qui a tant de plaies à cicatriser. A un moment où les investisseurs reprennent le chemin d’Abidjan, l’assainissement de la maison justice pourrait renforcer la confiance dans les milieux d’affaires dont les ardeurs sont souvent réfrénées par les paiements illégaux en cas de conflit. Dans cette optique, ce ménage au sein de la justice pourrait avoir des effets bénéfiques pour tout le pays.