Accueil    MonKiosk.com    Sports    Business    News    Femmes    Pratique    Burkina Faso    Publicité
NEWS
Comment

Accueil
News
Société
Article



 Titrologie



L’Observateur Paalga N° 8513 du 4/12/2013

Abonnez vous aux journaux  -  Voir la Titrologie

  Sondage



 Nous suivre

Nos réseaux sociaux



 Autres articles


Comment



Société

Site aurifère de Bagassi : 14 vies «dynamitées» pour … l’or
Publié le mercredi 4 decembre 2013   |  L’Observateur Paalga


Lutte
© Autre presse par DR
Lutte contre le travail des enfants sur les sites d’orpaillage


 Vos outils




 Vidéos

 Dans le dossier

14 morts et autant de blessés : c’est le bilan d’un éboulement survenu dans la nuit du samedi 30 novembre au dimanche 1er décembre 2013 sur le site d’orpaillage de Bagassi, dans la province des Balé. Même si les orpailleurs le nient en bloc, plusieurs sources concordent et lient ce drame à un dynamitage de la roche. Une opération dont l’onde de choc aurait provoqué peu de temps après le décrochage d’une roche qui a littéralement broyé nombre de victimes. Lors d’une visite vespérale le lundi 2 décembre sur les lieux, le secrétaire général du ministère des Mines et de l’Energie et celui de l’Administration territoriale et de la Sécurité ont exprimé la compassion du gouvernement aux familles des victimes et rendu visite à deux blessés au Centre médical avec antenne chirurgicale (CMA) de Boromo.

Au pied des collines de Bagassi, localité située à 205 km de Ouagadougou dans la province des Balé, treize (13) tombes fraîchement alignées au milieu d’arbres de karité et d’arbustes épineux (le 14e corps a été inhumé plus loin). A quelques encablures de ce décor désolant, des abris de fortune construits en secco, en banco recouverts de bâches grouillent de monde. Ce sont des orpailleurs venus des quatre coins du Burkina, qui rêvent de transformer leur vie grâce aux pépites miraculeuses.

Ils sont jeunes, entre 16 et 35 ans. Ils sont facilement reconnaissables à la poussière qui recouvre leur corps, comme si l’eau dans cet univers n’était destinée qu’à étancher la soif. Dans ce milieu, se laver est assurément un luxe réservé à quelques privilégiés, notamment les propriétaires de galeries d’où est extrait le métal jaune. Ils portent des vêtements lourds, un équipement nécessaire pour affronter les aléas climatiques, le vent, le froid en cette période de l’année.

Ce 2 décembre au soir, les galeries, qui grouillent habituellement de monde telles des fourmilières, sont désertes parce que l’une d’elles a englouti 14 vies. A la vue du cortège des officiels, c’est par centaines que les orpailleurs ont accouru, visiblement pressés d’écouter "les gens venus de Ouaga" qui les ont momentanément mis en «chômage technique». Dans un silence de... cimetière, ils ont religieusement suivi le secrétaire général du ministère de l’Administration territoriale et de la Sécurité, Sadou Sidibé, qui a déclaré : «Nous sommes venus vous traduire la tristesse et la douleur du gouvernement face à ce drame. Nous présentons nos sincères condoléances aux familles éplorées et souhaitons un prompt rétablissement aux blessés. Nous remercions toute la population qui s’est mobilisée pour porter secours aux victimes et pour trouver la dernière demeure aux personnes décédées».

D’après son collègue des Mines et de l’Energie, Emmanuel Noyarma, l’accident s’est produit sur un site qui est exploité de façon informelle par des orpailleurs depuis 17 ans. La gestion des lieux vient d’ailleurs d’être officiellement attribuée à la société Rox Gold. Celle-ci détient un permis de recherche qui a été renouvelé cette année pour trois (3) ans, mais elle n’a pas encore obtenu l’autorisation d’exploiter. «Pour le moment, nous menons des études d’impact. Nous pensons déposer notre rapport d’ici janvier pour demander l’autorisation d’exploiter. Nous allons nous concerter avec les populations pour voir comment organiser le retrait des orpailleurs de ce lieu», a indiqué le représentant de Rox Gold. «Il faut baliser l’exercice de l’activité et user de la répression, s’il le faut, pour que les choses se passent normalement», estime Emmanuel Noyarma.



Une interview interrompue



Mais quelles sont les circonstances exactes de ce drame ? Au sein de ces artisans miniers, c’est l’omerta quand, dans ce fatalisme si confortable bien de chez nous, on n’attribue pas simplement la catastrophe à la volonté divine. «C’est Dieu qui manifeste sa volonté, sa décision est irrévocable. Nous travaillons ici depuis longtemps, mais il n’y a jamais eu un accident de ce genre», soupire Alidou Nana, devant une forêt de regards attentifs et compatissants. Mais un rictus trahissait la sincérité de cet homme qui ne s’est néanmoins pas gêné de poursuivre la narration des faits. Même son de cloche chez le gérant du comptoir d’achat, Sidi Mohamed Sawadogo, dit Sidmadi, lequel a affirmé : «La galerie en question existe depuis quatre ans et les gens ont toujours travaillé dans la quiétude. Cependant, personne ne peut empêcher quelque chose qui doit arriver. Je pense que c’est l’érosion causée par l’eau qui a fini par faire céder la roche. C’est la volonté de Dieu». Si la Providence est officiellement sur toutes les lèvres, en privé toutefois, certains habitants soutiennent autre chose.

Un homme, qui a requis l’anonymat et qui s’est présenté comme l’un des ouvriers de la galerie, a, en effet, assuré que c’est bien après un dynamitage que la roche s’est détachée, avec les conséquences catastrophiques que l’on connaît. Une interview que nous menions avec un jeune qui nous confirmait cette version des faits a du reste été interrompue par l’irruption d’un autre homme, qui affirmait être son grand frère. Et après une petite concertation entre les deux, notre interlocuteur a voulu revenir sur ses déclarations. On l’aura compris, ceux qui en sont les responsables ne veulent pas reconnaître, au-delà de "la volonté de Dieu", la vraie raison du sinistre.

Pourtant, l’Administration, par la voix du préfet de Bagassi, Néhémie Zoundi, a été on ne peut plus claire sur l’origine de l’accident : «Il s’agit d’un éboulement qui a eu lieu sur un site d’orpaillage, dans un trou de 70 à 80 m de profondeur, qui serait consécutif à des explosions de dynamite utilisé par les orpailleurs eux-mêmes. C’est peu de temps après ce dynamitage qu’une roche, située à deux mètres du sol, s’est détachée, et toutes les personnes situées au niveau inférieur ont été atteintes. Le bilan a fait 14 morts et 13 blessés. Le retrait des corps s’est fait aux environs de 3 heures du matin et a duré jusqu’à 20 heures. L’enterrement a eu lieu après que chaque corps a été identifié par les membres des familles respectives. A l’heure qu’il est, 12 des blessés ont quitté le CSPS pour regagner leur domicile».

Egalement présent sur les lieux, le vice- président des syndicats des orpailleurs, Moustapha Souli, a lui aussi donné sa lecture de l’évènement : «Les risques sont partout. Il faut peut-être stabiliser les galeries avec du béton armé, comme on le fait sur bien d’autres sites. Nous allons redoubler d’efforts pour sensibiliser aux mesures sécuritaires», a-t-il déclaré. Au sujet du dynamitage, il a reconnu qu’il est pratiqué dans certains sites, mais il n’a pas explicitement lié ce drame à cette pratique. «Nous allons promouvoir l’usage des grands marteaux au lieu du dynamitage, qui est source de danger», s’est-il ainsi contenté de dire.

La polémique ne fait donc que commencer, et même le propriétaire de la galerie s’emmêle les pinceaux (lire l’encadré). En attendant, les familles endeuillées pleurent les leurs et les familles des blessés n’ont qu’un souhait : que leurs proches recouvrent vite la santé. Deux d’entre eux ont déjà reçu la visite de la délégation, qui a remis une enveloppe pour leur prise en charge. Malgré l’horreur dont il a été témoin, Issouf Bagagnan, lui, veut poursuivre son rêve d’une vie meilleure sur le site, comptant sur la grâce de Dieu pour ne pas subir le sort des 14. C’est dire que le travail reprendra de plus belle, les risques aussi.

Abdou Karim Sawadogo

Le propriétaire de galerie nous répond

Il s’appelle Sebgo Hama, et il est propriétaire du trou qui a fait autant de victimes. Il s’était fondu dans la foule, et il a fallu bien des renseignements pour le retrouver. Nous vous proposons une retranscription de la courte conversation que nous avons eue avec lui en langue nationale mooré.

Voulez-vous nous décrire les circonstances de l’accident ?

«Je n’ai pas assez d’informations sur les circonstances du drame, parce qu’il y a des chefs de groupes qui supervisent le travail. Même si je suis le propriétaire de la galerie, je n’y descends pas».

Il semble que l’accident est survenu à la suite d’un dynamitage…

«Le dynamitage n’est pas une nouvelle pratique, tout le monde y recourt. Seulement cette fois-ci, on a été pris de court par l’accident».

Donc vous confirmez qu’il y a bien eu dynamitage ?

«Non, au moment de l’accident, il n’y en avait pas eu. Il y a longtemps que nous y avons eu recours, parce que le terrain n’est pas assez dur».

Propos recueillis par AKS

 Commentaires