Une fois de plus, la France est appelée à jouer les gendarmes en terre africaine. Après la Libye, la Côte et le Mali, la Centrafrique verra bientôt débarquer l’armée française, pour la sortir de l’impasse. De prime abord, cette nouvelle intervention française en terre africaine est la bienvenue. Il s’agit d’accourir au chevet d’un pays déstructuré et en proie à la barbarie humaine. Tant que des vies peuvent être sauvées par le fait de soldats français, il n’y a pas de mal en cela. D’ailleurs, choisit-on l’eau destinée à éteindre un incendie ? En tout cas, au nom de la solidarité internationale, armée française ou pas, toutes les bonnes volontés sont les bienvenues en Centrafrique. Du reste, ceux qui crient à l’ingérence, en ressassant cette antienne sur la Françafrique, refusent-ils l’aide au développement de la France ? Quelle différence y a-t-il entre un pays africain contraint de boucler son budget grâce à l’aide française et celui qui fait appel à cette même puissance pour assurer sa sécurité ? Aucune. Dans tous les deux cas, la souveraineté du pays demandeur est mise sous le boisseau. Dans tous les cas récents où la France est intervenue en Afrique, ce fut pour répondre à une demande. Et même si ce n’était pas suite à une requête quelconque, le devoir d’ingérence humanitaire l’imposait. Il faudra s’en prendre plutôt aux peuples et aux dirigeants des pays concernés, plutôt qu’à la France. C’est donc un faux débat, que, telle une vierge effarouchée, d’invoquer une quelconque volonté de reconquête de l’Afrique par la France. La Libye de Kadafi n’avait aucun lien colonial avec la France de Sarkozy. Cela n’a pas empêché ce dernier, après l’appel du pied des habitants de Benghazi menacés de pogrom, de déclencher un déluge de feu sur Kadafi. Le vrai problème de l’Afrique est ailleurs. Il réside dans l’incapacité de nos dirigeants, plus d’un demi-siècle après les indépendances, à assumer convenablement cette accession à la souveraineté internationale. Il y a eu d’abord, de la part de bien des dirigeants, la tentation du repli autour de leur propre ethnie, qui a empêché le façonnement d’un Etat-nation démocratique. Le fractionnement du pays sur une base ethnique se vouant une haine tenace n’a pas permis d’asseoir de véritables nations. A cela s’ajoute l’absence totale de démocratie et donc d’alternance pacifique, d’où le recours à toutes formes de violences par ceux qui se sentent exclus de toute possibilité d’accès au pouvoir. La Centrafrique dont on parle aujourd’hui, en attendant un autre pays demain-les ingrédients des troubles divers sont toujours réunis dans de nombreux Etats- est un concentré des tares de l’Afrique. Avec ceci de nouveau et de grave, qu’à la bouffonnerie des dirigeants est venu s’ajouter un mal nouveau : les affrontements confessionnels. L’arrivée de la Séléka a en effet fait naître un conflit inter-religieux entre musulmans et chrétiens, donnant une dimension encore plus dramatique à la crise. Les pauvres populations victimes d’atrocités de toutes sortes ne veulent qu’une main secourable, peu importe sa couleur. Mieux, c’est le secours de la France qu’elles réclament le plus, et non celui de leurs propres dirigeants ou des pays voisins. Cela devrait interpeller la conscience des gouvernants en Afrique : pourquoi les Centrafricains font-ils plus confiance aux Français qu’aux Africains pour les tirer d’affaire? C’est parce que tout simplement les dirigeants se préoccupent plus de leur longévité au pouvoir que du bien-être de leurs peuples. Sinon, depuis le temps que l’on parle d’une Force africaine en attente au sein de l’Union africaine, pour parer aux situations d’urgence comme celle de la Centrafrique, une solution aurait pu être trouvée. Mais voilà, chaque dirigeant préfère son confort personnel. Résultat,le Guinéen Sékouba Konaté, nommé à la tête de cette structure, est de ce fait un général sans troupes, réduit à fréquenter les salons feutrés au lieu de se rendre sur les terrains de conflits. Pauvre Général ! Pauvre Afrique! .