Journée chargée que celle d’hier au Mali, avec les législatives qui s’y sont tenues trois mois après la présidentielle. Jusqu’à la fermeture des bureaux de vote, il n’y avait pas eu d’esclandre majeur. Réjouissant ! D’autant que les groupes islamistes avaient donné de la voix, menaçant de faire parler la poudre et le plastic. Le scénario noir tant redouté n’a pas eu lieu, notamment au Nord, où la veille du scrutin, les électeurs ne savaient toujours pas à quelle force de sécurité se vouer. Pouvait-il en être autrement avec la présence de quatre forces que sont la MINUSMA, les forces françaises Serval, l’armée malienne et le MNLA ? En attendant le second tour, si nécessaire, prévu pour le 15 décembre prochain, touchons du bois pour que tout aille au mieux comme dans le meilleur des scrutins possibles.
En attendant, le petit grain de sel de ce rendez-vous électoral qualifié de fade et de non-événement par de nombreux observateurs et qui ne finit pas de faire l’objet de débat autour du thé, c’est que Karim Wade… pardon …Karim Kéita, 34 ans, fils de l’actuel président malien, est entré résolument en politique. Il est candidat à la députation dans la commune II de Bamako. Au grand dam de son géniteur, dit-on, dans certains milieux. D’aucuns avancent que le père serait resté longtemps inflexible face aux velléités réitérées de son fils de faire le grand plongeon. Pour le faire plier, il aurait, semble-t-il, fallu l’intervention de membres influents de la fratrie. Bienvenue donc à cet autre fils de... dans le marigot politique aux eaux boueuses, mais attention aux vieux caïmans.
Maintenant, il reste à lui à apprendre à nager seul.
Visiblement, il n’est pas accepté par les vieux crocodiles de la mare, à commencer par ceux du Rassemblement pour le Mali, le parti du père, qui estiment que ce «Papa m’a dit» né à Paris, qui a vécu ensuite en Belgique et après au Canada (pour ses études de commerce international) ne connaît rien à la politique. Néanmoins, sa décision pose une fois de plus le cas des ces «fils de...» qui posent leurs pas sur ceux de leurs géniteurs. C'est vrai, dans une République, aucune loi n'interdit à quiconque de faire prévaloir ses droits. Mais, il est des moments où quand on est "fils de...", "frère de...", "sœur de...", on a plus de devoirs que de droits. Admettons que Karim Kéita soit élu député à ces législatives et qu’il ait des dents encore plus longues, côté ambition. Un père restant un père, pourra-t-il se libérer de l’ombre tutélaire de ce dernier et convaincre qu’il ne doit sa réussite qu’à son équation personnelle ? Ce n’est pas gagné d’avance et des précédents fâcheux il y en a bien eu. Pas besoin de traverser plusieurs frontières : le cas de son homonyme au Sénégal est édifiant. Propulsé par son père de président, Karim Wade a gravi les échelons de l'Etat à une vitesse supersonique avec tout ce que cela donne comme vertige du pouvoir. Conséquence, une fois le géniteur battu à la présidentielle, il entraîna dans sa chute son fils, actuellement en train de tâter de la prison à Rebeuss.
Karim Kéita n’aurait-il pas été plus inspiré de rester et d’exceller dans son agence de location de voitures et dans son autre métier de conseil aux investisseurs plutôt que d’entrer dans ce bourbier où le passé du père rattrape vite le fils et vice-versa ? On pourrait dire tout ce que l’on veut de certains de nos anciens présidents (Senghor, Houphouët, Lamizana…), sauf d’avoir voulu imposer leurs rejetons dans les hautes sphères du pouvoir. Conscients qu’ils étaient des vicissitudes liées aux velléités de gestion patrimoniale du pouvoir. Et pourtant, à l’époque, ces dirigeants auraient proposé leur mère à un poste quelconque qu’on n'aurait rien trouvé à redire. Oui, l’on nous dira qu’aucune Constitution n’interdit à un fils ou à un frère de président de faire ceci ou cela comme nous l'avons déjà relevé. Mais vu les antécédents bien fâcheux, il faudrait y réfléchir par deux fois.