Le président sénégalais, Macky Sall, a décidé de s’attaquer à la cherté des loyers à Dakar. Depuis le 8 novembre, une commission a été mise en place pour étudier la question. En attendant, les loyers sont gelés à Dakar jusqu’à nouvel ordre. A première vue, le pari est osé et la mission impossible. Dans nos villes tentaculaires, où l’informel est roi, on peut être dubitatif sur les chances de succès d’une telle opération. Les détracteurs et les adversaires du président sénégalais ne manqueront pas non plus de crier à la démagogie et à une initiative purement politicienne, voire électoraliste, en prévision des élections municipales à venir. C’est leur droit. Mais une chose est sûre, le président Sall avait fait de cette baisse des loyers un des axes de son programme. Il faut donc saluer son esprit de suite et surtout son courage. Car les propriétaires d’immeubles et de résidences mis en location sont très souvent de grosses fortunes proches du régime ou promptes à lui apporter un soutien financier lors des campagnes électorales. Macky Sall n’a donc pas eu peur de s’attaquer à des puissances d’argent, au nom des intérêts du plus grand nombre et des plus démunis. C’est un président qui est à l’écoute des populations et de leurs problèmes. Tous ceux qui ont fait la ville de Dakar peuvent témoigner de l’extrême cherté du loyer, tant pour les habitations que pour les boutiques et bureaux. On n’a pas besoin d’être un diplômé de Harvard pour comprendre que le coût de l’immobilier a un impact sur la vie sociale des populations et sur le développement des affaires. Certes, dans certains cas, la cherté du loyer se justifie. Il peut s’agir d’une ville prospère et ne disposant pas d’espace pour des réalisations de nouvelles infrastructures. Dakar n’est que la capitale d’un pays pauvre. Tout juste peut-on expliquer le coût des loyers, en partie, par l’urbanisation effrénée et incontrôlée d’une ville qui est en fait une presqu’île. Les chiffres sont édifiants. La ville connait en effet une forte concentration démographique avec 822.400 habitants sur 82 km2 et un taux de croissance compris entre 4,5 et 5% l’an. Dans ces conditions, les marchands de sommeil ne peuvent que se frotter les mains, d’autant que le gouvernement, qui devait aider à résorber le déficit de maisons à caractère social, a manqué à sa vocation sous le régime d’ Abdoulaye Wade. C’est à son arrivée que Macky Sall a lancé une vigoureuse politique de construction d’habitats sociaux, tout en veillant à endiguer la flambée des coûts des loyers.
Ce courage politique manque à beaucoup de dirigeants africains. Et cette hausse exponentielle et insoutenable du loyer à Dakar, qui a pour conséquence d’aggraver la vie chère et de décourager les initiatives chez les jeunes entrepreneurs, commence aussi à toucher d’autres villes ouest-africaines, comme Ouagadougou. Le Burkina doit commencer aussi à voir de près ce problème. Ainsi, les contrôles du ministère du Commerce devraient s’étendre aux loyers, car la lutte contre la vie chère en dépend. Un commerçant, un industriel ou tout autre entrepreneur louant cher un bâtiment, ne peut que répercuter cette forte charge sur ses prix. Le salarié qui consacre une proportion importante de ses revenus dans la location de sa maison ne peut que tirer le diable par la queue. Il devient, comme bien de ses compatriotes, non pas un privilégié, mais un cas social. La maîtrise des coûts des loyers apparait donc comme un impératif, non seulement dans le dynamisme de l’activité économique, mais aussi dans la lutte contre la vie chère. C’est aussi une façon de rétablir quelque peu la justice sociale, en permettant aux plus démunis de se loger dans des conditions décentes. Macky Sall l’a compris et malgré la montagne d’obstacles qu’il devra affronter, il n’a pas hésité à s’attaquer à la forteresse des propriétaires des biens immobiliers. En tout cas, même en cas d’échec, il aura eu au moins le mérite de se montrer à l’écoute des préoccupations de ses concitoyens. Ce qui est le dernier des soucis de bien des dirigeants en Afrique .