La Fédération des syndicats nationaux des travailleurs de l’éducation et de la recherche (F- SYNTER), comité de l’université, dresse ici un tableau peu reluisant de l’enseignement supérieur au Burkina et se prononce pour l’annulation des sanctions contre les étudiants de l’ENSK.
Depuis quelques années, les universités publiques du Burkina traversent une crise exacerbée depuis la refondation des années 2000. Le résultat en est le chaos qu’on observe depuis deux ou trois ans dans le déroulement du calendrier pédagogique. On en est au point où aucune personne de bonne foi ne peut aujourd’hui dire avec certitude à quel moment commence l’année académique et quand elle se termine. C’est dans ces conditions que le Comité de l’université de la F-SYNTER a souscrit à la proposition de céder un mois de vacances pour rattraper le retard. Mais qu’on ne s’y trompe pas. Les causes profondes de la situation sont à rechercher dans les pratiques antidémocratiques et la dégradation des conditions de vie des enseignants et des étudiants.
L’explosion des effectifs au niveau des universités n’a pas été accompagnée d’une augmentation significative du nombre d’enseignants ni d’une amélioration de la structure administrative. Des infrastructures vétustes, inadaptées et insuffisantes rendent difficile l’exécution des cours. Les enseignants assistent souvent impuissants à des batailles entre étudiants pour occuper les salles. A cela, Il faut ajouter l’absence d’une vision prospective clairvoyante des autorités politiques et administratives dans le renouvellement du personnel enseignant. Pendant que le nombre d’étudiants connait une hausse tendancielle, le nombre d’enseignants et du personnel d’encadrement permanent n’a pas augmenté. Le comblement d’un tel déficit est de nos jours problématique, les conditions salariales étant peu attractives dans le secteur public, faisant de l’enseignement un calvaire pour de nombreux diplômés. Il n’est alors pas étonnant que l’Université soit de plus en plus désertée par des enseignants ayant d’autres possibilités.
C’est dans ce contexte de crise universitaire que le système Licence-Master-Doctorat (LMD) a été hâtivement introduit sans accompagnement structurel conséquent. Le bon sens aurait voulu qu’on liquide l’ensemble des contentieux existant avant d’aller de manière assez rassurée dans ce système qui est très exigent en infrastructures, en personnel, en gestion des flux d’étudiants, en formation continue des enseignants, en communication numérique, etc. Mais rien n’y fit. Et le système LMD est venu augmenter la charge des problèmes à gérer, sans perspectives claires d’en trouver des solutions. Cela se traduit par l’imbroglio constaté dans les fins et débuts de semestres ou d’années.
« Une gestion autocratique des crises »
Les déconvenues fréquentes entre les étudiants et les administrations universitaires autour des questions de programmation des cours et des devoirs – comme ce qui se passe actuellement à l’Université de Koudougou – ne sont en réalité que des conséquences de cette cacophonie. Au lieu de prendre l’ensemble des problèmes à bras-le-corps, on s’attèle très souvent à trouver des boucs émissaires, en l’occurrence, les étudiants, et les mesures répressives sont censées les effrayer pour empêcher l’expression des revendications. C’est ce qui explique que l’on se soit empressé de répondre aux revendications des étudiants par des mesures liberticides. Le comité de l’université condamne les mesures du Conseil de discipline de l’Université de Koudougou du 2 septembre 2012 contre 16 étudiants. Ces mesures confirment bien une gestion autocratique des crises qui secouent régulièrement le système universitaire du pays.
Ces pratiques non-démocratiques dans le fonctionnement et la résolution des crises sont monnaie-courante. Ainsi, les organisations syndicales n’ont pas un statut délibératif au sein du Conseil de formation et de la vie universitaire (CFVU). Comment comprendre que dans cette instance censée gérer la vie pédagogique, les structures syndicales n’ont qu’un statut d’observateur, ce qui ne leur confère aucun droit de regard sur les décisions prises. Le comble de ces pratiques non-démocratiques a été atteint avec la désignation des membres des Comités techniques spécialisés (CTS), et plus particulièrement dans le CTS des Sciences humaines pour la session du CAMES de cette année. En effet, les conseils de gestion des Unités de formation et de recherche en Lettres, arts et communication (LAC) et Sciences humaines (SH) avaient démocratiquement choisi leurs délégués pour la période juillet 2012 - juillet 2014. A la surprise générale, parmi les trois délégués retenus par le ministère des Enseignements secondaire et supérieur, deux n’ont pas été proposés par leur structure de base. C’est donc dire qu’ils ont été cooptés par le ministre en fonction des critères qui lui sont propres, qui sont certainement tout, sauf démocratiques. Cette opération de manipulation des listes des délégués CTS a eu pour conséquence d’écarter deux de nos collègues de leur fonction de président de CTS du CAMES, position convoitée par toutes les universités du CMES : il s’agit de Mahamadé SAVADOGO pour le CTS Lettres et Sciences humaines et de Mamadou SAWADOGO pour celui de médecine.
« Un déficit de gouvernance »
L’Université de Ouagadougou souffre assurément d’un déficit de gouvernance ; la preuve est encore faite par la gestion déficiente d’une rixe entre deux enseignants qui s’est terminée par un jugement au tribunal, faisant ainsi la preuve de l’incapacité des institutions universitaires à gérer des crises internes. Ces conditions objectives ont entraîné les syndicats du supérieur à engager des luttes (2009 et 2011) pour l’amélioration de leurs conditions de vie. Ces différentes luttes ont permis d’avoir des acquis sur les plans moral, institutionnel et matériel. Sur le plan moral, la solidarité dans la lutte a permis de faire respecter les enseignants du supérieur. Sur le plan institutionnel, le vote de la loi portant statut des enseignants-chercheurs et hospitalo-universitaires, constitue une avancée en dépit des insuffisances. Sur le plan matériel, les acquis salariaux et indemnitaires soulagent dans une certaine mesure la misère dans laquelle baignent les enseignants du supérieur.
Les acquis des différentes luttes montrent que les enseignants doivent continuer à avoir confiance en leur capacité à influer sur le cours de leur destin professionnel et social ainsi que sur le redressement des universités publiques du Burkina Faso. C’est dans cette dynamique de lutte qu’il nous faut continuer. C’est pourquoi le Comité de l’Université de la F-SYNTER invite les enseignants à se mobiliser autour des points suivants :
L’annulation des mesures répressives contre les étudiants de l’Université de Koudougou ;
Le respect des franchises universitaires ;
La normalisation de l’année académique à travers la participation de toute la communauté universitaire dans la recherche des solutions ;
La revalorisation du statut des enseignants-chercheurs ;
La participation pleine et entière des organisations syndicales au CFVU avec voix délibérative ;
L’élection du Président de l’université par les enseignants ;
L’élection des représentants au CTS par les structures de base.
Vive La F-SYNTER !
Pain et liberté pour le peuple.
Le Secrétaire général du Comité de l’Université de la F-SYNTER