16ème Conférence annuelle des Services du Trésor (CAST) : Nous envisageons la mise en place d’un fonds de restructuration pour prendre en compte les dédommagements
Publié le mercredi 13 novembre 2013 | Trésor public
Face au poids croissant du microcrédit dans l’économie (encours d’épargne de 160 milliards et de crédit de 92 milliards au 30 juin 2013), le Trésor public en sa qualité de tuteur veut améliorer la surveillance et le contrôle des Services financiers décentralisés (SFD). Dans cet entretien accordé à Sidwaya, la directrice en charge de cette question, Mme Fatoumata Guindo, dresse le bilan des actions menées ou en cours, apprécie l’évolution du secteur. Elle pose enfin, les jalons de ce qui peut être fait pour pérenniser le secteur comme la mise en place d’un fonds de restructuration pour les SFD.
La conférence des services du Trésor se tient du 12 au 14 novembre 2013 sur le thème : « Rôle du Trésor public dans la surveillance et le contrôle du secteur de la microfinance : état des lieux et perspectives ». Qu’est-ce qui explique la pertinence d’une telle problématique ?
Mme Fatoumata Guindo (F.G.) : La Conférence annuelle des services du Trésor est un cadre de concertation et d’échange qui se penche chaque année, sur des questions spécifiques qui concernent ses services et ses usagers.
C’est dans ce sens que la présente conférence, la 16e du genre se tient sur le thème « Rôle du Trésor public dans la surveillance et le contrôle du secteur de la microfinance : état des lieux et perspectives ».
S’agissant de la pertinence des présentes assises, je dois dire que le secteur de la microfinance connaît un essor considérable dans notre pays, au regard de la forte croissance des indicateurs notamment, en matière de nombre d’adhérents, de mobilisation de l’épargne et de distribution du crédit en faveur des populations à revenu modeste et généralement, exclues des services financiers classiques. C’est pourquoi, le Trésor public qui assure la tutelle de ce secteur au nom et pour le compte du Ministre de l’économie et des finances, a jugé utile de marquer un arrêt pour jeter un regard rétrospectif sur ses interventions dans le secteur, afin d’en mesurer les impacts et en tirer les leçons qui s’imposent.
Quelles sont les attentes de la direction générale du Trésor, en organisant ces assises ?
F.G. : En organisant cette conférence, la Direction générale du Trésor, en collaboration avec l’ensemble des acteurs intervenant dans ce secteur entend faire un diagnostic sans complaisance de son rôle dans la surveillance et le contrôle du secteur de la microfinance. Naturellement, ce diagnostic débouchera sur la formulation de nouvelles perspectives, compte tenu des nouvelles exigences et des fortes attentes des usagers de ce secteur.
En quoi la surveillance et le contrôle de la microfinance constituent-ils un gage de pérennisation du secteur et surtout, de protection des épargnants ?
F.G. : La surveillance et le contrôle des institutions de microfinance visent à améliorer leur fonctionnement par le respect de la réglementation qui le régit, afin d’assurer une meilleure protection des déposants et partant, la préservation de l’intégrité de tout le secteur. Dans ce sens, la surveillance et le contrôle constituent un gage de pérennisation du secteur et surtout, de protection des épargnants.
La surveillance vise également à atteindre d’autres objectifs non moins importants à savoir la préservation du patrimoine des institutions par la détection des insuffisances et des fraudes de gestion, la protection des intérêts de leurs membres ou clients, l’atteinte des objectifs fixés par les institutions et la préservation de la stabilité du secteur.
Comment la Direction générale du trésor appréhende-t-elle l’évolution institutionnelle et juridique du cadre d’exercice des services financiers décentralisés ?
F.G. : L’évolution institutionnelle et juridique du cadre d’exercice des systèmes financiers décentralisés fait suite à plus d’une décennie d’application de la loi 59-94 dite loi PARMEC qui a mis en exergue des insuffisances parmi desquelles figurent les dysfonctionnements liés à la gouvernance, à la défaillance des systèmes d’information, à la gestion peu efficiente des risques et à la faiblesse des mécanismes internes du contrôle. D’où l’adoption de la loi 023-2009 qui a consacré une évolution, aussi bien au plan juridique qu’institutionnel.
Au plan juridique, on peut noter essentiellement des innovations comme l’extension du domaine d’application de la loi, l’unicité du régime d’autorisation d’exercice, la diversification des formes juridiques, notamment les SA et les SARL, la diversification des services offerts, le renforcement du régime des sanctions.
Au plan institutionnel, on peut retenir qu’outre les compétences traditionnelles dévolues au ministre chargé des finances, il y a la participation de la Banque centrale et de la commission Bancaire dans le processus de délivrance des autorisations d’exercice de la surveillance et du contrôle des systèmes financiers nationaux d’une certaine taille.
En somme, ce nouveau cadre vise une professionnalisation des acteurs, une sécurisation des transactions et un assainissement du secteur.
La microfinance au Burkina est décrite comme un secteur à succès, en témoignent le nombre d’adhérents près de 1,4 million et les montants financiers générés, soit un encours d’épargne de 134 milliards de F CFA contre 90 milliards de crédits octroyés en 2012. Quel bilan vous est-il possible de faire sur ses principaux indicateurs en 2013 ?
F.G. : Une comparaison des principaux indicateurs usuellement utilisés dans le secteur, permet de mesurer la forte évolution qu’a connue le secteur. Ainsi, l’encours des dépôts ou de l’épargne est passé de 63 milliards de FCFA en 2006 à plus de 160 milliards de FCFA au 30 juin 2013. Le volume total des crédits octroyés par les SFD en 2006 était estimé à environ à 55 milliards de FCFA contre plus de 92 milliards de FCFA au 30 juin 2013. Le nombre de bénéficiaires des services microfinanciers est passé de 773 420 à 1 402 492, sur la même période.
Concrètement, comment les services du Trésor comptent-ils surveiller le secteur ? A ce propos, quels ont pu être les résultats des contrôles déjà effectués sur l’amélioration de la gestion du secteur ? Quels sont les ratios et les normes de gestion à respecter par les opérateurs ?
F.G. : Les services du Trésor comptent renforcer la surveillance du secteur et cela passe d’abord, par un examen rigoureux des contrôles à l’entrée du secteur, mais aussi et surtout, la multiplication des contrôles sur pièces et sur place. Egalement, un dispositif d’alerte précoce est mis en place pour permettre une surveillance prudentielle.
A ce propos, on peut noter que les contrôles déjà effectués ont fortement contribué à l’amélioration sensible de la gouvernance et de la qualité de la gestion des SFD. C’est du reste, ce qui explique l’évolution croissante des principaux indicateurs précédemment citée.
Les ratios et normes de gestion à respecter par les opérateurs sont contenus dans les instructions de la BCEAO qui font partie intégrante du dispositif juridique auquel sont soumis ces opérateurs. On peut citer par exemple, le ratio de capitalisation (les fonds propres doivent représenter en permanence 15% de l’actif total), la norme de liquidité qui est de 100% pour les SFD isolés et 80% pour les SFD en réseaux et 60% pour les SFD ne collectant pas l’épargne, le ratio de couverture des emplois moyens et longs par les ressources stables. La norme requise est de 100%.
La surveillance prend-elle en compte les tontines, une activité informelle de collecte de l’épargne entre individus ? Que faut-il faire pour mieux appréhender cette activité ?
F.G. : Je dois rappeler que l’exercice des activités de la microfinance (collecte de l’épargne et octroi de crédit) est soumis à l’autorisation préalable du ministre chargé des finances. Il va s’en dire que la surveillance prend en compte les activités informelles de collecte d’épargne, notamment les tontines commerciales (cauris d’or,...). Du reste, il y a des échanges entre la Direction générale du Trésor et les collecteurs et/ou collectrices des marchés et yaars de Ouagadougou pour mieux appréhender cette activité.
Nous avons espoir qu’à terme, nous pourrons mieux encadrer et accompagner cette activité, grâce à la contribution de tous.
Quel rôle la microfinance joue-t-elle ou peut jouer dans la lutte contre la pauvreté ? De plus en plus, il est question dans le secteur, de promotion des services financiers inclusifs.
Comment le Trésor public analyse-t-il ses mutations et quel dispositif d’appui comptez-vous mettre en place ?
F.G. : La microfinance ou finance décentralisée permet aux populations à revenu modeste de bénéficier de services financiers adaptés aux besoins de financement de leurs activités socioéconomiques et donc, génératrices de revenus, contribuant ainsi à l’amélioration de leurs conditions de vie. C’est dans ce sens que la microfinance joue un rôle important dans la lutte contre la pauvreté. Les interventions du Trésor à travers la surveillance et le contrôle, contribuent certainement à garantir un secteur financier viable et pérenne. La promotion de l’inclusion financière passe par la diversification de l’offre de produits et services financiers destinés aux populations démunies, en particulier les femmes, les jeunes, les entrepreneurs ruraux et les personnes en situation de handicap.
Comment peut-on garantir l’autonomie financière des systèmes financiers décentralisés ? Pour les SFD en crise, quelle solution le trésor préconise-t-il notamment, en ce qui concerne la protection des épargnants ?
L’autonomie financière est la capacité d’un SFD à s’autofinancer. Cela passe par la bonne gouvernance, le renforcement des fonds propres, la maîtrise des charges et le respect des normes prudentielles. Les SFD en crise font l’objet d’une attention particulière et des mesures de sauvegarde sont entreprises pour la protection des épargnants.
La Loi prévoit la mise en place des fonds de garantie et de sécurité et la solidarité de place pour faire face aux multiples crises que le SFD viendrait à connaître. Il y a aussi la définition et la mise en place du plan de redressement, assorti de mesures d’accompagnement. Au cours de cette conférence, nous allons aussi discuter de l’opportunité de mettre en place un fonds de restructuration pour prendre en charge les questions de dédommagement.