Le ministère du Commerce a entrepris une traque sans répit de la fraude, de la contrefaçon, des prix non homologués et des produits dangereux. Ses limiers descendent régulièrement sur le terrain, pour traquer les commerçants véreux. Ces opérations « coup de poing » visent notamment à lutter contre la vie chère et à protéger les consommateurs. Une belle initiative, s’il en est, qui témoigne de la volonté du gouvernement de jouer son rôle de gardien du jeu économique. Mais force est de reconnaitre que le bilan de cette lutte contre les mauvaises pratiques dans le commerce demeure mitigé. Le combat actuel du ministère contre le carburant vendu dans la rue ressemble en effet à un serpent de mer. Aussitôt les contrôleurs partis que les dépôts informels resurgissent. Pratiquement toutes les villes du Burkina sont désormais touchées par le phénomène, ce qui dénote de l’existence d’un puissant réseau de distribution de ce carburant. Il y a donc une faille dans la stratégie de lutte contre « l’essence par terre ».
Comme dans d’autres types de fraudes, le combat est mené en aval et non amont. Les petits revendeurs à qui l’on retire quelques litres de carburant ne sont que le maillon final de la chaîne. Certains d’entre eux ignorent même qu’ils sont dans l’illégalité en vendant de tels produits. Ils considèrent qu’il s’agit d’une activité honnête comme toute autre, qui leur permet de gagner leur pitance quotidienne. Et surtout, cela leur évite le chômage, source parfois de certaines déviances comme la délinquance. Ils ne comprennent donc pas qu’on veuille leur enlever leur pain de la bouche, alors même qu’en retour on ne leur propose rien comme emploi. Cette réflexion n’est bien sûr pas valable et peut paraitre saugrenue, mais elle mérite qu’on s’y penche. Elle appelle en effet à des questionnements de fond sur la fraude au Burkina. On a en effet l’impression que l’on s’acharne sur les alevins, en laissant les gros poissons passer au travers des mailles du filet. Car à ce qu’on sache, le Burkina n’est pas producteur de pétrole. Les hydrocarbures vendus en dehors des stations- service légalement reconnues viennent forcément de l’extérieur. Il se pose dès lors la question du contrôle en amont. Ou les services de douanes commis à cette tâche sont débordés, ou ils sont incompétents, ou encore ils ferment tout simplement les yeux sur le phénomène. Dans tous les cas, il y a une défaillance quelque part, qui permet à des grossistes de transporter d’énormes quantités d’essence en violation de la loi, sur le territoire burkinabè. Avant l’essence, les médicaments de la rue connurent la même stigmatisation. On connait la suite : ces médicaments prohibés continuent de se vendre comme des cacahuètes dans nos villes et villages. L’échec de la lutte est patent.
Il en sera ainsi tant qu’on ne s’attaquera pas aux racines du mal. Dans un premier temps, il s’agit d’appliquer la loi à tous. Pas seulement aux pauvres petits revendeurs, mais surtout aux grossistes. Une fois cette étape réalisée, il faudra aussi chercher à savoir pourquoi les Burkinabè se rabattent sur les produits prohibés ou périmés, dont ils connaissent, pour certains, la dangerosité (les médicaments de la rue sont dangereux pour l’organisme et l’essence frelatée est mauvaise pour les moteurs). Le développement du système D dans des domaines aussi sensibles est aussi l’expression de la pauvreté de la population. Qui ne veut pas se soigner dans les meilleures conditions possibles ou s’approvisionner en carburant de bonne qualité ? Il y a certes une sous-information de certains consommateurs burkinabè, mais la pauvreté est sans doute la principale cause de l’attrait pour les produits nuisibles à la santé. Une double action s’impose donc : lutter efficacement contre la fraude sous tous ses angles, mais aussi travailler à sortir les populations de la précarité.