Suspecté d’enrichissement illicite dont le montant est estimé à 694 milliards et poursuivi par la Justice pour concussion et malversations financières, Karim Wade séjourne depuis le 17 avril 2013 à la prison de Rabeuss à Dakar. En détention depuis cette date, le fils de l’ancien président sénégalais a été de nouveau renvoyé pour six mois dans sa cellule par la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI), qui n’est jusque-là pas convaincue de l’innocence de l’héritier d’Abdoulaye Wade.
Mais les avocats de l’ex-superministre jugent scandaleuse cette décision et ont déclaré récemment lors d’une conférence dans la capitale sénégalaise que leur client ne répondrait plus aux convocations des juges de la CREI, estimant que cette juridiction est "illégale" et "inconstitutionnelle". Il n’en fallait pas plus pour relancer le débat sur ce feuilleton politico-judiciaire, qui secoue le lanterneau politique sénégalais depuis plusieurs mois.
Pour le pouvoir en place, Wade fils n’a pas réussi à justifier sa fortune colossale dissimulée dans des comptes européens via des prête-noms, par conséquent il ne peut bénéficier d’une liberté provisoire à fortiori d’une relaxe comme le réclament ses partisans, qui estiment, eux, que Macky Sall veut en finir avec un adversaire redoutable et considèrent que Karim est tout simplement un prisonnier politique.
En cela les arguments ne manquent pas au collectif d’avocats pour conforter sa thèse : "Le 2 février 2013, la Cour de justice de la CEDEAO a indiqué que la présomption d’innocence de l’ancien ministre d’Etat a été violée, et la Cour suprême du Sénégal considère que le décret de nomination de tous les membres de la CREI méritait l’annulation". Fort de ces éléments il exige l’abandon pure et simple de la procédure. Dans tous les cas, sa décision est prise et sans appel : Karim ne répondra plus aux convocations des juges. Un des avocats du métis le plus célèbre du Sénégal subodore même que Macky Sall est prêt à faire abandonner les charges contre son client si ce dernier affirme publiquement qu’il ne fera plus de politique. Pour tout dire, selon les conseils de "Rimka", comme l’appellent affectueusement ses intimes, l’ex-employé de la Warburg Bank en Angleterre n’est ni plus ni moins qu’un prisonnier politique, et surtout un redoutable challenger à la présidentielle de 2017 qu’il faut brider dès à présent.
L’affaire doit sans doute embarrasser la CREI et par ricochet le pouvoir confrontés à cette fronde et à ce défi.
Mais la question fondamentale qui se pose est de savoir pourquoi est-ce maintenant que la défense juge la Cour illégale et inconstitutionnelle alors qu’elle a comparu à côté de son client à maintes reprises. Est-ce une stratégie ou un agacement de la défense ? A quoi rime alors cette volte-face ?
Ce feuilleton, à n’en point douter, continuera de défrayer la chronique, et au finish d’occulter les vrais problèmes des Sénégalais. Certes, il faut combattre l’impunité dans toutes ses formes, mais on a le sentiment qu’à Dakar la vie politique ne tourne qu’autour de ce dossier brûlant au détriment des grands chantiers tels que les problèmes d’électricité, de pénurie d’eau et du chômage des jeunes, ainsi que du pouvoir d’achat.