Ainsi donc, il a plu aux juges de la Cour d’appel de la CPI de maintenir Laurent Gbagbo dans les liens de la détention préventive. Pas de libération provisoire donc pour l’ex-chef de l’Etat ivoirien. Pour la quatrième fois consécutive, la demande de liberté provisoire formulée par les avocats de M. Gbagbo a été rejetée hier mardi 29 octobre 2013. Mardi noir donc dans le camp des supporters du célèbre pensionnaire de la prison de Scheveningen qui, jusqu’à l’heure de l’annonce du verdict, se préparaient fiévreusement au retour triomphal de leur idole.
Dans le camp adverse, c’est-à-dire du côté des « ADOlâtres », l’arrêt de la Cour a été par contre accueilli avec un ouf de soulagement tant sont anxiogènes les conséquences politiques d’une libération, même provisoire, du « frère ennemi ».
En attendant peut-être qu’une nouvelle demande soit réexaminée dans les 120 jours conformément au texte de la Cour internationale, les partisans de l’ancien président ivoirien vont devoir, une fois de plus, faire contre mauvaise fortune bon cœur.
Mais qu’est-ce qui, dans la balance de la CPI, a bien pu peser contre le dossier Gbagbo que bien d’analystes jugeaient cependant recevable au strict plan du droit ?
Secret de la délibération oblige, officiellement on ne connaîtra pas les motifs qui ont poussé les juges à maintenir cette détention en attendant la suite du procès.
Mais sans doute qu’ici, plusieurs facteurs ont concourru à la décision des magistrats de la Haye. Parmi lesquels la politique, la diplomatie et bien sûr le droit.
La politique d’abord : une mise en liberté provisoire de celui que ses partisans appellent affectueusement « Woody » (le guerrier) aurait entraîné des effets de séisme dans le landernau politique ivoirien. Elle aurait constitué une importante victoire, même d’étape, pour le FPI qui continue de donner du fil à retordre au président ADO. Sans compter qu’elle aurait revigoré un parti qui, même décapité, n’a jamais perdu l’espoir de revenir un jour aux affaires.
La diplomatie ensuite : intervenue dans un contexte de fronde des Etats africains qui menacent de quitter la CPI si elle n’arrête pas sa chasse aux présidents noirs, ce refus peut être un message de la Cour à ses détracteurs : pas question de se laisser intimider par les Africains, aient-ils le plus grand nombre d' Etats parties à cette juridiction internationale.
Juridique enfin : en juin dernier, les juges avaient exigé de la procureure, Fatou Bensouda, des preuves supplémentaires à l’accusation de Laurent Gbagbo, poursuivi comme « coauteur indirect de crime contre l’humanité ». Les éléments apportés à la première audience de confirmation des charges ayant été jugés insuffisants. Alors, pourquoi au lieu d’accorder maintenant à l’accusé la liberté provisoire, ne pas attendre début 2014, date de la prochaine audience de confirmation des charges, pour accorder, qui sait, la liberté définitive à Laurent Gbagbo ? Hypothèse surréaliste, diront certains. N’oublions pas que les magistrats de la Chambre préliminaire I, avant de renvoyer la procureure à sa copie, ont trouvé que toute l’accusation reposait sur des informations fournies par des médias et des organisations non gouvernementales. Ne mangeant donc pas de ce pain à forte odeur de politique, ils ont purement et simplement estimé que de telles preuves «ne peuvent en aucun cas être présentées comme les fruits d’une enquête complète et appropriée».