Le monde de l’éducation est à nouveau en ébullition. Dans la Boucle du Mouhoun et dans le Centre-est, des mouvements de grève sont observés par les syndicats, en soutien à des enseignants. Certes, le mouvement de grogne est encore perlé et localisé, il est même controversé comme dans la Boucle du Mouhoun, mais n’empêche qu’il est là. Il n’est donc pas à minimiser. Ce sont les petits ruisseaux qui font les grands fleuves, dit-on, et si ces crises larvées ne sont pas bien gérées, elles peuvent s’étendre à tout le pays. Dans tous les cas, après la grève générale des syndicats enseignants, le 4 octobre dernier, force est de constater que la situation dans le milieu scolaire est très tendue. Sans chercher à savoir qui a raison ou tort, dans la crise actuelle dans la Boucle du Mouhoun et dans le Centre-est, on peut tout de même noter que la « révolte » des enseignants est le résultat d’une accumulation de frustrations. Le fait que leur plateforme revendicative, notamment le statut particulier, soit de plus en plus hypothétique accentue ce sentiment de colère. Parce qu’au même moment, d’autres agents de la Fonction publique bénéficient de ce statut. A raison, ils ne peuvent qu’éprouver un sentiment d’injustice, surtout au regard des contraintes de leur métier. Nul n’ignore les conditions très difficiles des enseignants, qu’ils soient du primaire ou du secondaire. Pour joindre les deux bouts, il faut forcément multiplier les vacations, pour ceux qui « ont la chance » d’être en poste dans des localités disposant de plusieurs établissements. Cet avantage n’est possible que pour les enseignants du secondaire. Ceux du primaire n’ont que leurs yeux pour pleurer. D’où, l’abandon de la craie à la moindre occasion, au profit des bureaux. Quand en plus des bas salaires, les enseignants doivent faire face à des effectifs pléthoriques, au manque de matériels didactiques, à l’indiscipline croissante des élèves et au manque d’égards des parents d’élèves, il y a de quoi être frustré.
Mais, le plus grand motif de colère des enseignants et de bien des agents de la Fonction publique, c’est l’impression qu’ils ont d’être les dindons de la farce dans la distribution des richesses nationales. Pendant que certains agents de la même Fonction publique ont des indemnités à la pelle, des fonds communs et autres ristournes diverses, eux n’ont que leurs misérables salaires pour survivre. Pire, il y a comme une course à l’enrichissement illicite au vu et au su de tous, à laquelle s’adonnent certaines catégories d’agents publics. Villas, voitures de luxe, vacances en Europe, sont le lot de ces agents qui semblent sortis d’un autre monde. Sans compter le mauvais exemple venu d’en haut. Le sommet de l’Etat doit en effet donner le bon exemple en matière de discipline, de rigueur et de probité. Comment voulez-vous que les agents qui souffrent dans les provinces, notamment les enseignants, acceptent sans broncher leurs conditions misérables, alors que d’autres s’empiffrent des biens de l’Etat ? Il faut donc un sursaut national pour que prennent fin les inégalités criardes dans toutes les sphères de la société, en l’occurrence la Fonction publique. Les valeurs de rigueur imposées aux enseignants doivent l’être aussi pour tous les autres serviteurs de l’Etat, du planton au président du Faso. Malheureusement, tout semble donner raison aux enseignants. Pour un rien, ils sont traduits en conseil de discipline, vilipendés, voire jetés en prison.
Pendant ce temps, les caisses de l’Etat sont délestées de milliards à cause des détournements et de la corruption. Les auteurs de ces malversations ont pignon sur rue et narguent même les honnêtes citoyens.
La déliquescence de l’Etat entraîne une insoumission des agents frustrés de l’Administration. Ils ne peuvent indéfiniment assister, impassibles, au festin qui se déroule sous leurs yeux et auquel ils ne sont pas invités. L’Administration publique porte les germes de sa propre perte, avec ce fonctionnement à double vitesse où certains agents mènent une vie de pachas et d’autres une vie de misère. Le ras-le-bol des enseignants est le reflet d’une crise globale de société, assortie d’une crise de confiance entre gouvernants et gouvernés. Pour que ces crises incessantes diminuent, les dirigeants doivent commencer par donner le bon exemple .