Dans notre parution N°813 du mercredi 10 juillet 2013, nous nous sommes fait l’écho d’une affaire de saisie de plus de 6g d’or, aux mains d’un indien nommé Sigh Kuldip et jugée par le tribunal correctionnel de Ouagadougou. Après maints reports, l’affaire a été jugée le 25 octobre devant la Cour d’appel de Ouagadougou qui, après une joute prétorienne bien nourrie des parties, a mis l’affaire en délibéré pour le 22 novembre.
Arrêté le 3 mars par la section gendarmerie de la brigade anti-fraude en matière de commercialisation de l’or au Burkina, Sigh Kuldip, du nom du prévenu, a comparu hier suite à l’appel interjeté par le ministère public et la partie civile. La seule affaire aura occupé quasiment toute la journée des magistrats de la juridiction du 2nd degré. Le coordonnateur de la brigade anti-fraude et Me Somé pour la partie civile, ont eu fort à faire face aux plaidoiries emphatiques et à la dextérité de Me Dembélé, avocat et enseignant en droit fiscal à l’université de Ouagadougou. Alors que les débats au fond étaient engagés, le procureur général a dû rappeler l’obligation du juge de soulever d’office les vices de forme limine litis. En effet, le procureur général a relevé que le juge devait dès le début de l’audience juger de la recevabilité de la demande de la partie civile qu’il a trouvé irrecevable du fait qu’elle enfreint aux dispositions de l’article 497 du code de procédure pénale qui stipule que la partie civile ne peut fonder sa demande que sur des dispositions civiles. En l’espèce, la demande de la partie civile, à savoir la brigade en charge de la répression des fraudes, en matière de commercialisation d’or, a visé aussi bien des dispositions civiles que des dispositions pénales.
Sigh Kuldip se livre-t-il à une commercialisation frauduleuse de l’or ?
Cette question a été au cœur du débat au fond et a donné lieu à un véritable débat de preuves qui a contraint la partie civile à plus s’appesantir sur la détention illégale de l’or par le prévenu. Quand il a été demandé au prévenu de dire où il emportait les 6, 8 kg d’or, c’est Me Dembélé son avocat qui s’est donné la tâche d’expliquer ce qui s’est passé ce jour-là. « Mon client se rendait à Boura, commune située vers Léo où il réalise des forages en vue de rentrer en possession de son argent », a-t-il laissé entendre. Mais pourquoi dissimulé l’or dans le moteur du véhicule et le transporter de Ouagadougou vers la frontière ? À cette question, l’avocat de la défense a répondu que son client, par crainte de vol, a préféré transporter l’or. En réaction à cette explication, le procureur général a laissé entendre que dissimuler l’or dans un véhicule, au contraire, présentait plus d’insécurité. Selon la défense, le prévenu a été pris sur le territoire national, donc ne peut pas être poursuivi pour exportation frauduleuse de la matière jaune. Sur la base du passeport du prévenu, la partie civile a affirmé que le prévenu se rendait au Ghana avec l’or. A cette allégation, la défense a laissé entendre que si la brigade anti-fraude avait des suspicions sérieuses sur le prévenu, elle aurait pu attendre qu’il franchisse le cordon douanier de 10 m au moins avant de l’appréhender. La partie civile a, en plus, fait valoir le fait que le prévenu détenait illégalement l’or. Quand bien même il aurait un agrément qui l’autorise à acheter la matière au Burkina, il est tenu d’avoir des pièces justificatives établissant son titre de propriété. En évoquant les articles 1er et 2 du code des douanes, la partie civile a relevé des manquements liés à la détention de l’or. Enréaction, Me Dembélé a soutenu que ces dispositions ont été abrogées par une loi de novembre 2011. Il a aussi rappelé que la loi spéciale prévaut sur la loi générale et que la loi 2011 abrogeait toute disposition antérieure contraire. Une lecture que la partie civile et le ministère public n’ont pas approuvée. A en croire le procureur général, la loi de 2011 et le code des douanes entretenaient une complémentarité dans leur application dans la mesure où la loi de 2011 fait allusion tantôt au code des douanes. A cor et à cri, Me Dembélé a soutenu que le code des douanes présentait des failles importantes qui méritaient d’être comblées. Au soutien à ses prétentions le procureur général s’est basé sur la loi de 2006 que Me Dembélé a trouvée abrogée par celle de 2011 et les prétentions, du ministère public exemptes de base légale.
Le procureur général a requis 24 mois d’emprisonnement avec sursis à l’encontre de Kuldip
Dans ses prétentions, le ministère public a souhaité que la cour déboute la partie civile de sa demande pour vice de forme, infirme la décision du tribunal correctionnel et condamne le prévenu à une peine d’emprisonnement de 24 mois assortie de sursis. Du côté de la partie civile, il est demandé le versement du quadruple de la valeur de l’or saisi, la confiscation du véhicule dans lequel était dissimulée la matière jaune et la quantité d’or saisie ainsi que la condamnation de la défense aux dépens. Me Dembélé soutenant que les différents faits reprochés à son client manquaient de base légale, a requis la confirmation du jugement rendu au correctionnel, avec pour conséquences la restitution au prévenu de son véhicule, de l’or saisi et des dommages et intérêts calculés à raison de 1 million par jour, à compter de l’arrestation de son client en mars 2012. Après avoir écouté les plaidoiries et les réquisitions des différentes parties, la formation de la Cour d’appel a mis l’affaire en délibéré pour le 22 novembre 2013 .