Les Africains sont passés maîtres dans la création d’institutions interétatiques. Après l’Union africaine, de nombreuses organisations fourmillent à l’échelle régionale et sous- régionale. Il existe même des organismes qui ne regroupent que deux Etats. Une telle inflation de regroupements ne poserait pas problème si elle n’était pas inopérante. En effet, beaucoup d’organismes connaissent de grandes difficultés de fonctionnement en raison de l’incapacité des Etats membres à s’acquitter de leurs cotisations. Un seul pays étant membre d’une multitude d’organisations, il lui devient difficile, voire impossible d’honorer ses engagements. D’autant que sur le plan national, il doit faire face à ses propres défis de développement, comme si ces institutions censées impulser le progrès n’existaient pas. L’incapacité des Africains à financer leurs propres organisations se manifeste par l’appel aux bailleurs de fonds extérieurs. Ainsi, ce sont les pays développés qui surviennent aux besoins financiers de la plupart des regroupements, à commencer par l’Union africaine. L’organisation panafricaine construit son budget à partir des cotisations des Etats membres, mais surtout à partir des dons des bailleurs de fonds. Une telle dépendance financière n’est pas sans conséquence sur les politiques de l’UA qui tiendront compte des desiderata des « bons samaritains » extérieurs. Après avoir financé à coups de milliards le nouveau siège de l’UA, la Chine n’est-elle pas en droit d’attendre des pays africains un retour de l’ascenseur ? Ne serait-ce que sur le plan diplomatique, un tel investissement a forcément des retombées pour Pékin.
Si l’UA elle-même n’est pas capable d’exercer sa souveraineté budgétaire, que dire des nombreuses mini organisations qui foisonnent sur le continent ? Elles sont pour la plupart maintenues à flot grâce aux fonds venus de l’extérieur. Cette organisation dont l’importance n’est plus à démontrer est malheureusement dépendante de la générosité des bailleurs de fonds. Le jour où ceux-ci refuseront de délier le cordon de la bourse, c’en sera fini pour l’OHADA, aussi précieuse soit-elle pour nos Etats. Il est donc temps d’en finir avec cette situation ubuesque où les Etats occidentaux ont droit de vie et de mort sur les structures que nous nous sommes librement données. C’est le cas notamment de l’OHADA dont les 20 ans viennent d’être célébrés avec faste à Ouagadougou, mais qui dépend en grande partie de l’aide extérieure. Face donc à l’assèchement des flux financiers venus de l’Occident lui-même en crise, les Africains devraient changer de paradigme, en ce qui concerne le fonctionnement des organisations interétatiques. Pour cela, il ne faut pas chercher loin : la première mesure doit consister à revoir le train de vie de ces organisations, qui n’a rien à voir avec les moyens des Etats membres. Il est absurde de voir des organisations, qui sont les émanations d’Etats pauvres, vivre autant au-dessus de leurs moyens ou comme si elles appartenaient à des pays développés. Des sièges entretenus à prix d’or aux salaires exorbitants des personnels, tout démontre que ces organisations vivent en dehors des réalités du continent. A cause des salaires alléchants et des divers autres avantages, elles deviennent l’objet d’une convoitise de la part des Etats eux-mêmes et des agents de la fonction publique. Les dirigeants veulent y placer leurs proches et les fonctionnaires cherchent à y améliorer leur quotidien. On a donc l’impression que l’objectif premier de ces organisations, c’est de permettre à certains de se remplir les poches et non d’impulser le développement du continent. En effet, les résultats de certains organismes sont très en- deçà des efforts financiers consentis par les Etats membres. Et pendant que l’ensemble des populations triment, que les pays peinent à assurer les besoins essentiels des citoyens, les agents de ces structures mènent une vie de pacha. Cela est indécent et intolérable .