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Décès répétés au centre antidopage de Kongoussi : le fondateur aux arrêts et les services suspendus
Publié le lundi 14 octobre 2013   |  actuburkina.




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La haut-commissaire de la province du Bam, Claudine Dangouri, a suspendu les services du Centre spirituel d’accueil antidopage et de réinsertion Yam Tékré de Kongoussi et procédé à la fermeture des locaux le 9 octobre 2013, en début de matinée. Cette décision fait suite aux nombreux décès enregistrés dans ledit centre, dans des conditions non encore élucidées et dont le dernier en date remonterait au 30 septembre 2013. Quant au fondateur, il a été déféré à la Maison d’arrêt et de correction de Kongoussi par la gendarmerie, dans la soirée du 8 octobre 2013. Pour en savoir davantage sur les tenants et les aboutissants de cette affaire qui fait des gorges chaudes à Kongoussi, nous avons rencontré les différents acteurs impliqués dans l’affaire

Le Centre spirituel d’accueil antidopage et de réinsertion a ouvert officiellement ses portes au secteur 2 de Kongoussi, en février 2012. Son fondateur, Charles Rouamba, connu sous le pseudonyme de Charly le sage, ancien pensionnaire des Maisons d’arrêt et reconverti dans la réinsertion des toxicomanes, y gagnait sa vie jusqu’au 8 octobre 2013, date à laquelle il a été arrêté par la gendarmerie de Kongoussi. Charly le sage recevait les pensionnaires de toutes les régions du Burkina Faso pour les désintoxiquer et les aider à se réinsérer socialement, selon ses déclarations. Ces derniers sont généralement issus de familles nanties parce que les frais de « correction » sont compris entre 150 000 et 400 000 F CFA, à en croire un parent de Kongoussi qui a requis l’anonymat. « J’ai payé 150 000 F CFA, un sac de riz, 6 boules de savon, de la patte dentifrice, une natte, une couverture et une moustiquaire pour 3 mois. Quand l’enfant est sorti du centre, il ne prenait, certes, plus la drogue, mais j’ai senti qu’il était sous-alimenté parce qu’il avait beaucoup dépéri et était devenu très faible », a-t-il précisé. En deux ans de fonctionnement, cinq personnes y ont trouvé la mort, selon le directeur provincial de l’Action sociale et de la solidarité nationale du Bam, Abdoulaye Ouédraogo, et il fonctionne sans aucune assistance technique depuis son ouverture. « Le centre n’est pas répertorié sur notre liste des associations et structures partenaires. A un moment donné, j’ai personnellement approché le fondateur pour attirer son attention sur le fait qu’il ne devrait pas fonctionner de cette manière. Malheureusement, ma requête est restée sans suite. Et comme il n’y avait ni enfant mineur ni femme dans son centre, nous ne pouvions utiliser aucune méthode légale pour nous ingérer dans son fonctionnement », a-t-il indiqué. Ces mêmes informations ont été confirmées par certains pensionnaires lucides, le 9 octobre 2013 à 8h quand le haut-commissaire et les services techniques qui l’accompagnaient sont arrivés sur les lieux pour procéder à la suspension des services. « Si je devais y revenir, je préfèrerais être conduit dans une Maison d’arrêt et de correction parce que les conditions dans lesquelles nous vivions dans ce centre sont inhumaines et s’apparentent à de l’esclavage. Nous ne nous lavons que deux fois par semaine, nous mangeons deux fois par jour alors que nos parents ont payé beaucoup d’argent. Pire, on nous administrait des sévices corporels et on nous enchaînait régulièrement. J’ai été enchaîné une semaine durant avec mon frère et on déféquait ensemble. Moi, par exemple, je suis élève en classe de seconde et je devais passer en première pour 2013-2014. Je reconnais que je me conduisais mal dehors. Mais ça ne valait pas le coup de m’envoyer ici pour subir un tel traitement. Si je sors d’ici, j’irai m’inscrire rapidement en première pour continuer mes études », a confié Gérard Tassembédo, un habitant de l’ancien secteur 22 de Ouagadougou, porte-parole des pensionnaires. « Moi, je suis marié et père de deux filles. A chaque fois que je voulais corriger mes enfants, mes frères me reprochaient d’avoir pris des produits ou d’avoir bu. C’est pourquoi ils m’y ont envoyé. Mais, à mon âge (42 ans), comment peut-on continuer à me fouetter dans le seul but de me corriger ? », s’est interrogé un deuxième locataire des lieux. « Ce que nous avons subi ici peut nous amener à haïr nos parents à notre sortie. Pour moi, c’est comme s’ils nous avaient sacrifiés. Nous vous remercions de nous avoir libérés », a ajouté un autre jeune pensionnaire visiblement heureux d’avoir recouvré la liberté. Sur instruction de la gendarmerie, le chargé de sécurité du Centre a fait sortir les chaînes et le fouet devant les autorités, et la haut-commissaire de rassurer les pensionnaires qu’ils sont libres. Par ailleurs, elle les a exhortés à avoir un comportement exemplaire une fois de retour chez eux et surtout à respecter leurs parents. Elle a alors instruit la gendarmerie de contacter les différents parents afin qu’ils viennent chercher leur progéniture et ce, dans un bref délai. Mais la question qui brûle toutes les lèvres, c’est comment en est-on arrivé à l’implantation d’un tel centre en pleine ville, sans aucun suivi ? Et le directeur provincial de l’Action sociale et de la solidarité nationale du Bam de répondre : « Je ne suis pas sûr que le centre ait été légalement implanté, parce que, pour ouvrir un centre d’une telle nature, il y a des préalables. Ce qui n’est pas le cas ici. Donc, j’en doute fort. Je sais qu’il a une association dénommée Yam Tekré mais le récépissé de l’association ne lui donne pas le droit d’ouvrir un centre de désintoxication ». Du côté de la gendarmerie de Kongoussi, il est ressorti que le centre fonctionnait sans documents. Le fonctionnement illégal du centre a aussi été confirmé par le parquet du Tribunal de grande instance (TGI) de Kongoussi et il est ressorti que « Rouamba Charles n’a qu’une déclaration d’existence d’une association délivrée par le haut- commissaire de la province du Kadiogo ; ce qui ne lui donne pas le droit d’exercer sur le ressort territorial du Bam ». Pourtant, en mai 2013, le promoteur avait lancé une campagne de tournée dans 19 Maisons d’arrêt et de correction du Burkina et 5 établissements d’enseignement secondaire de Ouagadougou pour mener des sensibilisations en vue d’un changement de comportements des détenus et des élèves consommateurs de drogue. Cette activité avait été placée sous le parrainage du ministre Alain Zoubga de l’Action sociale et de la solidarité nationale et le co-parrainage du ministre Moussa Ouattara des Enseignements secondaire et supérieur, et les affiches publicitaires, en son temps, avaient beaucoup contribué à crédibiliser la structure, selon certains témoins. Concernant les cas de décès, une source bien introduite de la Justice a confirmé que ce sont cinq décès qui y ont été enregistrés, en 29 mois de fonctionnement. A en croire la même source, ces décès ne sont pas naturels parce que des diagnostics ont confirmé qu’ils sont liés à des maltraitances. « Il y a eu récemment un décès (ndlr : dans le centre) et il (le fondateur) a procédé à l’enterrement du défunt sans informer ses parents sous prétexte que c’était un enfant de la rue. Or, le défunt était de Nabeguian ( une commune de Kongoussi). Informés, les parents se sont plaints, mais jusqu’à présent, il n’a pas pu montrer la tombe du défunt à la famille du disparu », a indiqué notre source.

Au Centre médical avec antenne chirurgicale (CMA) de Kongoussi où les patients ont été traités, le médecin- chef du district sanitaire, Dr Armand Guigemdé, a reconnu avoir reçu des malades venus dudit centre, mais s’est réservé le droit de nous communiquer les fonds des dossiers de crainte de violer le secret professionnel. Cependant, il a confirmé avoir été réquisitionné pour diagnostiquer certains cadavres. Mais pour Charly le sage que nous avons pu rencontrer dans la matinée du 10 octobre 2013 au palais de Justice de Kongoussi, sur autorisation du juge d’instruction, un seul pensionnaire est décédé dans son centre. « Ce qui se dit n’est pas vrai. Depuis que mon Centre existe, seulement une personne y est morte. C’est le décès du 30 septembre 2013. C’était le fils d’un El Hadj de Ouagadougou. Après la mort de son fils, je l’ai appelé pour l’informer et il m’a dit qu’il enverrait des gens procéder à son inhumation, à Kongoussi ; ce qui fut fait. Les membres de la délégation ont voulu repartir avec les effets du défunt et j’ai insisté pour les ramener moi-même afin de profiter pour présenter mes condoléances aux parents. Sinon, tous les autres pensionnaires sont décédés soit chez eux, soit à l’hôpital. Depuis l’ouverture du centre, j’ai soigné 28 personnes qui ont retrouvé une vie normale. 22 autres y étaient pendant la fermeture. Mon Centre a un partenariat avec le Comité national de lutte contre la drogue, les ministères de la Promotion des droits humains et de l’Action sociale. Pour les frais que je perçois, je ne fixe pas de montant. Même lorsqu’un parent n’a rien, je peux prendre son enfant et cela dépend surtout des raisons avancées. Sinon, en 6 mois de désintoxication, je prends entre 75 000 et 300 000 de F CFA, représentant toutes les charges. Mais les gens ne voient pas tout cela. Ils font tout pour me créer des problèmes. J’étais même sur le point de créer une société de gardiennage pour réinsérer les pensionnaires qui n’auront pas d’emplois à leur sortie, avec l’aide d’un parent de pensionnaire. Le comble, c’est que je ne sais pas pourquoi l’on m’a arrêté ». Selon toujours notre source judiciaire, il serait poursuivi pour escroquerie et coups mortels, et les peines qu’il encourt sont de 5 ans assortis d’une amende comprise entre 500 000 et 1 500 000 F CFA pour le premier chef d’inculpation, en application de l’article 477 du Code pénal, et de 10 à 20 ans de prison pour les coups mortels, au regard des dispositions de l’article 329 du même Code (peines non cumulables). Mais, pour l’heure, tous les regards sont tournés vers la Justice quant à la suite qui sera donnée à cette affaire qui continue d’alimenter l’actualité dans la ville de Kongoussi.

Gabriel Rouamba, père du fondateur du Centre

« Tout ce qu’on est en train de raconter n’est pas vrai. Moi, j’étais présent à Kongoussi à l’ouverture du centre et tout le monde était présent. Aujourd’hui, je suis étonné du revirement des gens. J’ai mon grand-frère qui y a envoyé son enfant. Mais, en aucun moment, il ne m’a dit que Charles maltraitait les pensionnaires. Les pensionnaires mangeaient bien et quand ils étaient malades, il les envoyait à l’hôpital. Tout le problème aujourd’hui est que Charles ne partage pas ce qu’il gagne. Mais lui-même n’y gagne rien. Comment peut-il partager s’il ne gagne pas grand-chose ? Un proverbe moaga dit ceci : « quand on veut abattre un chat, on recouvre sa bouche de plumes ». C’est vrai que des gens racontent qu’il y a eu des décès. Quand les patients meurent à l’hôpital est-ce qu’on arrête le directeur de l’hôpital, ou les infirmiers ? Des malades meurent régulièrement chez des tradi-praticiens et autres guérisseurs. Avez-vous déjà entendu dire qu’on a arrêté quelqu’un parce qu’un malade est mort chez lui ? Quand je suis venu à l’inauguration, j’ai confié mon fils au chef de Kongoussi en lui disant de m’aider à le guider et à le conseiller. Les locaux appartiennent à Adama Kindo de la SOMIKA. Il les avait offerts à mon fils pour qu’il puisse y exercer. Aujourd’hui, il y a des problèmes et personne n’est en mesure de m’aviser. Quand on avance qu’il y a eu 5 morts dans le centre, je rectifie que les 4 sont morts à l’hôpital et que c’est le dernier qui y est décédé et là aussi, il venait d’être libéré par l’hôpital pour avoir été hospitalisé. Je répète que « quand quelqu’un veut abattre son chat, il recouvre sa bouche de plumes ». Mais pour ce qui me concerne, je laisse l’affaire entre les mains du bon Dieu qui saura trancher et faire jaillir la vérité. »

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