Mardi 26 juin 2012. Ce jour la, dans la salle 402, de l’UFR/LAC, un heureux événement. François Bouda étudiant en AGAC (Art, Gestion, Administration Culturelle) soutient son diplôme de maitrise. Une salle sobrement décorée, une poignée d’amis mais le plus important est assuré. Le jury est là.
Environ 1h30mn après, François Bouda est déclaré admis avec la note de 14/20. Il garda cependant cette posture solennelle, le visage dure qu’il a eu tout au long de cet exercice. Plus tard il déclarera « je ne suis pas satisfait parce que vu le travail abattu, je méritais une meilleure note ».
Ce projet, qui vient juste de connaitre son épilogue a germé dans la tête du tout nouveau maitre depuis 2007. Au cours de ses cinq années, François en a vu de toutes les couleurs. Mais de toutes ces épreuves une a failli avoir raison de son entreprise : l’indisponibilité de son maitre de mémoire. « C’était dur, c’était dur » répète t-il frénétiquement.
Plusieurs fois, après avoir poursuivi des rendez-vous en vain, il sollicite l’intervention du directeur adjoint de l’UFR/LAC pour rentrer en contact avec son maitre de mémoire. Selon ses estimations, après la validation de son projet de mémoire, la première correction de son travail a pris six mois et la deuxième cinq. Il a tenu bon par devoir. « Je n’ai pas abandonné, parce que je suis un devancier. Je l’ai fait pour faciliter les futures recherches sur ce thème à mes petits frères qui viendront ». Il s’estime heureux et avec juste raison car il fait désormais partie de « l’élite » universitaire.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes
L’Unité de Formation et de Recherche en Langues Art et Communication UFR/LAC est composée de huit départements. Celui des études Anglophones, Germaniques, Linguistiques, des Lettres Modernes, de Communication et Journalisme (CJ), d’Art Gestion Administration Culturelle (AGAC), de Traduction-Interprétariat et de Langues Appliquées, au Tourisme et aux Affaires (LATA).
En termes de chiffres, cet établissement au cours des deux dernières années académiques représente environ 13.163 étudiants pour seulement 1.641 en dernière année. Pour ce qui est des soutenances, les statistiques ne sont guère fameuses. De 2009 à 2011, 7 personnes ont soutenu en Linguistique soit en moyenne 2 soutenances par an. Au cours de la même période, 114 l’ont fait en LM, 30 en CJ, 8 en Anglais, 7 en AGAC, 4 en Allemand pour ne citer que ceux la. Dans l’ensemble, la tendance des soutenances est faible en comparaison avec les effectifs d’étudiants inscrits en dernière année.
Ces chiffres ne sont moins que la représentation du calvaire que constitue cette épreuve aussi bien pour les étudiants que pour les professeurs. En effet, avec le nombre d’étudiants de plus en plus croissant et une insuffisance de plus en plus criarde d’enseignants, la difficulté se dédouble. Pour 44 enseignants habilités à diriger un travail de recherches (professeur, maitre de conférence, maitre assistant), il y a eu en moyenne, chaque année au cours de la période 2009-2011, 820 étudiants inscrits en dernière année soit en moyenne 1 enseignant pour 19 étudiants. Pourtant dans cette UFR, la fin des études du second cycle dans toutes les filières est conditionnée par l’obtention d’une maitrise. Mais avec ces chiffres, nul ne doute que ce passage obligé soit une entreprise difficile.
Maitrise : la grande ‘’débrouille’’ universitaire
A l’Université de Ouagadougou, soutenir un mémoire de maitrise relève souvent du miracle. Pour Samira Ouattara, étudiante en Sociologie, le miracle ne s’est hélas pas produit. « Mon directeur de mémoire a mis une année avant de valider mon projet. J’ai donc décidé de me chercher parce que financièrement ça ne suivait pas non plus » confie t- elle hâtivement.
Mais de la défection dont certains étudiants font souvent preuve au cours de cette entreprise, Yves Dakouo directeur adjoint de l’UFR/LAC, en a une toute autre idée. « Les étudiants ne soutiennent pas à cause souvent des gombos », soutient-il. Il explique toutefois que la quatrième année constitue un « goulot d’étranglement ». Par an, il est pratiquement impossible d’évacuer tous les étudiants en année de maitrise. Ceux des années suivantes et des années antérieures viennent s’ajouter et gonflent les chiffres. « Les enseignants font de leur mieux mais entre les enseignements, les productions, des charges administratives pour certains (chefs de départements directeurs et autres) avoir environ 15 étudiants à encadrer n’est pas évident » confie t-il. Associé à l’insuffisance d’enseignants pour conduire les travaux de recherche, cela ne peut que produire des résultats insuffisants.
Chroniquement déficitaire en enseignants habilités à diriger les projets de mémoire, l’Université de Ouagadougou s’y connait en co-direction. Mais cela ne saurait être une explication de l’avis de P. Nikiéma, étudiante en deuxième année de Lettres Modernes. « La co-directions c’est bien. Mais l’Université compte des milliers d’étudiants et cette solution ne pourra pas être efficace à long terme. Il faut que les étudiants aussi s’investissent davantage dans leurs projets ». Suggérant par là qu’il faut que les étudiants encouragent les enseignants en développant une « culture d’anticipation » dans la recherche. « L’aide des enseignants peut renforcer ce qui est déjà fait par les étudiants mais pas le vide. Si nous ne prenons garde, les enseignants vont se lasser et baisser les bras parce ce que ce n’est pas facile » analyse -t- elle. C’est pourquoi, elle s’accroche à ses études et réfléchit déjà à son sujet de mémoire en référence à ce proverbe qui dit que « qui veut aller loin ménage sa monture ».