epuis le 1er juin dernier, le Burkina s’est engagé dans un processus inédit dans le pays pour un enrôlement biométrique des électeurs. L’objectif est de remédier aux insuffisances constatées de par le passé sur le fichier électoral.
Ces insuffisances vont de la faible inscription des électeurs à la double inscription en passant par la difficulté d’identifier les électeurs d’après les cartes établies à cet effet. Ces insuffisances avaient créé une défiance de plus en plus grande des acteurs politiques par rapport au processus électoral.
Au-delà du processus électoral, c’est l’ensemble de la démocratie burkinabè qui avait besoin de gagner en crédibilité en donnant des gages de sa maturité. Cette maturité passe par des élections transparentes et équitables qui donnent à chaque citoyen le droit d’exprimer sa voix dans des scrutins irréprochables en tout point de vue.
C’est dans cette optique que le choix d’un enrôlement biométrique des électeurs a été fait par l’ensemble de la classe politique à charge pour la Commission électorale nationale indépendante (CENI) de le mettre en œuvre. L’Etat pour sa part a fait un important effort pour débloquer les 11 milliards de FCFA qui étaient nécessaires à la réalisation de l’opération.
11 milliards de FCFA pour construire un fichier électorale, c’est cher payé et les différents acteurs intervenants dans le processus devraient donner le meilleur d’eux-mêmes pour que les résultats de l’enrôlement biométrique soient à la hauteur des sommes investies mais aussi et surtout des espoirs de transparence suscités.
Pour ce faire, la CENI s’est beaucoup dépensée pour mettre les différents acteurs du processus électoral et démocratique devant leur responsabilité. Ainsi a-t-elle initié de façon azimut des rencontres d’information et de sensibilisation sur l’enrôlement biométrique à l’adresse des partis politiques, des organisations de la société civile, des responsables religieux et coutumiers les invitant à relayer l’invitation faite aux citoyens en âge de voter à venir s’enrôler.
Message reçu cinq sur cinq, pourrait-on dire, car plus que de par le passé on a vu bien d’acteurs de la vie nationale s’impliquer à mobiliser les citoyens à aller s’enrôler sur les listes électorales. S’inscrire sur les listes électorales étant un droit et non une obligation, il parait évident que l’ensemble des 7,5 millions d’électeurs potentiels attendus pour s’inscrire sur les listes électorales, ne se feront pas enrôler.
Il n’en demeure pas moins que s’inscrire sur les listes électorales fait l’objet de plus d’engouement que de par le passé. La CENI s’attend donc à un fichier électoral plus étoffé et plus crédible parce que susceptible à moins de fraudes.
De fait, les garanties biométriques, empreintes digitales des dix doigts et la photo d’identité des inscrits sont des précautions à même de dissuader les fraudeurs.
Du moins le croyait-on ! C’est donc avec un certain étonnement que l’on apprend que des velléités de fraudes sont perceptibles dans le déplacement organisé de population d’électeurs, de délivrance d’actes de naissance à des mineurs voir des tentatives de double inscription. Ces méthodes peu orthodoxes indiquent clairement que la lutte contre la fraude électorale doit être multidimensionnelle.
Elle ne doit pas seulement revêtir que des aspects matériels, techniques et biométriques. Elle doit interpeller aussi la conscience et le mental des hommes pour mettre en exergue le caractère corrosif qu’induit la fraude en matière de processus électoral en particulier et de la démocratie en général. En effet, dévoyer le principe d’un électeur une voix, c’est enlever à la démocratie l’un de ses fondements basics.
Et la démocratie au Burkina ne se consolidera pas en rusant avec ses principes universels. Il faut donc en appeler à la vigilance de tous les acteurs du processus démocratique mais à la conscience de chaque citoyen pris individuellement. C’est par une probité individuelle et une surveillance collective que le pays parviendra à relever le défit d’élections justes et équitables.
Et dans ce combat pour un processus électoral transparent et crédible certains font fausse route en faisant de l’indexation facile sur les partis au pouvoir comme les planificateurs et exécuteurs de la fraude.
La bête de la tricherie est tapie dans chaque camp, chaque parti, prête à corrompre chaque conscience pour peu que l’on se laisse prendre à la tentation. De même qu’il n’existe pas en politique, l’honnêteté faite homme, il n’y a pas d’un côté les partis justes sans tricheurs et de l’autre des partis malhonnêtes abonnés à la fraude.
Malheureusement, beaucoup d’hommes politiques dans tous les partis pensent que dans le combat politique tous les coups sont permis pour battre l’adversaire, y compris ceux donnés en dessous des normes morales et légales.
Toute chose qui donne à penser que le combat pour une démocratie crédible passe d’abord par un combat pour l’assainissement des mentalités aussi bien des hommes politiques que du citoyen lambda. Condition sine qua non la fraude en tout genre a de beaux jours devant elle.