3e anniversaire de la révolution / Face à la presse, le Capitaine Ibrahim Traoré : « Bientôt, nous parlerons d’un albinos noir qui va apparaître. Et vous verrez… »
Engagé depuis son arrivée au pouvoir dans une dynamique de transparence et de redevabilité, le président du FASO, le capitaine Ibrahim Traoré, s’ouvre une fois de plus à la presse nationale et internationale à la faveur du troisième anniversaire de son avènement à la tête de l’Etat. Ce soir, nous allons donc avoir l’opportunité d’interviewer le chef de l’État sur sa vision, les trajectoires de la révolution progressiste populaire, les actions posées au quotidien pour la souveraineté, la liberté et le développement du Burkina Faso. Le format de cet entretien est particulier. Au total, dix journalistes se sont succédé par vagues de deux pour poser leurs questions au chef de l’État. Cinq domaines sont concernés par les échanges. Il s’agit de la sécurité et de la défense, de politique et sociétés, de la diplomatie et de l’AES, de l’économie et du développement et enfin donc de la géopolitique régionale et internationale. Chaque pool de journalistes a eu entre 15 et 20 minutes pour échanger avec le chef de l’État avec un modérateur. Jouant le rôle de la police des débats. Ci-dessous, un extrait de cet entretien.
Excellence Monsieur le Président, Certains de vos détracteurs vous ramènent régulièrement une phrase et cette phrase remonte aux premiers instants de votre prise de pouvoir quand vous disiez que si tout était mis en œuvre, trois mois suffiraient pour tendre vers l’enfin de la guerre et ces détracteurs disent aujourd’hui que trois ans plus tard, la guerre n’est pas totalement terminée. Monsieur le président, ce soir, que leur répondez-vous ?
C’est vrai, c’est ce que nous aurons souhaité, mais les choses n’ont pas été comme on le pense et je dis si tout est mis en œuvre. Alors il y a plusieurs perspectives à mettre en œuvre pour pouvoir atteindre cet objectif dans ce laps de temps mais tout n’a pas été mis en œuvre comme on le souhaitait. Primo, l’adversité. Alors dès que nous sommes arrivés au pouvoir, nous aurons espéré qu’on nous laisse travailler très rapidement et pouvoir avancer.
Malheureusement, certaines personnes nous ont approchés et ont voulu que nous allions dans leur sens parce que leur objectif n’était pas que la guerre finisse de sitôt. Je veux parler de certaines forces étrangères qui étaient présentes sur notre sol. On a eu des débats houleux avec des diplomates venus d’ailleurs sur la question mais personne ne voulait qu’on aille dans le sens de finir cette guerre.
Nous l’avons compris à travers les messages. S’il arrivait que des gens viennent jusqu’à nous dire qu’il faut qu’on accepte qu’ils soutiennent les terroristes et nous soutenir également, ça veut dire ce que ça veut dire. C’est une guerre entretenue.
Donc nous avons très vite compris. On s’est débarrassé de toutes les forces qui étaient présentes ici, que ce soit les forces françaises, les forces américaines et nous avons compris que la lutte sera après. La deuxième chose aussi était que nous croyions que nous avions quand même un minimum d’armes et de munitions Aujourd’hui je peux vous dire ce que j’ai trouvé par exemple en stock.
Il y avait en tout et pour tout moins de 100 000 cartouches de Kalachnikov et les armes nous avions à peine une centaine. Comment est-ce qu’on pouvait faire la guerre ? Il fallait se rééquiper, redoter l’armée en effectif, en armement et tout. Ce qui a fait que l’objectif de trois mois, si ces conditions préalables étaient réunies, c’était bien possible. Mais il n’y avait rien. On n’était pas préparé à la guerre, tant sur le plan équipement que sur le plan effectif.
Justement, monsieur le président, vous venez de le dire, quand vous prenez le pouvoir, si on veut caricaturer, il y avait plus d’hommes que de munitions dans l’armée Burkinabé et aujourd’hui où en est-on avec le programme d’armement de cette armée-là ? Et puis quels sont les signes qu’elle est en train progressivement de monter en puissance ?
Très bien, je l’ai dit, je ne peux pas dépeindre toute la situation qu’il y avait, c’était catastrophique. Et comme je l’ai dit, vous pourrez enquêter, il y a peut-être même dans cette salle des militaires qui étaient sur le front, sans arme, ça existait dans notre armée. Donc ce sont des situations, on croyait que c’était juste, je ne dirais pas de la mauvaise foi, mais une situation incompréhensible. Pour nous, il y avait les armes et on refusait de les doter. Mais, quand on a été face à la réalité, très vite, on s’est résolu à chercher d’abord, à armer l’effectif qui était là. Et là, ça a été la couronne, la bannière. Parce que beaucoup de puissances ont refusé de nous vendre les armes. Et donc, on s’est tourné vers ceux qui avaient envie de nous vendre les armes. Très vite, on s’est équipé, on a recruté les VDP, on a pu payer tout ce qu’on voulait. Le processus, nous avons fait un plan d’équipement pour une montée en puissance.
Comme vous le constatez, depuis maintenant deux ans, les équipements commencent à rentrer. Ce n’est toujours pas fini. Et ça continue de venir.
Peut-être que dans quelques jours, vous verrez encore de nouveaux équipements qui seront présentés, qui sont principalement des équipements d’appui. Parce que d’abord, l’infanterie, il fallait l’équiper pour que chaque homme puisse avoir une arme en dotation. Ça, c’était un gros défi.
Nous y sommes. On continue de recruter, comme vous le constatez. Chaque année, c’est entre 10 000 et 15 000 hommes qu’on recrute.
Ça, c’est un effort considérable. Parce que, quoi qu’on dise, l’adversité est là et le volume de terroristes augmente parce que les impérialistes recrutent beaucoup de mercenaires qui viennent au Burkina Faso pour combattre. Donc, il faut qu’on s’adapte à la situation.
Maintenant, nous avons notre troisième phase qui n’est plus d’acheter, mais de fabriquer nous-mêmes. Et nous sommes aussi là-dedans. Donc, c’est ça la montée en puissance. Il faut bien s’équiper, mais aussi créer une industrie de défense. Ça, c’est très important. Dans quelques mois, ou bien dans quelques années, on aura ici, nos militaires vont utiliser des armes made in Burkina. Bien sûr. Nous avons la capacité intellectuelle. Il y a de la ressource. Il suffisait juste de chercher et voilà. Nous sommes là, monsieur. Vous serez surpris, sûrement.
Monsieur le Président, cette guerre, est-ce que nous pouvons la gagner?
Est-ce que nous allons la gagner? Nous ne pouvons que la gagner. Qu’est-ce qu’on ferait? Soyez sûr, nous n’irons nulle part et nous allons gagner cette guerre. Je vous ai dit que la menace mue beaucoup, mais nous nous adaptons.
Et la force de l’armée burkinabé, c’est qu’elle est l’une des armées les plus résilientes au monde. La pression que le Burkina Faso a, je ne pense pas que sur cette terre actuellement, il y a un pays qui a cette pression. Mais, nous tenons.
Nos hommes se battent. Et nous nous adaptons constamment à la menace. Et nous comprenons d’où vient la menace, comment ça se manifeste.
C’est ça le plus important. Actuellement, je peux vous rassurer que bientôt, nous parlerons d’un albinos noir qui va apparaître. Et vous verrez, ne me demandez pas de quoi il s’agit. Je pense que vous comprendrez plus tard. La guerre va finir et très vite.
Justement, pour gagner cette guerre, vous venez de le dire, il faut des armes et il faut aussi des hommes, surtout des hommes déterminés. La détermination, vous le savez, c’est le game changer majeur. C’est ça qui fait la différence dans toute guerre. En ce moment, au moment où on parle, quel est exactement le moral de nos troupes sur le terrain?
Vous avez très bien touché le cœur du problème, la ressource humaine. Les hommes déterminés. Il ne s’agit pas juste de payer de l’équipement, il faut des hommes déterminés. Et si vous remarquez, nous sommes en train de construire une armée de qualité.
Il n’est pas rare que souvent, lorsqu’on juge qu’un chef d’élément ou une unité a failli à sa mission, qu’on le radie et qu’on le poursuive. C’est arrivé plusieurs fois et ça continuera comme ça. Si vous êtes engagé pour être militaire, vous devez accomplir la mission parce que la mission est sacrée pour nous. L’autre chose, c’est que malgré la pression, malgré le défi, les hommes continuent de se battre et sont très résilients. Si aujourd’hui, vous attrapez un soldat burkinabé et vous demandez, est-ce que vous voulez que d’autres personnes viennent se battre à votre place ou viennent vous aider? Ils vous diront : « jamais ». Ils préfèrent mourir. C’est à ce niveau que vous jaugez leur moral. Ils sont prêts, toujours prêts, malgré la situation. Peu importe la bataille qu’on perdra, on va toujours maintenir le terrain. C’est ça qui est très important dans le mental des soldats. Donc, le moral est au top. Les gens n’espéraient pas être à ce niveau d’équipement. Ils y sont. Donc, ils se donnent à fond. Et moi, je ne peux que féliciter et remercier tous ceux qui se battent. C’est très important.
Alors, Monsieur le Président, dans votre argumentaire, vous parlez d’une guerre qui prend différentes formes, qui mue. On se demande, on se pose toujours cette question vis-à-vis, qui attaque le Burkina Faso?
Ce n’est pas du terrorisme seulement. C’est une guerre pour s’accaparer de nos richesses et nous empêcher de nous développer. Je l’ai une fois développé lors d’un discours, je pense. Je disais que si nous arrivons à exploiter convenablement notre sous-sol, à transformer ce que nous sommes en train d’exploiter ici, ce que nous produisons, il y aura un sous-emploi chez eux là-bas. C’est une bataille. Ils pillent nos richesses pour pouvoir survivre. Donc, c’est une guerre d’indépendance. Il faut que nous menons cette guerre pour être totalement indépendants et décider de notre développement, de notre trajectoire. Donc, c’est de ça qu’il s’agit actuellement.
Monsieur le Président, vous venez de le dire. On parle de sécurité et de défense du Burkina Faso. Venons-en à votre sécurité personnelle. Vous venez de l’évoquer il y a un instant. La pression est énorme. Elle est grande. Le danger vient de partout. Monsieur le Président, rien qu’en 2025, il y a eu plusieurs tentatives de coup d’état qui ont été déjouées. Monsieur le Président, est-ce qu’il vous arrive parfois d’avoir peur ?
Merci. Je pense que c’est la seule force que j’ai. Je n’ai pas peur. Parce que j’ai confiance en vous tous. Ça, c’est la première chose. Il faut avoir confiance au peuple. Parce que c’est le peuple qui nous a confié cette mission. Et j’ai confiance au peuple. Qu’ils comprendront. Et voilà pourquoi on n’hésite pas aussi à être devant le peuple. Pour leur expliquer la situation et leur dire ce qu’il y a. Et ça, ça permet de garder une très bonne relation.
Ça, c’est la première des choses. La deuxième chose, comme je l’ai dit, il y a une mentalité qu’il fallait développer au sein même de nos forces. Ça, c’est très important. Actuellement, cette mentalité-là, les gens comprennent pourquoi ils se battent. Vous prenez il y a quelques années de cela, plusieurs officiers sur le terrain ne savent pas pourquoi ils se battent. Mais, si nous savons pourquoi nous nous battons, qui nous avons en face et pourquoi il y a cette pression, les gens comprennent mieux. Et voilà pourquoi nous avons même créé tout de suite l’Institut, l’École supérieure militaire, pour que nous puissions former nous-mêmes nos militaires et les mettre ce que nous voulons dans la tête. Retenez une chose, si vous laissez vos forces être formées par d’autres puissances, ils les mettent dans leur tête ce qu’ils veulent. Ils les endoctrinent comme ils le veulent et c’est plus facile de les manipuler. Ici au Burkina, actuellement, c’est ce qui fait mal d’ailleurs à beaucoup de puissances impérialistes. Ils n’arrivent pas à pénétrer notre armée. Tous ces bataillons, tous ces hommes qui sont là, personne n’est venu d’ailleurs pour les former. Nous nous sommes bâtis sur notre expérience terrain et nous les avons formés. J’ai personnellement participé à des entraînements de certaines forces au tout début. Donc ça c’est déjà une deuxième force.
L’autre force est que si vous avez une mission, un objectif pour votre pays, vous ne devez pas avoir peur. Si vous avez peur, vous hésitez. Si vous hésitez, vous compromettez. Et une fois que la compromission est là, vous êtes foutus.
Vous avez tout à l’heure énuméré un certain nombre d’éléments qui font que vous êtes rassurés. J’insiste parce qu’il y a l’histoire aussi. C’est l’histoire qui nous conduit. Ces forces impérialistes, elles sont réelles. En 1961, elles ont eu la peau de Patrice Lumumba en RDC. En 1972, elles ont eu la peau de Kwame Nkrumah d’une autre manière. Et puis en 1987, elles ont eu la peau de Thomas Sankara, toujours avec des ennemis internes et parfois avec la complicité de certains voisins. Vous savez ce qu’on dit, Monsieur le Président, le premier devoir d’un révolutionnaire, c’est de rester en vie pour continuer le combat. Monsieur le Président, est-ce que vous pouvez rassurer toutes ces personnes, tous ces hommes, ces femmes d’ici et d’ailleurs qui commencent à espérer que vous allez rester en vie ?
Ils manipulent toujours de l’intérieur, nous sommes très bien conscients. Et aussi un devoir pour nous, c’est de participer à notre propre sécurité. Ce n’est pas aujourd’hui de dire que je suis chef d’État, je confie la sécurité juste à des gens.
Non, tout le monde participe, moi-même je participe. C’est pourquoi je dis, ce n’est pas juste une affaire de ceux qui sont à côté de moi, c’est une affaire de tout le peuple. Et la sécurité, ce n’est pas une affaire d’hommes détenus et tout ce que vous pouvez imaginer.
C’est tout un ensemble. C’est aussi des comportements, des manières de vivre. Il faut éviter beaucoup de choses que peut-être des erreurs ont été commises dans le passé. Nous avons lu beaucoup sur tout ce dont l’impérialisme a eu la peau et nous avons appris beaucoup de leçons. Voilà pourquoi on dit, on ne laissera pas les choses se répéter. On anticipera, quitte à ce que les gens interprètent comme ils veulent, on va anticiper.
Mais, parce que nous avons compris le message, l’espoir qu’il y a, on fera tout pour anticiper toujours les actions de l’impérialisme.
Monsieur le Président, du regard de la journaliste que je suis, je me dis qu’il y a un encerclement des pays de l’AES. Quand je regarde un peu, à Côte d’Ivoire, il y a un camp militaire à Odienné, près du Mali et du Burkina.
Le Sénégal installe des unités à la frontière avec le Mali. Sans oublier également le Bénin qui fait frontière avec le Burkina Faso et le Niger. Est-ce que, Monsieur le Président, vous partagez ce point de vue ? Est-ce que vous voyez les choses de cette manière ?
Je pense que quand vous décidez de faire la révolution, il faut vous apprêter à cette adversité. C’est logique qu’ils nous encerclent. C’est logique qu’ils essaient de nous faire tomber. C’est logique. C’est comme je dis, c’est une bataille. Ils se battent pour leurs intérêts et c’est à nous, si on a décidé de faire la révolution, de tout mettre en œuvre pour que cet encerclement soit vrai. Vous voyez, l’Afrique, on a l’habitude de ne pas avoir d’abord une armée forte. Il n’y a pas d’État si il n’y a pas d’armée forte. Mais bon, c’était le système. Comme je l’ai dit une fois aux couleurs, ils sont venus nous flatter. Non, il ne faut pas vous armer. Même dernièrement, je pense qu’il y a eu une interview d’un général américain qui l’a dit encore que nos pays n’ont pas besoin d’être militarisés. C’est leur conception.
Nous sommes comme des enfants. C’est eux qui doivent venir s’asseoir, faire la sécurité pour nous. Et beaucoup de pays sont dans cette situation. Ils ne construisent pas d’armée et quand la situation arrive, c’est le chaos. Nous, nous sommes en train de construire une armée forte. Voilà pourquoi je dis qu’on se bat en Burkina Faso et on se forme en Burkina Faso, c’est très important.
Avant, c’était quoi ? Chaque fois, les forces étrangères, tout le monde vient pour former vos soldats. On vous prend comme des moyens qui n’ont rien. Aujourd’hui, beaucoup de forces étrangères cherchent à venir s’entraîner avec nous. Vous n’allez pas imaginer. Les plus grandes puissances cherchent à venir s’entraîner avec nos soldats. Mais ce n’est pas juste l’entraînement. Ils veulent apprendre comment on fait, comment on procède, qui nous entraîne. Mais personne aujourd’hui ne sait comment les BIR sont formées, comment on les entraîne, comment on les équipe. Pourquoi nous, on croit que c’est les autres qui doivent venir nous former ? Ils n’ont pas créé quelque chose. Ils ont réfléchi. Nous, nous sommes dotés de cerveaux. Donc, il faut une armée puissante pour faire face à l’adversité.
Ils vont continuer à nous encercler parce qu’il y aura toujours en Afrique des chefs d’État comme ça qui vont autoriser parce qu’ils ont les mains liées. Ils trahissent toujours. Ils vont accepter toujours que les impérialistes viennent chez eux pour attaquer leurs propres frères. Si vous acceptez la révolution, vous devez partir avec ce concept. Ça va exister. Donc, on n’y peut rien. On fait avec. Mais c’est à nous de nous préparer pour que l’encerclement soit nul, qu’ils ne puissent jamais atteindre leur objectif. C’est tout. Donc, on fait avec.
Tout récemment, la CEDEAO a tenu un forum des chefs d’État-major général des armées d’Afrique. Le Mali et le Burkina Faso n’y étaient pas. Mais, le Niger, si on a eu un manque de solidarité, vous qui êtes au sommet de l’État, qu’est-ce que vous pouvez nous dire?
Bon, pas un manque de solidarité. Retenez que c’est une confédération, ce n’est pas une fédération. Sur certains aspects, on fait beaucoup de choses, en tout cas en tandem. Mais, dans la charte, il est dit que les pays peuvent décider des relations et de ce qu’ils peuvent faire. On ne peut pas dire à tel pays de ne pas collaborer avec tel pays, non. On n’est pas à cette étape d’abord.
On est en train de consulter la confédération sur un certain nombre d’aspects de développement, de défense et de diplomatie. Et après, on va passer à la fédération. Ce sont des étapes. Donc, le Niger peut participer à des rencontres. La confédération ne se ferme pas. On fait des ouvertures, on côtoie tout le monde.
Nous, nous sommes très panafricanistes. On est vraiment ouverts à l’intégration, à tout ce qu’il y a, mais avec des principes.
La question que je veux poser, pardonnez-moi, ne fait pas partie de la défense ni de la sécurité, mais de vos relations avec nous, les médias. M. le Président, est-ce que vous avez un problème particulier avec les médias, donc avec nous, les journalistes ? Je dis cela parce qu’on a l’impression qu’il y a eu un malentendu. Je ne parle pas des médias nationaux, pas des médias internationaux, dont certains sont tombés dans la poubelle depuis un certain moment. C’est un fait. Et pas des médias nationaux. On a l’impression qu’il y a eu un malentendu au début et qu’il y a quelque chose, un brouillard comme ça qui est là. Comment vous analysez la situation, M. le Président ?
Vous savez que je ne suis pas hypocrite. Il y a eu un malentendu. Il y a eu un brouillard au début. Mais aujourd’hui, je dois dire que je félicite beaucoup de médias pour leur travail professionnel. Il faut éviter de suivre le travail de l’impérialisme.
Certes, beaucoup parmi vous ont été formés par eux. C’est ça, vous avez été à l’école du blanc, c’est eux qui vous ont formés au journalisme. Donc moi, je ne vous en veux pas souvent quand les gens essaient de se comporter comme eux.
Mais je parle pour que les gens prennent conscience qu’il s’agit de notre patrie. Regardez ce matin, par exemple, lisez les titres des journaux en France. Ils vous diront peut-être qu’il y a eu une mobilisation pour mettre la pression sur le Premier ministre.
Ils ne vous diront pas qu’il y a eu une marche contre le pouvoir ou quelque chose. Mais, si c’était au Burkina, vous diriez qu’il y a eu une marche contre le pouvoir. Vous comprenez ? Les Français nous appellent, ils continuent de nous appeler putschistes, juntes. C’est du français. Mais les journalistes nous appellent aussi putschistes, juntes ici. Pourquoi ? Pourquoi suivre ? Les yeux fermés, c’est de l’esclavage toujours. Moi, je veux qu’on quitte cela. Chaque État doit se battre pour ses intérêts. Les journalistes se battent pour leurs intérêts.
Pourquoi on ne doit pas se battre pour nos intérêts en Afrique ? Ce n’est pas uniquement les journalistes. J’ai vu certains intellectuels qui sont sur des plateaux de télé en Afrique aussi. Quand ils prennent la parole, vous vous posez des questions. Mais est-ce qu’il est africain ? Génétiquement, il n’est pas là. Il n’est pas avec nous. C’est une réalité. Il faut se décoloniser les mentalités, les manières de faire. Chacun doit se battre pour sa patrie. Vous pouvez avoir une information qui est peut-être vraie et juste. Mais vous décidez de ne pas sortir l’information parce que ça peut porter préjudice à la défense nationale, à la sécurité, à la cohésion et ainsi de suite. Ça, c’est une décision souveraine parce que vous voulez préserver votre pays. Mais on ne dit pas seulement que dès qu’il y a une information, il faut la sortir. Non, ce n’est pas comme ça. Et très souvent, les journalistes, comme on aime le dire, le train qui vient à l’heure, ça ne les intéresse pas. C’est le train qui est en retard.
Vous le savez, M. le Président, vous nous comprenez de temps en temps.
Ah oui, mais il faut éviter ça. Moi, je veux maintenant que vous vous intéressez au train qui vient à l’heure.
D’accord. Je voudrais vous laisser avec une phrase qui est la devise d’un grand club européen. C’est celle-là : « Notre maillot peut être taché de sang, de boue et de sueur, mais jamais de honte ». C’est tout ce que je vous souhaite, M. le Président.
Merci grandement.
M. le Président, 30 septembre 2022, 30 septembre 2025, bientôt trois ans de gestion du pouvoir d’État. Quel bilan d’étape faites-vous en termes de mise en œuvre de votre vision et de votre orientation politique à travers la révolution progressiste et populaire ?
Il faut dire que nous avons pris le pays sur le volet sécuritaire avec une situation, mais aussi sur le volet économique, politique avec une autre situation.
Retenez qu’il y avait beaucoup de réformes à faire, tellement de réformes qu’on ne pouvait pas les énumérer en un coup. Donc nous avions une idéologie que nous avons commencé à mettre en œuvre, la révolution, jusqu’en avril dernier où on l’a proclamée officiellement. Et qui dit révolution, il s’agit de révolutionner tous les domaines de notre vie parce qu’on ne peut pas continuer à faire la même chose qui se passait et espérer avoir un autre résultat. Si nous étions dans la continuité, je pense que c’est mieux qu’on laisse les politiciens continuer leurs choses, mais nous avons voulu rompre et la rupture nécessite beaucoup d’engagement. Dieu merci, le peuple a compris, les gens ont compris qu’il fallait rompre, que ce soit en termes de comportement de pratique, que ce soit en termes de gouvernance, que ce soit en termes d’économie, de commerce et tout ce qui va avec. Et tous les jours, je peux vous dire qu’on continue de découvrir parce que le système qui était en place, moi j’aime caricaturer pour dire que c’est comme un gros nœud que nous avons trouvé. Quand vous défaites un, un autre apparaît. Donc il y avait beaucoup de maux dans notre société que nous sommes actuellement en train de résoudre. Dieu merci, je peux dire que plusieurs choses ont été lancées.
Pour moi en tout cas, c’est satisfaisant, même si je pense qu’on peut faire encore plus d’efforts. Et si vous souhaitez, domaine par domaine, vous pourrez me poser des questions, parce qu’il y a beaucoup de choses qui ont été entamées.
Excellence, la révolution populaire progresse. Il y a eu des explications certes, mais des mots qu’on avait voulu davantage comprendre. Quel est le contenu de cette révolution?
Le contenu exact, comme je l’ai dit une fois, je ne le dirai pas. Si vous permettez à tout le monde de connaître les détails de ce que vous voulez faire, on peut anticiper sur votre action. Mais, nous avons des points, les gros points pour que les gens puissent comprendre où nous allons. Alors si vous remarquez, dans le modèle même de gouvernance, la lutte contre la corruption et la bonne gouvernance, il y a d’abord l’exemple que les gouvernants doivent donner. Comme je l’ai dit, vous ne pouvez pas être là, une catégorie de Burkinabé, parce qu’on vous a confié des postes, vous c’est le choix entre le bon whisky et le bon champagne. Pendant que des femmes meurent en allant chercher de l’eau à la rivière, elles se noient ou quelque chose, ce n’est pas possible. Donc il y a cette idéologie qu’il faut avoir pour pouvoir avoir une société de justice. Tout le monde doit pouvoir avoir accès à l’eau potable. Vous ne pouvez pas, vous, manger comme vous voulez, faire le choix des repas, jeter ce que vous voulez dans la poubelle. Pendant que d’autres ne peuvent pas avoir un seul repas. C’est ce qui nous a amené à lancer des initiatives dans l’agriculture par exemple, parce que notre population est en majorité agricole.
Mais pendant longtemps, on se rend compte qu’ils sont délices. Ce n’est pas nos terres qui sont pauvres, ce n’est pas qu’ils n’ont pas la capacité de travailler. Mais, il fallait leur donner aussi ce souffle-là, ce qui nous a amené à créer des initiatives.
Aujourd’hui, je pense que le plus important pour moi, lorsque vous rentrez dans la campagne et que vous posez des questions au cultivateur, il peut vous dire que franchement, il se sent bien maintenant. Il cultive, il a de quoi se nourrir, et le surplus, il le revend. Généralement à SONAGES qui paye, qui fait un stock de sécurité. Et lorsque dans certaines zones ou dans certaines périodes, il y a des soucis, il le ressorte, il le vend à prix, bien subventionné, accessible à tous. Donc ça, c’est très important. L’idéologie de révolutionner beaucoup de domaines, quand on prend le domaine même des finances publiques, alors on est en train de digitaliser beaucoup de paramètres, avec beaucoup de difficultés, parce que les gens n’aiment pas ça. Bientôt par exemple, on va lancer la facture électronique. Déjà quand on a émis l’idée, beaucoup de grands opérateurs sont opposés à cela. Pourquoi ils ne veulent pas la transparence ? Parce qu’on a habitué les gens à la tricherie, à voler, c’est comme une norme.
C’est ce qui était installé, donc il faut changer tout ça. Sur le plan des infrastructures et beaucoup de choses, le domaine des marchés publics et tout ce qui va, c’était d’ailleurs le domaine le plus corrompu. Voilà, vous êtes un entrepreneur, vous venez nous voir, on vous donne le marché, vous surfacturez, et après on se donne quelque chose à l’arrière.C’est ça la règle d’or. Et donc quand quelqu’un même vient avec cette idée, vous êtes exclu d’office. On ne vous permet pas.
Si on laissait continuer dans cela, je ne pense pas qu’on puisse s’en sortir. On ne pourrait pas payer des arts, parce que, comme je l’ai dit, si vous ne faites pas des économies d’échelle, vous ne pouvez pas vous équiper. Vous ne trouverez pas une seule banque dans le monde où vous pourriez prendre un prêt pour payer des arts.
Ça n’existe pas. C’est avec vos fonds propres que vous pouvez vous équiper. En tout cas, nous, on n’a pas eu cette occasion. Et si quelqu’un en connaît, peut-être qu’on est preneur. Et tout ce qu’on est en train d’acquérir, je vous ai dit une fois le montant, ce sont des milliards de dollars. Comment on fait ? Où a-t-on puisé l’argent ? Cet argent était là. Il fallait assainir le domaine des finances. Le commerce et tout ce qui va avec. Et le fonctionnement de nos sociétés d’État, vous avez pu remarquer cette année les résultats de 2024 qui sont au-delà.
2025 est encore meilleur que 2024. Je prends le domaine des hydrocarbures. Dès 2023, nous avons fait d’énormes progrès. Avant, c’était des subventions de l’État. Ça veut dire qu’on collectait encore des impôts pour subventionner la société, pour payer le surplus que le Banque a gagné et tout ça. Mais maintenant, la société n’est plus dans cette situation.
On a épongé toutes les dettes de la société et elle commence à faire des marches. C’est parce qu’il y avait la corruption dans le milieu. Il y a tellement de situations, je ne peux pas tout citer. Il faut révolutionner ce domaine aussi par la digitalisation et tout ce qui va avec. L’administration en gros, tout est en train d’être digitalisé. Pour que les gens n’aient plus accès à l’argent liquide qui circule et que les choses soient transparentes.
Vous qui demandez le service, vous savez à quoi ça correspond et vous savez où votre argent part. Les infrastructures, vous êtes témoins aussi, qui sont vraiment un problème crucial. On est en train de révolutionner tout.
Donc, c’est l’esprit comme ça, de changer de paradigme, faire ce qu’on n’avait pas l’habitude de faire. Donc, comprenez ça par cette phrase. (…)