Le dossier de l’affaire de viol présumé à l’Hôpital Yalgado Ouédraogo a été appelé ce 14 mars 2025 devant le Tribunal de grande instance (TGI) Ouaga I. Il a été retenu et jugé. Au cours de l’audience, le prévenu et la victime ont livré chacun leur version des faits.
Tout a commencé le 5 janvier 2025. Selon les informations du journal en ligne Libreinfo.net, un agent de santé en service à l’hôpital Yalgado Ouédraogo a abusé sexuellement une accompagnante. Cette dernière assistait son mari, malade, qui finira par décéder dans la même journée.
Très vite, l’affaire devient virale sur les réseaux sociaux ; la justice s’en saisit. Le dossier est programmé pour jugement. Après plusieurs renvois, l’audience de jugement a débuté ce 14 mars 2025.
A l’appel du dossier, toutes les parties prenantes sont présentes. Le jugement peut commencer. Le prévenu, K.A, se tient à la barre. La parole lui est donnée pour expliquer les faits de viol à lui reprochés. Il commence par nier fermement. Il se déclare non coupable et donne sa version des faits. « Je suis arrivé ce jour aux environs de 7h. (…)A 10h, je suis arrivé au niveau du box de la victime. Elle était couchée sur le lit et le malade était à terre. Je lui ai dit d’aprêter les médicaments que j’allais administrer à son malade.(…) Je suis allé dans la salle de garde pour chercher un bic. J’ai constaté que la victime me suivait, je lui ai dit qu’elle n’a pas le droit d’être ici. Elle dit qu’elle voulait me souligner quelque chose qu’elle a oublié de dire au médecin d’hier. Elle dit que son mari prenait des comprimés avant leurs rapports sexuels. Elle a demandé si ce n’était pas lié à sa maladie. J’ai dit que c’était compliqué parce que je n’ai pas vu la notice des produits», relate le prévenu.
Il affirme que la victime a commencé à dire que sa belle famille ne s’intéressait pas à la santé du malade avant de fondre en larmes. C’est en pleurant qu’elle est allée s’asseoir sous le hangar avec d’autres personnes. Selon le prévenu, son interaction avec la victime s’arrête là. Plus tard, il entendra ses collègues dire «qu’une accompagnante se plaint d’avoir été droguée et abusée ».
Toute l’équipe a ensuite été convoquée, d’abord par le chef d’équipe et, ensuite, par le major. «Deux autres hommes, amis du mari de la victime, étaient présents et ils ont affirmé que c’était moi qui avait abusé de la femme. Ils ont menacé de m’envoyer chez les kolgwéogo [Ndlr, groupe d’auto-defense] (…) Les deux hommes n’ont pas cherché à écouter, ils sont sortis furieux», déclare le prévenu.
Droguée et abusée
La victime, O.Z, est appelée à la barre à la suite du prévenu. Couverte de la tête au pied, de taille et de forme moyenne, elle est sereine et précise dans son récit.
« La maladie de mon mari a commencé le 4 janvier. De l’hôpital de Gampèla, on nous a transférés à l’Hôpital Yalgado Ouédraogo aux alentours de 21h. On a été reçus par les médecins qui nous ont amenés dans le bloc 7. Vers 6h, un des amis de mon mari m’a proposé d’aller chercher quelque chose à manger. A mon retour, comme le malade était à terre, je me suis couchée sur le lit. L’agent de santé (le prévenu) est arrivé, il a tapoté mon pied et il m’a dit d’apprêter les produits, qu’il va venir s’occuper du malade.
Pendant qu’il s’occupait du malade, il m’a demandé ce que mon mari et moi faisions comme activité. Il a demandé à quel moment la maladie a commencé. Ils nous a demandé combien d’enfants on a, j’ai dit 4. Il a dit qu’il doit échanger avec moi pour connaître l’origine de la maladie de mon mari. Il m’a dit d’enlever deux gants dans les produits de mon mari et de le suivre. Arrivés dans la salle, il m’a demandé à quand remontait le dernier rapport avec mon mari. J’ai dit il y a trois jours. Il m’a demandé d’enlever mes habits qu’il va m’examiner. Quand j’ai enlevé mon pagne, j’ai vu qu’il a soulevé sa blouse. J’ai eu peur et je me suis levée. Il m’a dit qu’il ne voulait pas me forcer, qu’il voulait m’examiner. J’ai eu un peu de courage, j’ai enlevé mes habits et je me suis couchée. Il a mis ses gants et il a mis ses doigts dans mon sexe. Il a continué à me poser des questions et il a dit que selon ce qu’il voit, nos derniers rapports ne valent pas trois jours. Il m’a dit de partir, je suis partie aux côtés de mon mari.
Il est revenu m’appeler qu’il voulait me faire une piqûre. Je l’ai suivi de nouveau. Il m’a piqué et après l’injection, j’ai immédiatement eu des vertiges. Il m’a fait couché sur le lit. Je ne pouvais plus bouger mais j’étais consciente et je savais qu’il était en train d’abuser de moi. Après, il m’a dit de me lever, mon pagne était à terre et ma culotte au niveau de mes genoux. Il a ensuite ouvert une porte et il m’a dit de m’asseoir sous le hangar. Après avoir repris un peu mes esprits, j’ai expliqué à deux amis de mon mari. C’est ainsi de suite que l’affaire s’est ébruitée », confie la victime sans un moment d’hésitation.
Le prévenu K.A nie cette version des faits. Il réfute avoir administré une injection à la victime et avoir eu des relations sexuelles avec elle. Son avocat a relevé dans le récit de la victime que pendant l’acte, elle ne pouvait pas se mouvoir et juste après elle est capable de remonter son caleçon et de nouer son pagne.
« Il m’a fait courber sur le lit. Ma poitrine et mon visage étaient sur le lit. Et quand il a fini sa sale besogne, il a tiré sur mon habit et je me suis relevée. J’ai tâtonné avant de pouvoir sortir de la salle. Au moment de l’acte, je ne pouvais pas crier », répond la victime.
Demande de liberté provisoire rejetée
Débutés aux alentours de 10h, les débats ont continué jusque dans l’après-midi, sans que l’affaire ne soit épuisée. A la fin de la journée, l’avocat de la défense a souhaité une mise en liberté provisoire de son client.
La partie civile et le parquet s’y sont opposés fermement. « Pour éviter le risque qu’il y ait subornation de témoin, il est préférable qu’il reste à la Maison d’arrêt. Et c’est également pour sa propre sécurité, car le dossier a fait grand bruit », a indiqué le parquet.
Le Tribunal a rejeté la demande de mise en liberté provisoire du prévenu. Les débats sont suspendus pour être repris le vendredi 21 mars 2025 . Ils débuteront avec l’audition des témoins.