Dans le quartier animé de la Zone 1, dans une ruelle non loin du Lycée privé Bangré Yiguia à Ouagadougou, un jeune homme de 22 ans attire l’attention des passants. Devant sa cour, Arnaud Bayala expose fièrement ses créations : des vêtements customisés, ornés de dessins variés. Ce jeune autodidacte, sans formation académique, a su transformer son rêve en réalité, un pinceau à la main.
Par Prisca Konkobo
Un petit atelier à ciel ouvert se dessine dans la ruelle qui fait face à la cour familiale de Arnaud Bayala. Une table, quelques pots de peinture, des pinceaux, un étal avec des vêtements ornés de dessins variés et un jeune homme concentré sur son travail. Tel est le spectacle qui s’offre aux passants.
Nous retrouvons Arnaud Bayala, concentré à customiser (de customiser qui signifie adapter un produit commercial en le personnalisant) des pantalons pour un client grossiste. Ce client vient donner une nouvelle allure à ses pantalons pour espérer mieux les vendre. A l’aide de son pinceau, et d’un pot de peinture blanc, Arnaud dessine des coeurs sur le pantalon étalé devant lui. « C’est ce que le client veut. C’est sûrement pour des filles. Les garçons n’aiment pas les cœurs sur leurs habits », nous confie-t-il avec un sourire timide.
Tout autour de lui, des habits et des pantalons, qui ont subi le talent du jeune customiseur, sont exposés. Sur les vêtements, on voit toutes sortes de dessins. Des personnages de mangas, le drapeau du Burkina, le cheval emblème du Burkina, le portrait du chef de l’Etat, le Capitaine Ibrahim Traoré, etc.
Son talent de dessinateur, Arnaud le découvre sur les bancs de l’école. Tout débute en classe de CM2, quand il commence à aider ses camarades avec leurs cahiers de présentation. Très vite, il se découvre une passion.
Sans école de formation, ni professeur, ni mentor, le jeune Bayala a appris sur le tas. Grâce aux tutoriels YouTube et à force de persévérance, il a atteint un bon niveau. « Au début, je ne réussissais pas trop, mais je n’ai pas abandonné. Petit à petit, je me suis adapté. Mes amis aimaient bien ; les gens aussi. Donc, j’ai décidé de me lancer», explique-t-il timidement.
Arnaud Bayala quitte les bancs de l’école en classe de 3e. Il choisit de se consacrer entièrement à sa passion. Il a su transformer son talent en une petite entreprise florissante. Il reproduit toutes sortes de dessins souhaités par ses clients. En dix minutes, il peut transformer un vêtement ordinaire en une pièce originale. Les prix varient entre 3 000 et 4 500 FCFA. « Mes parents m’encouragent, et mes amis viennent souvent s’asseoir avec moi pendant que je travaille. On discute et ça me motive », fait-il savoir.
La customisation de vêtements permet au jeune Bayala de se prendre en charge. Il peut subvenir à ses petits besoins. Il a réussi, grâce à ses petits bénéfices, à se procurer un local où il pourra travailler. « Je vais enfin libérer le six-mètre», dit-il.
Arnaud veut conquérir le marché. N’ayant pas encore les moyens pour se faire connaître sur les réseaux sociaux, le jeune talent a développé une stratégie pour séduire les futurs clients. «Je me promène souvent dans les écoles, aux heures de sortie, pour montrer mes œuvres ».
Pendant que nous sommes en pleine discussion avec le jeune customiseur, une dame qui passait par là s’arrête. Elle parle familièrement à Arnaud et l’encourage. Madame Coulibaly est une cliente régulière. Accostée, elle ne se fait pas prier pour témoigner du talent du «petit», comme elle l’appelle affectueusement.
« Il fait un bon travail, c’est un petit à encourager. Il se bat vraiment. J’aime beaucoup ce qu’il fait et j’ai déjà customisé plusieurs habits avec lui. On prie Dieu de lui donner la santé et la longévité pour qu’il continue son travail », confie-t-elle.
Un parcours du combattant
Le bout de chemin parcouru jusque-là n’a pas été sans embûches pour Arnaud Bayala. Son père, Irénée Bayala, avoue avoir été réticent au début. « Au début, ça n’a pas été facile. Je ne comprenais pas ce qu’il faisait. Je trouvais qu’il faisait n’importe quoi. On s’est disputé plusieurs fois. Je trouvais qu’il perdait son temps. J’ai jeté souvent ses outils, mais aujourd’hui je comprends. Je l’encourage maintenant ; il est courageux », nous confie son père, la fierté dans le regard.
Cette fierté, Cynthia Bayala, grande sœur de Arnaud, la partage également. « On voit que ça lui permet de se prendre en charge et au-delà de ça, il exerce en même temps sa passion », indique-t-elle.
Une vision pour l’avenir
Arnaud ne se contente pas de customiser des vêtements. Il propose également des services de décoration pour les maisons et les plaques publicitaires, dans le but de diversifier ses sources de revenus.
Mais son véritable rêve est de conquérir le marché de la mode. « Je veux créer une grande marque de vêtements qui s’appellera Le Designer. D’ici cinq ans, je rêve d’avoir un grand magasin où je pourrai exposer et vendre mes réalisations», affirme-t-il avec conviction.
Pour l’instant, sa principale difficulté, ce sont les clients qui négocient trop les prix. « Souvent, je ne gagne pratiquement rien. Mais, je n’en fais pas un problème. L’important c’est que je puisse continuer à acheter mes petits pots de peinture pour continuer à travailler », déclare-t-il, déterminé.
Pendant que nous prenons congé de lui, Arnaud retourne vite à ses occupations. Il doit s’activer pour respecter le rendez-vous donné à un client grossiste.