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Ibrahim Konaté : De la comptabilité à l’élevage, le parcours d’un artisan de l’autosuffisance alimentaire

Publié le lundi 30 decembre 2024  |  Minute
Ibrahim
© Autre presse par DR
Ibrahim Konaté : De la comptabilité à l’élevage, le parcours d’un artisan de l’autosuffisance alimentaire
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Convaincu qu’un pays ne peut se développer en situation d’insécurité alimentaire, le Burkina Faso, sous l’impulsion de ses autorités actuelles, a fait du secteur agricole et halieutique une priorité.

Depuis deux ans maintenant, le gouvernement mène une ambitieuse offensive agro-pastorale et halieutique, avec pour objectif d’atteindre la souveraineté alimentaire à l’horizon 2025. Dans cette dynamique, le pays s’appuie sur ses fils et filles, qui, dans la résilience et la détermination, ont compris l’importance de cette bataille.

Parmi eux, Ibrahim Konaté, un éleveur inspirant. Ancien comptable dans une banque de la place, il a troqué les comptes et les relevés bancaires contre les abreuvoirs, les seau à traire et les outils d’élevage.

Loin des vestes, des cravates et du confort feutré des banques, c’est dans l’odeur du bouvier qu’il a trouvé sa véritable vocation, une vocation qui, aujourd’hui, porte ses fruits. Portrait d’un homme engagé dans la marche vers l’autosuffisance alimentaire!

Deux grands enclos construits en bois solide. Au centre, une grande grange au toit de tôle rouillée où sont soigneusement empilés le matériel agricole et des réserves de fourrage. Autour, des abreuvoirs en métal reflètent les premières lueurs du jour, tandis que des seaux et des outils sont disposés près d’un hangar ouvert. Non loin, un petit bâtiment en terre battue sert d’espace de repos et de stockage. L’air est imprégné d’une odeur mêlée de foin, de fumier et de terre humide, typique des lieux d’élevage. Les bêtes, imposantes et bien entretenues, se déplacent lentement, rompant parfois le silence de leur meuglement grave. Nous sommes le jeudi 26 décembre 2024, il est 06h, et nous venons de faire notre entrée dans la ferme d’Ibrahim Konaté.

Nous retrouvons un homme déjà plongé dans ses œuvres. C’est l’heure de la traite. Nous nous faisons spectateurs et l’observons. D’une main experte, il remplit les auges de fourrage. Son regard bienveillant se pose sur chaque bête, des imposants taureaux aux jeunes veaux qui gambadent timidement dans l’enclos. Ici, chaque geste, du tintement des seaux au bruissement du foin, témoigne d’une grande passion et d’une routine intacte. Avec soin et maitrise, l’éleveur attire à lui une vache. Docile, la bête s’avance, puis, comme par automatisme, se cale en face de son maître qui lui offre des herbes.

Comme chaque matin, Habibou, l’aide d’Ibrahim à la ferme, prend le relais. Accroupie près de la vache, la jeune femme ajuste un tabouret en bois et place une calebasse sous la mamelle de l’animal. Dans l’air, flotte une douce odeur de lait tiède mêlée à celle de la paille fraîchement étalée. D’un geste assuré, Ibrahim tapote doucement le flanc de la vache, un rituel apaisant qu’il accompagne d’une voix basse comme pour la tranquilliser. Habibou, concentrée, saisit les pis de l’animal avec délicatesse et, d’un mouvement continu, effectue des va-et-vient précis. Un mince filet de lait jaillit de la mamelle et atterrit au centre de la calebasse, rythmé par le geste de la jeune femme. La mécanique se répète, méthodique, sur chaque pis. La vache, imperturbable, mâche paresseusement la poignée de foin que son maître a glissée devant elle, indifférente à l’agitation autour. Petit à petit, la calebasse se remplit.

Quand ils ont terminé, Ibrahim tapote fièrement la bête et la relâche. Ainsi va le quotidien de l’éleveur, ici, à quelque 15 kilomètres de la Capitale burkinabè. Chaque jour, à l’aube, et ce depuis une dizaine d’années maintenant, il quitte son lit avec passion pour rejoindre cette ferme, devenue son principal bureau et l’épicentre de sa vie.

La passion d’Ibrahim pour l’élevage remonte à son plus jeune âge. On pourrait même dire qu’il a l’élevage dans le sang. Alors qu’il était encore en classe de CM2, il avait pris l’habitude de suivre les bergers qui passaient derrière la concession de son père. Pour éviter qu’il ne s’égare un jour en les suivant, son père lui offre un bélier à élever. C’est à partir de cet animal que l’enfant développe sa passion. À partir de ce petit bélier, Ibrahim réussit à se constituer un jeune troupeau de moutons.

Au fil du temps, sa passion grandit. Du lycée à l’université, l’homme continue de cultiver son amour pour les animaux. « Depuis la classe de CM2, je ne me suis jamais passé des animaux. Depuis que mon papa m’a offert le bélier, j’ai toujours eu des animaux à élever. Même au lycée et à l’université, j’avais toujours un petit endroit où je m’occupais de mes animaux. C’est vraiment durant cette période que ma passion pour l’élevage s’est pleinement développée », confie-t-il.

Après l’université, où il étudie la comptabilité, Ibrahim Konaté intègre une entreprise en tant que comptable. Les affaires prospèrent pour lui : il bénéficie d’un bon salaire et voit son avenir professionnel s’ouvrir. Pourtant, il ressent un vide, un manque. Même bien rémunéré, il demeure insatisfait. Pour compenser ce manque, il achète une ferme à quelques kilomètres de Ouagadougou et décide de vivre sa passion en parallèle de son travail. Il engage un ouvrier, lui propose un salaire et lui confie l’entretien des animaux et des activités de la ferme. Ibrahim parvient au même moment à organiser son emploi du temps pour consacrer une partie de ses journées à ses bêtes.

Les années passent, mais sa passion ne faiblit pas. Un matin, alors qu’il se rend tôt à la ferme, il assiste à une scène désolante : l’ouvrier qu’il avait engagé est absent, et la plupart des animaux sont morts, assoiffés. Ceux qui sont encore en vie sont agonisants. « Ce jour-là, j’ai versé des larmes. J’ai perdu presque la totalité de mes animaux. Ceux qui étaient encore en vie ne pouvaient même pas se tenir debout. En me renseignant auprès des voisins, j’ai appris que l’ouvrier avait quitté les lieux depuis trois jours et n’était pas revenu. J’étais désemparé », raconte-t-il les dents serrées.

Cette tragédie, pour Ibrahim Konaté, a été le déclic. Sur le chemin du retour à Ouagadougou, il avait déjà pris sa décision. Le lendemain, il informe sa hiérarchie de ce qu’il quitte son poste. Et sans crier gare, il quitte son métier de comptable pour devenir éleveur à plein temps, au grand étonnement de ses collègues et de ses proches. « Certains m’ont pris pour un fou (rires). J’étais incompris, mais j’étais convaincu de mon choix. On me demandait : pourquoi faire des études jusqu’au master pour finalement devenir éleveur ? D’autres me demandaient : pourquoi quitter un si bon métier pour aller en brousse ? Et je leur répondais que c’est ce que j’aime », explique-t-il.

Sans se laisser décourager, Konaté se lance dans son nouveau projet. Pour formaliser ses activités, il crée l’entreprise Ouranos et décide de se spécialiser dans la production laitière. Une grande partie de sa bergerie est ainsi consacrée aux vaches laitières. Son objectif ? Devenir un grand producteur de lait local au Burkina Faso. Contre vents et marées, il reconstruit sa ferme, achète de nouveaux animaux, principalement des vaches, et démarre ses activités.

Avec persévérance, il se consacre pleinement à sa nouvelle occupation. En deux ans, il réussit au prix du travail acharné, à se hisser pour devenir l’un des principaux fournisseurs de lait local au Burkina Faso. La qualité de son lait et ses compétences managériales fidélisent sa clientèle, offrant à son entreprise une solide réputation au niveau du marché national. Sa ferme, en plus de contribuer à l’autosuffisance alimentaire, notamment dans le domaine du lait local, emploie aujourd’hui une dizaine de personnes. A ce jour, également, son cheptel s’élève à une quarantaine de têtes de bovins et d’ovins.

Sa vision à long terme est de réduire au maximum l’importation de lait en poudre au Burkina Faso. Pour lui, il est inconcevable qu’un pays comme le Burkina Faso, qui a un peuple à vocation d’éleveurs et d’agriculteurs, continue d’importer massivement du lait. Il a donc fait de la souveraineté du pays en lait son principal combat.

« Ce qui m’a motivé à me lancer dans la production laitière, c’est le manque de lait local dans notre pays. La quasi-totalité du lait sur nos marchés est importée. En discutant avec mes aînés du secteur, notamment de l’interprofession lait, ils m’ont conseillé de me lancer, car la demande nationale dépasse largement l’offre. J’ai acheté mes premières vaches avec leur aide et j’ai démarré. C’est vraiment écœurant de voir comment nous importons le lait en poudre ici au pays, alors que nous pouvons nous-mêmes en produire », déplore-t-il.

Dans sa ferme, l’ex-comptable a développé une véritable industrie pour maximiser sa production. En plus de l’élevage, il s’est lancé dans l’agriculture, notamment la culture fourragère pour nourrir le bétail. Pendant la saison des pluies, il cultive du sorgho qu’il transforme ensuite en ensilage. Il a également conçu et installé un biodigesteur pour produire du gaz naturel et cultive du citron.

Oumarou KONATE
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