Un, deux, trois… et cinq ! Ils sont désormais cinq pays de notre continent à avoir supprimé toute exigence de visa pour les voyageurs africains. Après le Rwanda, le Bénin, la Gambie et les Seychelles, le Ghana vient en effet d’approuver l’entrée sur son territoire, sans exigence de visa, de tous les ressortissants africains. Le président sortant, Nana Addo Dankwa Akufo-Addo, concrétise ainsi l’annonce qu’il avait faite à ce sujet au début de l’année…
C’est une lapalissade ! Voyager d’un pays à l’autre du continent africain est une véritable gageure ! Entre les prix exorbitants des billets d’avion et l’exigence de visa d’entrée dans la plupart des pays, les Africains souffrent le martyre pour rallier deux villes du continent, parfois même proches l’une de l’autre. Heureusement, les lignes bougent un peu ces derniers temps et l’idée de bannir, pour les ressortissants du continent, l’exigence d’un visa pour entrer dans un pays africain fait son petit bonhomme de chemin.
Le Ghana vient en effet d’approuver cette mesure, promise en janvier 2024 par le président Nana Addo Dankwa Akufo-Addo, et qui place ce pays parmi « les rares pays du continent à ouvrir ses portes de manière aussi généreuse ». Annoncée lors de l’édition 2024 du Dialogue sur la prospérité en Afrique, qui s’est tenu du 25 au 27 janvier, cette exemption de visa devrait s’appliquer avant le terme, le 6 janvier 2025, du mandat de l’actuel chef de l’État. Une mesure salutaire, qui s’aligne sur les objectifs de la Zone de libre-échange continental africaine (Zlecaf), dont l’ambition est de « créer un marché unique homogène sur le continent pour stimuler la croissance économique, la création d’emplois et l’éradication de la pauvreté ».
Sur le registre des annonces, il y a également celle du Kenya. Le président William Ruto avait en effet promis, depuis octobre 2023, que les Africains n’auront plus besoin de visa pour entrer dans son pays. En attendant la concrétisation de cette décision kényane, qui devait entrer en vigueur fin 2023, on compte donc à présent cinq pays sur le continent qui offrent un accès libre et sans contrainte aux voyageurs africains. Le Ghana rejoint en effet, sur cette plateforme du « free-visa intégral », le Rwanda, le Bénin, la Gambie et les Seychelles.
Cette mesure vient renforcer les nombreux accords d’exemption, bilatéraux et communautaires, déjà en vigueur entre de nombreux pays. En effet, renseigne l’Indice d’ouverture sur les visas en Afrique produit par l’Union africaine et la Banque africaine de développement, « 42 pays africains autorisent l’entrée sans visa aux citoyens d’au moins cinq autres pays africains, tandis que 33 pays le font pour les citoyens d’au moins dix pays ». De plus, indique le rapport 2023 de cet indice qui analyse, depuis 2016, l’évolution des politiques nationales en matière de liberté de circulation à travers l’Afrique, « les citoyens africains n’ont pas besoin de visa dans 28% des cas de projets de voyage intra-africain ».
De ce fait, même si le précieux sésame est toujours nécessaire dans 46% des scénarios de voyage sur le continent, le rapport note une amélioration significative sur le terrain de l’exemption, qui est passé de 20% en 2016 à 27% en 2022. En tout état de cause, en ouvrant ainsi ses frontières aux ressortissants africains, le Ghana, ainsi que les autres pays qui ont emprunté ce chemin avant lui, facilitent notablement les déplacements vers leurs destinations.
Tout en renforçant les liens commerciaux et culturels, cette mesure devrait également rendre ces pays « plus attractifs pour les investisseurs, les touristes et les professionnels africains ». Et bien entendu, cette approbation ghanéenne, qui donne un coup d’accélérateur supplémentaire à la libre circulation des personnes, constitue un formidable levier pour l’intégration régionale en Afrique de l’Ouest et sur le continent dans son ensemble. Mais c’est bien le Rwanda, qui a « progressivement libéralisé son régime de visas au cours des huit dernières années » jusqu’à la suppression, en 2023, de « toute obligation de visa pour les citoyens de l’ensemble du continent », qui est le champion en la matière.
La galère des voyages intra-africains !
Il y a donc lieu de plaider pour une Afrique débarrassée de la hantise et du boulet du visa d’entrée pour les Africains qui se rendent dans un pays du continent, afin que sur la verticale de Ras ben Sakka, en Tunisie, au Cap, en Afrique du Sud, et sur l’horizontale de Mogadiscio, en Somalie, à Dakar, au Sénégal, les voyages transfrontaliers ne soient plus une galère pour les Africains.
Cependant, cette politique d’exemption de visa doit nécessairement s’accompagner, pour être efficace, d’une possibilité de déplacements à coûts raisonnables à l’intérieur du continent. Tout le monde vous le dira, il est souvent plus simple d’effectuer des voyages sur les autres continents qu’à l’intérieur de l’Afrique ! En plus de l’exigence des visas, le voyage aérien reste un luxe pour le citoyen moyen. Il faut en effet débourser des centaines de milliers de francs CFA pour rallier, par avion, deux capitales de deux pays voisins.
Un pas dans la bonne direction
La feuille de route des ministres des Transports, déjà adoptée par la Conférence des chefs d’État et de gouvernement de la Cedeao, lors de la 66e session ordinaire du 15 décembre dernier à Abuja, au Nigeria, devrait entrer en vigueur le 1er janvier 2026.
La Conférence a en effet notamment approuvé « la stratégie régionale qui comprend, entre autres, une réduction de 25% des redevances par passager et la suppression des taxes non liées au transport aérien, conformément aux principes et procédures de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) en matière de taxes, redevances et droits, qui interdisent la taxation des services de transport aérien sur la base des principes de non-relation, de transparence et de tarification ».
On est sans doute encore loin de la coupe aux lèvres, mais la Cedeao fait certainement un pas dans la bonne direction. Et si les mesures de cette feuille de route sur la réduction des coûts des voyages aériens se concrétisent, elle confortera, au-delà des crises qui la rongent, sa position de leader de la libre circulation des personnes et des biens parmi les huit Communautés économiques régionales reconnues par l’Union africaine.
La Cedeao obtient en effet le meilleur score régional en la matière, note le rapport 2023 de l’Indice d’ouverture sur les visas en Afrique. « C’est là que les citoyens africains jouissent des niveaux les plus élevés de liberté de circulation transfrontalière », sanctionne ce rapport, qui précise que « la Cedeao a adopté une position progressiste en matière d’ouverture sur les visas depuis des décennies, qu’elle a formalisée en 1979 par un protocole sur la libre circulation des personnes, le droit de résidence et d’établissement ». Sept des dix pays les plus performants du continent sont ainsi situés en Afrique de l’Ouest.