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Fête nationale : le Premier ministre questionne le choix de la date du 11 décembre

Publié le lundi 2 decembre 2024  |  Primature
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© Autre presse par DR
Dr Apollinaire Joachimson KYÉLEM de TAMBÈLA, Premier ministre du Burkina
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À la faveur de la traditionnelle cérémonie de levée du drapeau à la Primature tenue, ce lundi 02 décembre 2024, le Premier ministre, Dr Apollinaire Joachimson Kyélem de Tambèla, a questionné la pertinence du choix de la date de la Fête nationale (11 décembre). Selon lui, même si cette date reste à écrire, il faudra au préalable déterminer le symbole qu'on voudrait lui donner : soit dans la continuité dans le sillage du colonialisme, soit le patriotisme et la rupture avec le colonialisme et le néo-colonialisme, soit le panafricanisme. A cet effet, il propose plusieurs dates dans le parcours du Burkina Faso "suffisamment émaillé de beaucoup de faits sociaux et historiques importants". Lisez l'intégralité de son discours.

1- Bientôt ce sera le 11 décembre. C’est un jour férié au Burkina Faso. Pourquoi est-ce un jour férié ? parce qu’à une certaine époque, les autorités ont estimé que le 11 décembre marque une date importante dans l’histoire du Burkina Faso. L’indépendance du pays a été proclamée le 5 août 1960. Pourquoi alors célébrer encore l’indépendance le 11 décembre ?



2- Il convient de reconnaître que le 5 août tombe en pleine saison pluvieuse. Il est donc difficile d’organiser des festivités soutenues pendant cette période. Raison pour laquelle, peut-être, les festivités auraient été reportées au 11 décembre. Mais pourquoi le 11 décembre et pas une autre date ? Voilà la question que beaucoup se posent secrètement sans toujours en avoir la réponse.





3- Le 11 décembre 1958 est le jour où, à l’unanimité, l’Assemblée territoriale a proclamé la République de Haute-Volta, et choisit le statut d’Etat autonome, membre de la Communauté franco-africaine. Le même jour, l’Assemblée a aussi décrété le 11 décembre fête nationale. Un an après, le 11 décembre 1959, l’Assemblée territoriale se proclama Assemblée nationale de la République de Haute-Volta.



4- Pour mieux comprendre, il faut savoir qu’à la fin des conquêtes coloniales, le territoire actuel du Burkina Faso auquel avait été donné le nom de “Cercle du Mossi”, fut intégré à la colonie du Soudan français créé le 18 août 1890, avant donc la conquête du Cercle du Mossi qui se fera à partir de 1896.





5- Un décret d’octobre 1902 rattacha le territoire du Cercle du Mossi à la Sénégambie-Niger. Avec le décret du 18 octobre 1904 réorganisant le Gouvernement général de l’Afrique occidentale française, le Cercle du Mossi sera rattaché à la colonie du Haut-Sénégal-Niger avec Bamako pour capitale.



6- Un décret du 1er mars 1919 détacha le territoire du Cercle du Mossi pour former une colonie à part avec pour nom la Haute-Volta. En tant que colonie, le territoire ne disposait d’aucune autonomie réelle. Les lois françaises pouvaient être directement rendues applicables dans la colonie.





7- Avec l’instruction reçues dans les écoles coloniales, et surtout après la seconde guerre mondiale qui a révélé la fragilité des puissances coloniales, les indigènes commencèrent à s’agiter dans les colonies, réclamant de plus en plus de participation dans la gestion des affaires de leur territoire.



8- C’est dans ce contexte que le colonisateur français conçut un stratagème permettant de calmer certaines ardeurs et de contenir certaines revendications. La Constitution de la IVeme République du 27 octobre 1946 créa ainsi l’Union française. Les colonies devinrent des territoires d’Outre-Mer en remplacement du statut de colonies. Puis intervint la loi n° 56-619 du 23 juin 1956, dite loi-cadre Defferre, du nom de Gaston Defferre, alors maire de Marseille et ministre en charge des Territoires français d’Outre-Mer.





9- La loi-cadre autorisait le Gouvernement français à mettre en œuvre les réformes, et à prendre les mesures propres à assumer l’évolution des territoires d’Outre- Mer. Elle créait dans ces territoires des Conseils de Gouvernement élus au suffrage universel. Ce qui donnait une couleur locale à la gouvernance et permettait au pouvoir exécutif local d’être plus autonome vis-à-vis de l’exécutif central français. Les territoires d’Outre-Mer obtenaient ainsi une certaine autonomie interne. C’est dans ce cadre que l’Assemblée territoriale de Haute- Volta a pris la décision symbolique du 11 décembre 1958, et depuis, le 11 décembre est devenu le jour de la fête nationale.



10- Cependant, il convient de rappeler que dans l’esprit des concepteurs de la loi-cadre de Gaston Defferre, il s’agissait de mettre en place un dispositif visant à faire émerger dans chaque territoire colonial des élites africaines dociles, susceptibles de devenir des agents et des défenseurs locaux des intérêts de la France.





11- Sous cet angle, le 11 décembre ne marque pas une date de rupture pour un nouveau départ, mais une date d’évolution dans le cadre des perspectives déterminées par le colonisateur. Tout comme le 5 août 1960 sera également une date d’évolution dans les limites définies par le colonisateur. Raisons pour lesquelles, aucune remise en cause fondamentale ne s’est produite ni après le 11 décembre 1958, ni après le 5 août 1960.



12- Pour ce qui est des indépendances successives de 1960 des pays d’Afrique francophone, il suffit de se rappeler les propos de Bertin Borna, alors ministre des Finances du Dahomey, actuel Bénin. A ce sujet il disait : « Nous sommes condamnés à l'indépendance, hélas ! » C’est donc avec regret que les prétendus pères de la nation ont dû accepter l’enveloppe de l’indépendance sans le contenu, que le général de Gaulle avait choisi pour eux. Félix Houphouët-Boigny de Côte-d’Ivoire et Léon M’Ba du Gabon ont exprimé mieux que quiconque ce regret.





13- Avec les indépendances uniquement formelles de 1960, le colonisateur s’est rendu apparemment absent, tout en restant permanemment présent à travers les institutions mises en place, et les relais locaux qu’il a façonnés à son image, avant de se mettre derrière la scène comme souffleur.



14- La date de la Fête nationale du Burkina Faso reste donc à écrire. Pour ce faire, il faudra au préalable déterminer le symbole qu’on voudrait lui donner. Soit la continuité dans le sillage du colonialisme, soit le patriotisme et la rupture avec le colonialisme et le néocolonialisme, soit le panafricanisme, terme actuellement en vogue, mais dont la plupart de ceux qui en usent ignorent et l’origine, et la signification réelle.





15- Le panafricanisme ne saurait s’accommoder du néocolonialisme, comme certains agents de l’impérialisme tentent de le faire accepter dans le but de semer la confusion. Le panafricanisme a pour préalable le démantèlement méthodique des éléments d’appui de l’impérialisme. Sans ce préalable, aucune union sérieuse ne peut se faire entre les Africains et entre les Etats africains. Tout au plus pourra-t-on aboutir à des regroupements de façade comme la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (C.É.D.É.A.O.) ou l’Union Africaine (U.A.) qui, de par leur nature, sont condamnés à tourner en rond, à moins de procéder à de profondes réformes en leur sein.



1- En tout état de cause, plusieurs dates se présentent. Ainsi, dans la logique de la colonisation, du colonialisme et du néo-colonialisme, nous avons le 1er mars 1919, date de la création de la colonie de Haute-Volta. Quoiqu’on puisse en dire, cet acte a donné corps et âme au peuple du Burkina Faso. De ce fait, il revêt une grande importance pour le pays. Nous avons aussi le 4 septembre 1947, date de la reconstitution du territoire colonial de la Haute-Volta dans les limites de 1932, et non dans les limites de 1919. Une décision du 28 décembre 1926 amputait en effet le territoire des cercles de Say et de Tera pour les rattacher au territoire du Niger. Il y a également le 11 décembre 1958, date de la proclamation de la République de Haute-Volta, et le 5 août 1960, date de la proclamation de l’indépendance.





17- Dans la logique du patriotisme et de la rupture, nous avons le 3 janvier 1966, date du soulèvement populaire contre la Iere République ; le 4 août 1983, date de l’avènement de la Révolution démocratique et populaire (R.D.P.) ; le 4 août 1984, date du changement du nom du pays en Burkina Faso ; le 30 octobre 2014, date de l’insurrection populaire ; le 31 octobre 2014, date de la démission du président Biaise Compaoré sous la pression populaire ; le 17 septembre 2015, date de la résistance contre le coup d’Etat de Gilbert Diendéré ; le 30 septembre 2022, date de l’avènement au pouvoir du président Ibrahim Traoré avec la renaissance des idéaux de la Révolution.



18- Dans la logique du panafricanisme et de la solidarité africaine, nous avons le 16 septembre 2023, date de la signature de la Charte du Liptako-Gourma ; le 28 janvier 2024, date du retrait de l’Alliance des États du Sahel de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (C.É.D.É.A.O.) dominée et fourvoyée par les puissances occidentales ; le 6 juillet 2024, date de naissance de la Confédération des États du Sahel. Ça pourrait aussi être la prochaine date qui consacrera la naissance de la Fédération des États du Sahel.





19- Bien que très jeune dans l’histoire du temps, le parcours du Burkina Faso est déjà suffisamment émaillé de beaucoup de faits sociaux et historiques importants. A chacun de savoir s’insérer dans l’histoire du pays toujours en marche, et surtout, du bon côté de l’histoire.



20- Vive le Burkina Faso libre et indépendant débarrassé des liens impurs de la sujétion.

La Patrie ou la Mort, nous Vaincrons.



Dr Apollinaire Joachimson KYÉLEM de TAMBÈLA, Premier ministre du Burkina
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