Dans le cadre du dixième anniversaire de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014, le Comité de défense et d’approfondissement des acquis de l’insurrection populaire (CDAIP) a tenu une conférence publique, ce jeudi 31 octobre 2024 à Ouagadougou, réunissant des militants, des chercheurs et des citoyens. La conférence s’est tenue autour du thème « 10e anniversaire de l’insurrection populaire d’octobre 2014 : Leçons et perspectives d’actions pour un véritable changement en sa faveur ».
Il y a dix ans, le peuple burkinabè se levait « avec courage et héroïsme », contre le pouvoir de Blaise Compaoré, après 27 ans de règne. Pour le principal conférencier, Pr Mahamadé Savadogo, l’insurrection populaire d’octobre 2014, constitue un moment « singulier et fort » dans l’histoire du Burkina Faso. En effet, selon le Pr Savadogo, l’insurrection populaire d’octobre 2014 a suscité un élan collectif jamais égalé dans le pays, et des soutien à travers le monde. « L’insurrection populaire a révélé aux Burkinabè qu’ils partagent un socle commun, une forte communauté. Cette communauté ne se fonde pas sur le sexe, la religion, la langue, la conviction sociale et idéologique. Les Burkinabè de toutes parts se sont dressés pour rejeter un régime politique oppressant. Cela a été un moment de solidarité très fort entre les couches sociales du pays », a expliqué le Pr Savadogo.
Mieux, selon le conférencier, l’insurrection populaire a été un moment où « l’unité du peuple » s’est affirmée. « L’insurrection populaire a réuni les citoyens d’un pays face à un ennemi du moment, qui pour le Burkina Faso, a été chassé. Le nombre de ceux qui ont opposé la résistance dépassait largement ceux qui étaient inscrits sur les listes électorales », a soutenu l’enseignant-chercheur de philosophie.
Malheureusement, regrette le Pr Savadogo, « ceux qui sont partis, ceux qui ont été chassés, ont cherché par différentes manières à compromettre la suite des évènements, à obliger le peuple à regretter de les avoir chassés ». Le Pr Savadogo en veut pour preuve, le coup d’État du 17 septembre 2015 dirigé par le Général Gilbert Diendéré, qui a été défait par le même peuple qui voulait tourner la page des coups d’État. « L’échec de ceux qui trouvaient leur compte dans l’ancien régime et qui avaient tenté de le restaurer, a contribué à les rendre encore plus malheureux et mécontents et à aiguiser leur soif de vengeance contre le peuple burkinabè. C’est ainsi que durant l’année 2015, nous allons voir apparaitre les premières actions terroristes. Ça été l’enlèvement d’un responsable de la sécurité le 4 avril 2015 à Tambao, dans la région du Sahel. Entre 2015 et 2018, les évènements vont s’aggraver dans le sens de faire souffrir le peuple burkinabè », a déploré Mahamadé Savadogo. « Des attaques ponctuelles, nous en sommes arrivés à une véritable guerre civile réactionnaire », poursuit-il, soulignant que cette tournure de la guerre a ensuite mis en avant des « motifs religieux, mais dont l’enjeu est la dislocation du territoire burkinabè dans ses limites actuelles ». « C’est-à-dire de descendre du Sahel jusqu’à la Côte », a-t-il révélé. Mais, que faire ?
« Ce qu’il faut, c’est une révolution populaire… »
Face à la situation sécuritaire du Burkina Faso, il y a eu des réactions, dont les deux coups d’État successifs (MPSR-1 et MPSR-2). Cependant, pour le conférencier Mahamadé Savadogo, il faut envisager un « sursaut national », parce qu’en vérité le coup d’État dans sa manière de se dérouler ne prépare pas un peuple. « Le coup d’État se présente comme un complot d’une minorité pour prendre le pouvoir. Personne n’a été préparé à les accueillir et à les soutenir. Ils s’appuient toujours sur des unités de l’armée pour prendre le pouvoir. On se retrouve avec des contradictions à gérer et ils se donnent comme objectifs de contrer les assaillants. Mais comment y arriver si vous n’avez pas préparé, conscientisé le peuple ? Leur réponse, c’est la contrainte. Il faut contraindre le peuple à suivre. Mais vous pouvez le faire, sauf que l’unité du peuple que vous voulez ne s’impose pas, ça ne se décrète pas. C’est quelque chose qui vient de la base et qui monte pour impliquer le sommet. Mais si vous n’avez pas fait ce travail, ça devient compliqué. Les coups d’État visent la préservation du territoire national, mais ils ne peuvent pas engendrer une transformation de la société dans son ensemble. Or c’est ce qui est en jeu dans notre situation. C’est la seule manière de répondre d’une manière radicale à la guerre qui nous est imposée et la rivalité entre les puissances impérialistes pour conquérir le pays », a longuement insisté le Pr Savadogo.
En outre, d’après le conférencier, pour atteindre cet objectif, il faut un mouvement qui part de la base du peuple, pour l’organiser, l’impliquer dans un élan collectif pour résister contre ceux qui l’attaquent. « Si on envisage la question de cette manière, il faut le dire clairement, ce qu’il faut, c’est une révolution populaire dans laquelle le peuple dans son ensemble va se dresser pour imposer des changements dans la société, comme lors de l’insurrection populaire de 2014 », a-t-il défendu.
Par ailleurs, pour l’enseignant-cheurcheur, l’unification du peuple par delà les différentes communautés est la condition pour arriver à contrer la dynamique de destruction qui s’est imposée au Burkina Faso avec l’apparition des terroristes. Et pour cela, confie-t-il, il faut faire appel à des acteurs du changement populaire que sont les organisations démocratique et révolutionnaires. « Nous avons tous les citoyens qui sont préoccupés par la situation du pays. C’est sur ces ressources que nous devons nous appuyer pour aller de l’avant, parce qu’ils vont nous aider à surmonter certains problèmes qui continuent à alimenter le terrorisme : l’ethnicisme, le régionalisme, le fanatisme religieux. En octobre 2014 et en septembre 2015, quand les gens sont sortis, qui s’occupait de la religion de qui ? Qui s’occupait de l’ethnie de qui ? Au contraire, les gens rivalisaient d’ardeur pour participer au mouvement dans toutes les régions », a-t-il soutenu.
Enfin, le CDAIP, représenté par son président, Elie Tarpaga, a appelé à une prise de conscience collective et à une action concertée pour faire avancer les acquis de l’insurrection et bâtir un Burkina Faso où la démocratie et les droits humains sont respectés.