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Art et Culture

SIAO 2024 : les artisans confrontés à la morosité économique

Publié le mercredi 23 octobre 2024  |  libreinfo.net
SIAO
© aOuaga.com par DR (Photo d`archive utilisée juste a titre d`illustration et ne correspond pas forcément avec le contenu de l`article)
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La 17e édition du Salon international de l’artisanat de Ouagadougou (SIAO) aura lieu du 25 octobre au 3 novembre 2024 dans la capitale du Burkina. A quelques jours de cet événement dont le thème est « Artisanat africain, entrepreneuriat des jeunes et autonomisation », libreinfo.net est allé à la rencontre des artisans dans la ville de Ouagadougou. Ils évoquent des difficultés financières qui les empêchent de participer à la fête de l’artisanat de cette année.


Par Issoufou Ouédraogo

D’un artisan à un autre, le constat est le même. La morosité économique, conséquence des difficultés auxquelles ces artisans disent être confrontés, n’est pas de nature à leur permettre de louer des stands pour participer à la 17e édition du Salon international de l’artisanat de Ouagadougou (SIAO). C’est, du moins, ce qui ressort de notre rencontre avec certains d’entre eux dans la ville de Ouagadougou à quelques jours de la biennale de l’artisanat africain.

Il est 10h lorsque nous arrivons à l’atelier de l’artisan Alassane Sanou. Des bruits de marteau, de grattage des œuvres d’art en bronze, se font entendre. Assis au milieu de ses apprentis, il donne des ordres avec fermeté. « Il faut faire vite pour respecter le rendez-vous donné au client surtout que nous avons passé des mois sans rien faire », lance-t-il. Subitement, il s’arrête, nous fixe du regard comme pour nous demander : « Que voulez-vous ?

Nous avons aussitôt compris son intention et lui avons demandé s’il s’activait ainsi pour le SIAO. « Nous attendons les clients qui vont quitter le SIAO pour venir ici. Sinon actuellement, ça ne va pas », fait-il savoir.


Mais « qu’est-ce qui ne va pas ? », lui avons-nous demandé. Avant, dit-il, « nous arrivions à vendre beaucoup. Mais depuis qu’il n’y a plus de touristes blancs et autres étrangers qui nous rendent visite, les objets d’art se vendent au compte-goutte ».

Selon notre interlocuteur, « aujourd’hui, si tu prends un stand de plus de 200 000 FCFA, tu ne pourras pas vendre pour rentabiliser parce que le marché est timide ». Et vous savez, poursuit-il, les nationaux achètent rarement les œuvres d’art et, par conséquent, le marché est morose.

Un peu plus loin est assis l’artisan Xavier Bougouma. Sur la porte de son atelier est collée une affiche de la 17e édition du SIAO. Cependant, il ne le cache pas. « Financièrement, je ne suis pas prêt pour exposer à cette 17e édition du SIAO ».

Et pour cause ! Il avait l’habitude, dit-il, de partager le stand lors des éditions passées avec un ami artisan du Togo qui, cette année, n’a pas encore donner signe de vie. Si les choses restent en l’état, « il me sera difficile de prendre un stand et de participer au SIAO de cette année », affirme-t-il.

Et pour justifier davantage les difficultés économiques, il explique que comparativement au SIAO passé, à l’heure actuelle, on sentait déjà un engouement et les choses bougeaient avec les pays voisins comme le Togo et le Bénin.


Selon ses dires, les artisans de ces pays étaient déjà à Ouagadougou avant le jour J pour faire des réglages avec ceux du Burkina par rapport aux œuvres. Mais cette année, c’est vraiment difficile.

Chez le président de la Vitrine du bronze, Amado Ouédraogo, l’ambiance n’est pas si différente des autres ateliers. Il photographie ses œuvres et objets d’art avec son téléphone portable et les envoie à un de ses amis au Nigéria. Interrogé sur les préparatifs des artisans pour le SIAO 2024, il affirme que cette année, « il y aura peut-être quelques artisans mais pas le plus grand nombre comme aux éditions passées ».

La majeure partie va rester à la Vitrine du bronze car, dit-il, « nous n’avons pas l’argent pour le Salon cette année surtout que les stands ne sont pas à la portée des artisans burkinabè. Avec la situation du pays, c’est très difficile ».

C’est le même constat chez l’artisan Issaka Ouédraogo. « Cette année, je ne pourrai pas participer au SIAO. Je serai au moins un visiteur. Les difficultés financières que je rencontre ne me permettent pas ce luxe », explique-t-il.

« Nous ne sentons pas les préparatifs »
La situation des artisans n’est pas non plus reluisante à Bobo-Dioulasso. C’est ce que nous fait savoir Firmin Sanou venu à Ouagadougou pour acheter des objets d’art. Il fait savoir qu’« il ne sent pas les préparatifs du SIAO à Bobo-Dioulasso». Selon lui, avant, dans la capitale économique, les artisans se mettaient ensemble pour venir participer au SIAO. Mais actuellement à Bobo, les ateliers ferment leurs portes à cause des difficultés, fait-il savoir.


« Les artisans sont en train de passer à autre chose. Quand tu parles du Salon, ça les rend malades. Payez un stand, ce n’est pas facile. L’acheminement des œuvres jusqu’à Ouagadougou est très cher. C’est tout cela qui explique que cette année à Bobo, les artisans parlent moins du SIAO », informe-t-il.

M. Sanou en profite pour lancer un appel aux autorités pour qu’elles étudient la possibilité d’alléger les charges des artisans afin qu’ils puissent prendre part à cette fête de l’artisanat.

« Avant tout, le SIAO c’est pour les Burkinabè. Il faut commencer par les artisans locaux qui vont valoriser le métier avant que les étrangers ne viennent », plaide-t-il.

Baisser le prix de la location des stands
Le président de la Vitrine du bronze, Amado Ouédraogo, explique que les difficultés économiques actuelles des artisans sont dues au contexte sécuritaire du pays. De ce fait, il affirme que des artisans ont échangé avec les responsables de l’organisation du SIAO, comme c’est de coutume à chaque édition.


Malheureusement, ils déplorent le fait que les organisateurs continuent d’augmenter les prix des stands en faisant la comparaison avec d’autres pays. Pourtant, les réalités ne sont pas les mêmes et le Burkina vit une situation sécuritaire difficile pour tout le monde.

C’est la raison pour laquelle M. Ouédraogo plaide pour que la location des stands soit revue à la baisse pour permettre aux artisans burkinabè de vivre pleinement leur fête. Sinon, telles que les choses se passent actuellement, « le SIAO n’est pas fait pour les artisans burkinabè », déplore-t-il, avant d’ajouter qu’il « suffit de faire un tour au SIAO pour comprendre que certains ne font plus de l’artisanat ».

Le président de la Vitrine du bronze déplore beaucoup cette situation. « Il y a de cela dix, quinze ou vingt ans en arrière, si tu arrives au SIAO, ce sont des objets d’artisans que tu trouvais. Mais, depuis quelques années, il y a beaucoup qui n’ont plus exposé des objets d’art et c’est ce qui se prépare aussi cette année », regrette-t-il. « Ce n’est pas intéressant car les visiteurs viennent pour voir des objets artisanaux, mais c’est autre chose qu’ils trouvent », martèle-t-il.

La flambée des prix de la matière première
L’autre difficulté soulevée par les artisans est la flambée des prix de la matière première notamment le cuivre, le zinc et le bronze. Selon Issaka Ouédraogo, la matière première coûte cher de nos jours parce que des Indiens viennent au Burkina pour l’acheter à un prix plus élevé.

Par exemple, les nationaux achètent le kilogramme de bronze à 4 200 FCFA. Mais les Indiens offrent entre 6 000 et 6 500 F CFA pour le même kilogramme. À partir de ce moment, Issaka Ouédraogo explique qu’il ne suffit pas seulement de prendre un stand. Mais derrière l’occupation des stands, il y a les œuvres qui coûtent très cher aux artisans, a-t-il dit. Il donne comme exemple un objet d’art qui pouvait être confectionné à 10 000 F CFA dans le temps. Aujourd’hui, ce même objet revient entre 25 000 et 30 000 F CFA.

Une vitrine de l’artisanat malgré tout
Le SIAO, malgré les difficultés du pays, reste une vitrine pour les artisans burkinabè et du monde entier pour montrer leur savoir-faire. Pour la 17e édition qui s’ouvre cette semaine, plus de 2 000 exposants, des acheteurs et des visiteurs en provenance de plusieurs pays d’Afrique et du monde sont attendus à Ouagadougou, selon le Comité d’organisation.
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