D.W., vivant avec deux femmes en union libre et plusieurs enfants, a comparu devant la chambre du Pôle judiciaire spécialisée dans la répression des actes de terrorisme au Tribunal de grande instance Ouaga 2, le mardi 24 septembre 2024. Il est prévenu de financement du terrorisme. En l’espèce, il a usé de sa liberté pour exécuter des courses d’achat de vivres et de carburant pour son « ami D.A. », activement recherchés pour des faits d’actes terroristes, dans la région de la Boucle du Mouhoun. Reconnu coupable, D.W va purger une peine de 7 ans de prison.
Les sources de financement du terrorisme sont nombreuses. En partie, les terroristes se nourrissent de complicité de personnes à leur guise dans la société. C’est le cas du prévenu D.W. En effet, ce jardiner de profession s’est rendu coupable des faits de financement du terrorisme. En l’espèce, la justice reproche à D.W. d’avoir vendu des marchandises, acheté des vivres et du carburant au profit d’un membre d’un groupe terroriste. Le prévenu a été arrêté en possession de la moto appartenant au « terroriste recherché, D.A. ». Il a été placé sous mandat de dépôt le 20 juillet 2023.
Selon les faits, D.A., bien connu dans un village situé dans la région de la Boucle du Mouhoun, s’est rallié à un groupe armé terroriste. Ne pouvant plus paraître en public à Dedougou, ce dernier utilisait son « ami », D.W., pour effectuer ses courses.
D.A., a même laissé sa moto entre les mains de D.W., laquelle moto sert de moyen de déplacement pour le prévenu D.W. pour effectuer les courses. Pourtant, le prévenu dispose d’une moto à lui. Pourquoi vous n’utilisez pas votre propre moto ?, questionne la chambre au prévenu. « Ma moto n’est pas en bon état. Donc quand je veux effectuer une course, je pars prendre la moto de D.A. », a expliqué le prévenu à la barre, de corpulence au dessus de la moyenne, environ 1,73 m, tee-shirt orange, pantalon jean, tête et barbe coiffées.
Le prévenu se défend qu’il n’exécute nullement des courses pour D.A., mais qu’il s’agit bel et bien de lui-même ses propres courses : « la vente des oignons issue de [son] jardin pour nourrir [sa] famille ».
D.W. tombe dans le piège des juges
Serein dans ses bottes, le prévenu niait avoir effectué le moindre acte contraire à la loi. Cependant une réponse à une question de la chambre va faire tomber la ligne de défense du prévenu.
« Est-ce que quand on vous a arrêté, D.A. est venu vous voir ? Il vous a appelé ? », demande la chambre au prévenu. « Non. D.A. n’est pas venu me voir une seule fois. Comme lui-même, il n’est pas clair, je crois que c’est pour ça. Sinon normalement, il devrait venir me voir ne serait-ce que pour sa moto. Si c’était moi qui était à sa place, j’allais aller le voir », a répondu le prévenu D.W.
Une réponse qui a fait réagir la chambre. « Voilà ! C’est ce qu’on vous reproche. Puisqu’il sait qu’il ne peut pas venir à Dedougou, donc il vous envoie payer du carburant et des vivres pour lui. Vous-même vous dites qu’il n’est pas clair non ? », a répliqué la chambre. « C’est vrai que ce n’est pas une bonne personne, mais je n’ai pas fait ce genre de course pour lui », a répliqué le prévenu.
La chambre saisissant encore ces nouvelles déclarations a demandé au prévenu, pourquoi il affirme que « D.A n’est pas une bonne personne ? ». Le prévenu a gardé le silence, avant de répondre qu’il ne sait « vraiment pas puisqu’il disparaissait et ne revenait plus au village ni en ville ».
Pour le procureur, le comportement du prévenu ressemble à celui des terroristes. En effet, le procureur a révélé que le prévenu D.W. n’avait pas de téléphone portable. « Pourquoi n’en avez-vous pas ? », demande le procureur au prévenu. Question à laquelle D.W répond qu’il ne sait pas les manipuler n’ayant pas été scolarisé. En gros, il avance qu’il ne maîtrise pas les smartphones. Le procureur lui demande alors si ce n’est pas parce que D.A. lui a dit de ne pas aller à Dédougou avec un téléphone. Le prévenu a répondu par la négative.
Poursuivant, le procureur fait savoir que les fréquences du prévenu à Dedougou, soit 3 fois au moins dans la journée, avec la moto de D.A. pour des achats et faire le plein en carburant est douteuse.
Selon le Procès verbal d’un témoin, dont le tribunal a gardé l’identité secrète pour des raisons de sécurité, il y est révélé que c’est le prévenu D.W. qui effectuait « toutes les courses de D.A. ».
Le témoin dit en substance : « Je l’ai plusieurs fois interpellé par l’entremise des conseillers de la mairie pour qu’il arrête d’aider D.A. Le conseiller m’a dit que plusieurs personnes sont déjà intervenues auprès de lui sans succès ». Un autre témoignage similaire porte des accusations sur le prévenu. Confronté, le prévenu a balayé du revers de la main ces accusations.
Pour le procureur, même si le prévenu tente de nier sa proximité avec D.A, tous les témoignages disent le contraire : « il a été averti, dissuadé de fréquenter D.A., membres d’un groupe terroriste. Mais vu qu’il détenait la moto de ce dernier, il s’agissait, pour lui, d’un devoir de reconnaissance. Et c’est pendant qu’il tentait d’exécuter une course de D.A, qu’il a été pris la main dans le sac en train de vouloir aller vendre des oignons avec la moto de D.A. », a précisé le parquet.
Pour le procureur, D.W., peut dire qu’il a été utilisé, mais dans pareil cas, après plusieurs interpellations, il se devait de vérifier les informations et faire attention. Et le fait, d’acheter couramment des vivres, les fréquences à laquelle il mettait de l’essence, n’a pas laissé indifférent le parquet. Il ne détenait pas un téléphone non plus. « Il n’ignorait pas les actes des terroristes qui sévissaient dans la zone. Il avait un minimum d’information sur les terroristes. Mais malgré ça, il a continué son aide à D.A. Pis, il n’est pas allé dénoncer ce dernier », a fait remarquer le parquet.
Selon toujours le procureur, les actes de financement du terrorisme sont punissables par l’article 361-23 du code de procédure pénal. L’Article 118 de la loi portant sur le financement du terrorisme, lui indique que pour une telle infraction, il n’est pas prévue une peine assortie de sursis.
« Qu’ils (les juges, ndlr) vous plaisent de maintenir le prévenu dans les liens de la prévention et de l’en condamner à une peine de prison de 7 ans et 7 millions de F CFA, le tout ferme », a requis le parquet.
« Vraiment, je n’ai rien fait. J’ai même des problèmes pour nourrir ma famille. Je vous demande pardon de me libérer », a demandé le prévenu dans son mot de fin.
Le Tribunal, statuant publiquement, après débat contradictoire, suivant la procédure en matière correctionnelle et en premier ressort a déclaré D.W. coupable des faits de financement du terrorisme. En répression, les juges, ont condamné D.W. à une peine d’emprisonnement de 7 ans ferme et 16 millions de F CFA d’amende. La chambre a condamné, en outre, le prévenu au dépens.
Conformément à la loi en vigueur, le prévenu dispose de 15 jours pour faire appel de cette décision de justice.