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Amidou Traoré, Secrétaire général des meuniers du Burkina Faso : « Nous allons acheter l’intégralité du blé produit au Burkina »

Publié le lundi 26 aout 2024  |  Sidwaya
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Le gouvernement de la Transition a suspendu l’importation de la farine de blé et a pris des initiatives pour encourager la production du blé au Burkina Faso au grand bonheur des meuniers. Le Secrétaire général (SG) de l’association des meuniers du Burkina Faso, Amidou Traoré, par ailleurs directeur des Grands moulins de Mê à Bobo-Dioulasso, loue à travers cette interview les différentes décisions prises pour promouvoir la filière blé au Burkina Faso.

Sidwaya (S) : Le gouvernement a pris une mesure de suspension de l’importation de la farine de blé. Comment trouvez-vous cette décision ?

Amidou Traoré (A.T) : Je vais commencer par dire un grand merci aux autorités d’avoir pris cette décision de suspension de l’importation de la farine de blé. Cela montre que le gouvernement se soucie des efforts fournis par les industriels et encourage également les populations et les investisseurs de notre pays. C’est une très bonne décision parce que ce n’est pas seulement dans notre pays que ça se passe.

Même les grandes puissances et certains pays limitrophes protègent leurs industries, dans la mesure où quand nous essayons d’exporter vers les pays limitrophes, nous faisons face à certaines difficultés parce qu’il est souvent impossible de traverser les frontières, en toute légalité. Je remercie du fond du cœur toutes les personnes qui ont vraiment réfléchi à suspendre l’importation de la farine de blé. Il y a des usines ici au Burkina Faso qui ont des capacités dépassant celles des pays limitrophes.

Ces usines font de la qualité qui n’a rien à voir avec celle de ces pays voisins. Alors, ne pas suspendre l’importation de la farine voudrait dire que nous n’avons pas de politique d’industrialisation et de développement alors que l’industrialisation est le seul poumon qui peut permettre au pays d’émerger, d’employer, d’innover ou de se développer. Je dis merci à nos responsables.

S : Est-ce que nos moulins ont la capacité de produire suffisamment de la farine de blé pour le marché local ?

A.T : Comme je vous ai dit tantôt, nous avons des capacités dépassant le besoin du pays en farine de blé. Est-ce que vous avez entendu dire qu’il y a une pénurie de farine de blé sur le marché ? Au sein de l’association des meuniers du Burkina Faso, nous produisons au bas mot entre 300 à 350 000 tonnes de farine par an.

On dit souvent que l’expérience vaut mieux que la science. Les autorités n’ont pas pris cette décision à l’aveuglette. Elles savent bien ce qu’elles font. La suspension comme l’interdiction ne sont que des jeux de mots. Elles vont voir sur le terrain si les industries qui y sont installées sont à la hauteur pour satisfaire le marché. Elles vont jauger et voir s’il faut lever temporairement cette suspension ou pas.

L’essentiel est ce qui se passe sur le terrain. Si la population est satisfaite de la qualité et de la quantité de la farine produite au Burkina Faso, je pense que le problème est réglé. Notre souhait est qu’on puisse continuer à satisfaire ce besoin en farine de blé de notre
population. Et si les choses se passent bien, le gouvernement pourra prendre la décision d’interdire définitivement l’importation de la farine de blé au Burkina Faso.

S : Le gouvernement encourage la production du blé au Burkina Faso. Comment trouvez-vous cette initiative ?

A.T : Je pense que le président de notre union a pris l’engagement d’accompa-gner la production du blé au Burkina Faso. Nous nous engageons, en tant que meuniers, à acheter l’intégralité de tout ce qui sera produit comme blé au Burkina Faso. C’est un débouché très important pour le paysan qui sait que le blé qu’il va produire a déjà un acheteur bord champ. Il n’aura même pas besoin de faire des kilomètres pour vendre ses produits. Nous allons demander à l’association paysanne qui encadre ces producteurs de blé, d’apporter le blé une fois récolté juste au bord des grandes voies pour que les camions ne rentrent pas dans leurs champs. Et vous savez, le développement commence par ce genre de comportement.

S : Pensez-vous que les paysans pourront satisfaire vos demandes en blé ?

AT : Le blé est une céréale qui a fait son apparition en Egypte au temps des pharaons. Donc, il est d’origine africaine et non européenne. Le premier blé s’appelait à l’époque « khamon » qui était le nom du pharaon Toutankhamon. Ce sont les Romains qui sont venus, avec les conquêtes, prendre ces céréales et les envoyer en Europe. On peut bien cultiver le blé au Burkina Faso et partout sauf qu’il faut trouver des bonnes
variétés.

La variété qui va bien pousser dans les pays comme l’Ukraine, le Canada, ou les USA ne sera pas la même variété qu’il faut au Burkina Faso. Il faut trouver des variétés qui donnent de bons résultats et je pense qu’avec ces variétés nous allons faire nos pas progressivement. Rien n’est impossible. Nous avons des éminents agronomes et des chercheurs ici. Il faut trouver des variétés qui vont nous donner satisfaction.

Quand nous prenons le blé, on parle de poids spécifique du grain qui détermine la quantité de l’amidon à l’intérieur. D’autres éléments entrent en ligne de compte comme le taux de protéine ou la force boulangère. Jusque-là les différentes variétés qui ont été produites au Burkina Faso et que j’ai moi-même analysées et écrasées montrent que le blé est accep-table. Certes le blé donne de petits grains, ce qui veut dire que le poids spécifique est assez faible et donc pas assez d’amidon. Mais ce blé a un autre avantage.

Le taux de protéine et la force boulangère sont assez élevés à cause du soleil. C’est le climat qui fait que le grain est petit.
Il faut alors trouver des variétés qui vont nous donner des poids spécifiques, des taux de protéine et une force boulangère acceptable. Nous n’allons peut-être pas avoir dès les premières années de bons rendements, mais au fur et à mesure, nous allons atteindre des rendements assez satisfaisants.

A titre d’exemple, quand le Nigeria a commencé à produire le riz il y a une dizaine d’années de cela, il ne pouvait même pas atteindre 1 ou 2 tonnes à l’hectare. Mais aujourd’hui, le Nigeria produit 6 à 7 tonnes de riz à l’hectare. Ce qui fait que la balance
a tourné. L’importation faisait 80% et la production locale 20%. Mais aujourd’hui c’est l’inverse. La production locale fait 80% et l’importation 20%.

Le pays est parvenu à ce résultat parce que le gouvernement a décidé de promouvoir cette culture en accompa-gnant les paysans et en encou-rageant les industriels à investir. Notre pays est un pays à vocation agricole. Le Burkinabè est reconnu être un gros travailleur. Il faut alors encadrer les paysans, les organiser et négocier les transactions entre paysans et industriels.

Il faut également asseoir des structures pouvant encadrer de manière à optimiser les récoltes en faisant des recherches sur les variétés. Ça peut être un débouché, c’est-à-dire pouvoir produire ce que nous allons consommer. Toute économie commence par ce niveau.

S : Le problème que rencontrent beaucoup de producteurs est l’écoulement de leurs produits. Pouvez-vous rassurer les paysans que le blé qui sera produit sera acheté ?

A.T : L’ensemble des meuniers se sont exprimés sur cette question par la voix de notre président qui a donné la garantie que toute la quantité de blé qui sera produite sera achetée par l’union des meuniers du Burkina Faso. Le ministère en charge de
l’agriculture, à travers sa cellule production de blé, est en train de travailler pour mettre un protocole d’accord dans ce sens. A travers ce protocole, nous allons communiquer avec les producteurs de blé et leur dire ce que nous voulons. A leur tour, ils vont essayer de nous satisfaire et nous allons évoluer petit à petit pour arriver à des résultats satisfaisants pour chacun.

S : Quel message avez-vous à l’endroit du gouvernement et de la population pour que la filière blé se porte bien au Burkina Faso ?

A.T : Nous aurons toujours besoin de notre gouvernement. Nous avons un défaut dans ce pays. Ce défaut est que nous ne voulons pas accepter d’affronter nos réalités au quotidien. Il faut dire aux paysans de produire du blé et en face il y a des industries qui vont consommer. L’exemple du Nigeria dans la production du riz prouve qu’on peut y arriver.

Nous devons alors travailler à soutenir le gouvernement dans cette décision. Ne soyons pas des blocages pour les bonnes actions. Soyons des patriotes. Chacun dans sa responsabilité, doit jouer sa partition. Je suis un industriel.
J’ai ma part à jouer. Le paysan aussi a sa part à jouer, ainsi de suite. C’est tout un ensemble. C’est ce qui fera donc réussir ce que le gouvernement prend aujourd’hui comme action positive entrant dans le cadre du développement de notre pays. Je veux dire au gouvernement de nous soutenir surtout au niveau de l’éducation.

Je suis un industriel. Je connais les difficultés que je rencontre, c’est la formation de qualité au niveau de nos universités polytechniques. Il ne faudra pas que la formation soit seulement théorique. Il faudra que les écoles polytechniques puissent faire la pratique à un certain niveau des études, de telle sorte que la pratique soit égale ou supérieure à la théorie afin que les étudiants qui sortent de ses écoles polytechniques puissent être aptes directement à occuper des postes de responsabilité dans nos usines.

L’industrie n’est pas seulement la transformation. Même au niveau de l’agriculture il y’a l’industrie. Les champs sont une industrie. Nous avons aujourd’hui des machines qui travaillent dans les champs. Il faut des compétences pour pouvoir manipuler ces machines, les dépanner et guider le paysan à pouvoir utiliser ces équipements. C’est ce qui va nous amener à faire de l’agriculture expansive.

Pour ce faire, je demande au gouvernement de continuer à veiller sur ce qui est bien pour le Burkina Faso, pas seulement en industrie.
Je demande aussi à l’ensemble du peuple burkinabè, surtout aux consommateurs, d’aimer ce qui se fait chez nous afin de nous aider à travailler à aller de l’avant et à travailler pour notre pays. Quand on importe tout, cela veut dire qu’on ne crée pas de l’emploi dans notre pays. Il faut arriver à transformer tout ce qui peut être utile pour nos populations.

Il n’y a pas que l’alimentaire. Il y a aussi la métallurgie, le vestimentaire ou le cosmétique.
Je pense que déjà le gouvernement a montré des couleurs. C’est maintenant à la population et aux investisseurs de pouvoir l’accompagner. J’appelle aussi les Burkinabè à s’aimer. Je pense que si on s’aime et qu’il y a l’amour fraternel, beaucoup de choses vont se régler d’elles-mêmes, notamment la question de sécurité. Si on s’aime réellement, on ne permettra pas à quelqu’un de venir troubler notre quiétude.


Adaman DRABO
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