En cette saison des pluies, la plupart des établissements sanitaires de Ouagadougou enregistre de nombreux cas de paludisme. C’est le constat que nous avons fait dans des Centres de santé et de promotion sociale (CSPS) de la capitale burkinabè.
Par Issoufou Ouedraogo
Le Centre de santé et de promotion sociale (CSPS) représente le premier niveau de soins ou premier contact de base du système de santé au Burkina. En ce mois d’août, nous avons fait un tour dans des centres de santé où nous avons été confronté à la recrudescence des cas de paludisme.
Dans un des CSPS, notre attention est attirée par des pleurs et des vomissements entrecoupés de cris d’une mère qui se font entendre depuis la salle de consultations.
Il s’agit d’un nourrisson qui a perdu connaissance et dont le cas a mobilisé toute l’équipe pour une prise en charge rapide. Fort heureusement, le nourrisson est revenu à la vie.
La mère du nourrisson, Mme Kaboré, pousse un ouf de soulagement et explique : « c’est depuis hier nuit que mon enfant a commencé à vomir et a même refusé de manger.». Et c’est quand la fièvre augmentait, poursuit-elle, que je l’ai emmené au centre de santé.
Assana Sawadogo, quant à elle, n’a pas attendu que son cas s’aggrave pour venir se faire consulter. Selon elle, c’est dans la nuit qu’elle a senti des courbatures, de la fatigue et des douleurs.
«Je me suis donc empressé de venir à la consultation ce matin pour me faire examiner», déclare-t-elle, soucieuse de son état de santé.
Mais elle indique que le paludisme étant une maladie grave, il serait mieux de le prévenir que de le guérir.
Dans un autre centre de santé, le constat est quasiment le même. Le paludisme est la maladie pour laquelle les patients sont nombreux à se faire consulter. Dans la salle d’attente de ce centre, chacun, dans le calme attend son tour de consultation.
Mais tout un coup, un jeune homme est transporté dans la salle. Il peine à tenir sur ses jambes et se tord de douleur.
Face à cette urgence, il est immédiatement pris en charge par l’agent consultant qui diagnostique un cas grave de paludisme qui nécessite « hospitalisation».
C’est alors que se désole un des accompagnants du patient : « il refuse de dormir sous une moustiquaire sous prétexte que s’il y dort, il est dans une sorte de boîte et qu’il n’arrive pas à respirer».
Selon le ministre de la Santé, Dr Lucien Robert Kargougou, le Burkina enregistre environ plus de 10 millions de cas de paludisme par an avec au moins 4 000 décès.
Et pour lutter contre cette maladie, le Burkina va acquérir le vaccin R21 développé par des chercheurs burkinabè, dont le chef d’équipe de chercheurs de l’Unité clinique de Nanoro, le Professeur Halidou Tinto, l’un des 10 scientifiques qui ont marqué l’année 2023.
Les conseils des agents de santé
Après avoir vécu cette situation difficile, Mme Kaboré, mère du bébé sauvé par les agents de santé, indique qu’elle vient d’être édifiée parce qu’ayant vu les conséquences du non-respect des conseils donnés par les agents de santé dans la prévention de cette maladie.
Elle dit avoir pris la résolution de respecter les consignes et les recommandations des agents de santé allant dans le sens de la prévention du malaria.
L’agent de santé Adeline Tapsoba au service de consultations dans un CSPS confirme, en effet, que « ce sont des cas de paludisme qui constituent actuellement la plus grande partie de nos consultations».
Et sa collègue de la santé d’un autre CSPS, Rachelle Kaboré, de renchérir que les cas de paludisme sont toujours récurrents en cette période des pluies.
Pour réduire l’incidence du paludisme chez les enfants, le Burkina a, depuis 2014, adopté la chimio-prévention du paludisme saisonnier (CPS+). Et selon le ministère de la Santé, 4 700 000 enfants de 3 à 59 mois vont bénéficier de médicaments pour prévenir la survenue du paludisme sur la période de juin à novembre 2024.
La campagne de chimio-prévention, pour le premier passage, a eu lieu du 28 au 1er juillet 2024 dans les districts sanitaires du Burkina. Le quatrième passage aura lieu du 20 au 23 septembre 2024. Cette campagne, selon l’agent de santé Rachelle Kaboré, est très efficace.
«Chez les enfants de 3 à 59 mois, l’État burkinabè a fait vraiment beaucoup d’efforts, car tous les enfants qui ont eu la chance de commencer cette campagne CPS+ depuis le début jusqu’à maintenant, ne souffrent plus du paludisme». Et c’est la campagne la plus réussie au Burkina, selon l’agent de santé Rachelle Kaboré.
Dans cette même dynamique, et dans le cadre de la lutte contre le paludisme, le ministère de la Santé a distribué 14 millions de moustiquaires imprégnées à longue durée d’action (MILDA) en 2022.
Un détour chez les tradipraticiens
Certains citoyens préfèrent s’orienter vers les tradipraticiens pour s’approvisionner en feuilles et en racines des plantes pour se prémunir du paludisme. Au marché de Tolse Yaar de Kalgondin, sous un hangar où sont exposées sur une table des feuilles et des racines, Boukare Piga explique l’efficacité de ses produits dans la prévention du paludisme.
«C’est mon travail et quand quelqu’un vient pour demander des racines d’arbres ou des plantes et des feuilles pour prévenir le paludisme, je sais ce qu’il faut lui donner», déclare-t-il. Mais il déplore le fait que certains clients ne respectent pas «la posologie». Or, dit-il, il faut la respecter pour que le traitement soit efficace.
Selon Alizèta Sandaogo, il existe des plantes pour prévenir le paludisme. A l’entendre, il suffit, par exemple, de les faire bouillir et d’en prendre un verre le matin et le soir trois fois dans la semaine.
Sur sa table de vente se trouvent des variétés de plantes et d’écorces pour prévenir le paludisme mais il faut surtout «respecter leur mode d’emploi», conseille-t-elle
Boukare Pîga et Alizèta Sandaogo rappellent que l’utilisation des plantes dans la prévention du paludisme ne va pas à l’encontre des prescriptions médicales.
« Le but poursuivi par nous tous, c’est de lutter contre le paludisme et de contribuer à la bonne santé de la population», précisent-ils.
Le respect des conseils passe mal dans certains quartiers
Selon l’agent de santé d’un des centres, beaucoup de parents qui sont dans les zones de Ouaga 2000 (un quartier huppé de Ouagadougou) sont ceux qui viennent avec leurs enfants pour les campagnes de prévention.
Par contre, « ce sont ceux des quartiers difficiles avec les eaux stagnantes qui refusent de venir avec leurs enfants pour ces mêmes campagnes préventives de lutte contre le paludisme », fait-il savoir.
De plus, il est conseillé à la population de dormir sous moustiquaires mais beaucoup ne prennent pas ce conseil au sérieux. Très peu de personnes le font et elles sont épargnées du paludisme.
Les conseils donnés sont pris en compte par ceux qui le veulent. « Nous ne sommes pas avec eux. Nous leur demandons de porter des habits qui couvrent le corps la nuit, d’utiliser les pommades anti moustiques.
Il y a des gens qui prennent en compte nos conseils mais d’autres les négligent», ajoute l’agent de santé.
Des agents même vont de porte en porte, dans les ménages, précise-t-elle, pour montrer la façon dont il faut attacher les moustiquaires et la manière de détruire les gîtes larvaires. «Mais là aussi, dit-elle avec désolation, certains n’y adhèrent pas aussi.»
Face à ces poches de résistance, les agents de santé disent que la campagne de chimio- prévention du paludisme saisonnier reste la meilleure méthode. Grâce à cette campagne, les enfants ont été épargnés par la maladie, selon les agents de santé. Mais certains parents ont du mal à écouter et à suivre les recommandations.
Il est demandé aux uns et aux autres, selon les agents de la santé, de faire dormir les enfants sous moustiquaires imprégnées toutes les nuits, tous les jours durant toute l’année. Couvrir les jarres ou barriques et renouveler l’eau assez régulièrement afin que les moustiques ne se reproduisent pas à l’intérieur font aussi partie des habitudes à adopter.
Il faut également boucher les trous et crevasses pour éviter la stagnation des eaux de pluie et éliminer les objets pouvant contenir lesdites eaux. Il faut utiliser aussi des pommades anti moustiques et surtout détruire les gîtes larvaires.