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Au Burkina, la répression du régime réduit la population au silence

Publié le jeudi 8 aout 2024  |  AFP
La
© Autre presse
La ville de ouaga
Les maquis prolifèrent dans la ville de Ouagadougou.
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Journalistes, oficiers, acteurs de la société civile: ces derniers mois, les enlèvements de personnalités jugées critiques du régime militaire au Burkina Faso se sont accélérés. De quoi instaurer un climat de terreur au sein de la population.

Cette politique est notamment appuyée sur les réseaux sociaux par des militants pro-junte qui dénoncent publiquement ceux qu’ils qualifient "d’apatrides", en opposition à des "patriotes" loyaux au régime du capitaine Ibrahim Traoré.

Depuis l’arrivée de ce dernier par un coup d’Etat en septembre 2022, la répression s’est accentuée, en particulier contre ceux qui pointent l’absence de résultat contre les jihadistes, que le capitaine Traoré avait promis d’éradiquer en quelques mois.

"On a observé une répression accrue de toutes voix indépendantes ou critiques vis-à-vis des
autorités, dans un contexte sécuritaire extrêmement fragile, où la lutte contre le terrorisme justifie toute violation des droits humains", afirme à l’AFP Ilaria Allegrozzi, chercheuse sur le Sahel à Human Rights Watch.

Le mode opératoire est souvent le même: des hommes en civil se présentant comme des agents du renseignement (ANR) interpellent les individus, souvent en plein jour, à Ouagadougou ou ailleurs.
Puis, les familles n’ont plus de nouvelles, des jours, des semaines, voire pour certaines des
mois.

Parfois, les individus réapparaissent et sont formellement incarcérés. D’autres refont surface
en tenue militaire, "réquisitionnés" pour aller au front combattre les jihadistes.

"C’est une stratégie utilisée par la junte pour réduire au silence toute dissidence. La junte veut les soumettre à des épreuves, les punir pour avoir critiqué. C’est illégal et cruel", pointe Ilaria Allegrozzi, qui évoque "un climat d’impunité" au sein du régime.

La dernière vague de kidnapping, il y a une semaine, a concerné la course à l’élection du président...de la fédération de football, où le régime veut placer son candidat.

Trois soutiens d’un rival, Ali Guissou, ont été successivement enlevés.

"La tyrannie n’épargne personne. Parce qu’on veut imposer des choix, on tyrannise les autres, on embastille ou fait muter loin de Ouagadougou. Jusqu’où irons-nous ?", déplore Emmanuel Sawadogo, un collaborateur de M. Guissou.

Un mois plus tôt, ce sont quatre journalistes et chroniqueurs de premier plan qui ont tour à tour disparu, deux d’entre eux ont été enlevés par des hommes de l’ANR, selon Reporters sans frontières (RSF) qui assure qu’il est "clair" que les autorités "ont une part de responsabilité dans leur disparition".

Leur point commun: avoir enquêté sur des dérives du régime ou émis des réserves sur la politique menée par les autorités.

Selon RSF, l’un d’eux, Atiana Serge Oulon, est "vraisemblablement enrôlé dans l’armée" alors que les proches des trois autres sont sans nouvelles depuis leurs disparitions.

- "Exil forcé" -

Depuis plus d’un an, ces enlèvements ou arrestations ont aussi concerné des leaders de la société civile comme le célèbre avocat Guy Hervé Kam, arrêté trois fois en six mois, ou des oficiers comme l’ex-chef d’état-major de la gendarmerie Evrard Somda.

La junte les accuse de "complot" ou de "tentative de déstabilisation des institutions républicaines".

Résultat: nombreux sont ceux qui fuient le Burkina Faso vers des pays voisins pour éviter de disparaître à leur tour.

"Cet acharnement des autorités militaires a contraint les plus chanceux à l’exil forcé", note Moussa (*), un ancien fonctionnaire qui explique à l’AFP avoir quitté le Burkina Faso "depuis janvier" pour se "prémunir de telles dérives autoritaires".

"Dans un pays où la critique, même objective ou constructive, est réprimée et toute voix contraire traitée d’apatride" et vue comme "une sorte d’ennemi du régime, donc du pays selon eux, il vaut mieux prendre du recul", soupire-t-il.

Un autre exilé, qui dit avoir échappé de justesse à un kidnapping et qui souhaite lui aussi garder l’anonymat, estime que "le pays est réduit au silence".

"Personne n’ose dire mot au risque d’être enlevé pour une destination inconnue", souligne t-il, qui estime que la "guerre contre le terrorisme" se gagnera "dans une union sacrée des fils et filles plutôt que dans cette omerta et cette chasse aux sorcières".

Les organisations de la société civile au Burkina continuent régulièrement à dénoncer ces enlèvements.

La communauté internationale, elle, se fait silencieuse sur le sujet.

"Même au niveau continental, il n’y a pas beaucoup de voix qui se sont levées.

La Commission des droits de l’Homme de l’Union africaine n’a jamais soulevé la question du Burkina dans son agenda", déplore Mme Allegrozzi.

En visite fin juillet au Burkina Faso, la secrétaire générale adjointe des Nations unies, Amina Mohamed a réafirmé l’engagement de l’ONU à "poursuivre ses interventions" et à continuer à "travailler en partenariat avec le gouvernement et le peuple" burkinabè.

str-pid/bam/emd
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