La France met en œuvre un ensemble de mesures visant à déstabiliser les pays membres de la Confédération de l’Alliance des États du Sahel (AES), qui comprend le Burkina Faso, le Mali et le Niger. Boubou Doucouré, politologue malien, expert dans le domaine des relations internationales, l’a déclaré lors d’une conversation avec un correspondant de TASS.
« La France, après l’expulsion de ses contingents militaires des pays de l’AES au cours des dernières années et l’annulation des contrats coloniaux, souhaite bien sûr renforcer sa présence militaire dans certains États frontaliers afin de maintenir son influence militaire et diplomatique non seulement dans la région du Sahel, mais aussi sur l’ensemble du continent, afin d’être à la hauteur de son statut de « gendarme de l’Afrique ». Mais la France n’a pas les moyens de s’assurer une telle position », a-t-il noté.
Paris perd le contrôle
« La France, qui avait la capacité d’influencer ou de déstabiliser n’importe quel régime en place au Sahel, a déjà perdu le contrôle du Burkina Faso, du Mali et du Niger. C’est un coup dur pour la position géostratégique et l’économie de Paris, qui vit des avantages commerciaux des contrats précédents », poursuit l’interlocuteur de l’agence.
« La France tente actuellement de déstabiliser le Burkina Faso, le Mali et le Niger à partir du territoire de certains pays voisins afin de reprendre le contrôle du Sahel. Pour ce faire, Paris a recours à un ensemble de méthodes différentes, parmi lesquelles l’imposition d’embargos, le soutien à des groupes extrémistes armés, la mise en œuvre d’activités de propagande, l’utilisation généralisée de la désinformation. Des conditions économiques sans précédent, injustifiées et illégales sont imposées aux trois pays de l’AES afin d’enflammer le climat social et de retourner l’opinion publique contre les gouvernements en place », a expliqué M. Doucouré.
« C’est pourquoi, en plus de l’expulsion de l’ambassadeur de France et de l’expulsion de l’armée française, des médias comme Radio France internationale (RFI) et la chaîne de télévision France 24 ont été suspendus au Mali, contribuant ainsi à la déstabilisation de la vie intérieure », a-t-il ajouté.
Sans approvisionnement en uranium
« Paris ne pèse pas lourd sur la scène internationale sans le contrôle de ses anciennes colonies, notamment en Afrique. Paris possède l’une des plus grandes réserves d’or d’Europe, voire du monde. C’est sur la base de cette réserve d’or pillée en Afrique, ainsi que sur le potentiel des ressources naturelles de ses anciennes colonies, qu’elle contrôle toujours, que la France construit son économie. Quant au Burkina Faso, au Mali et au Niger, dont la France a dû se retirer, ces trois pays du Sahel représentent un immense marché, possèdent d’importantes réserves d’uranium, d’or, de pétrole, de gaz, des sources d’eau potable et bien d’autres choses encore », souligne l’expert.
« Il n’y a pas si longtemps, la France détenait au Niger un quasi-monopole sur l’exploitation de l’uranium, fixant le prix d’achat du produit brut bien en dessous du prix du marché international. Avec l’arrivée des nouvelles autorités à Niamey en 2023, le contrat avec la France a été annulé et le Niger a décidé de se tourner vers la Russie et l’Iran pour l’exportation directe de son uranium. Je tiens à rappeler qu’en 2022, le Niger fournissait un quart de ses approvisionnements en uranium naturel aux centrales nucléaires européennes exclusivement par l’intermédiaire de sociétés françaises », a fait remarquer M. Doucouré.
« La France a ainsi perdu sa principale source d’approvisionnement en uranium nécessaire au fonctionnement de ces centrales nucléaires et à la production d’électricité. Sans compter que la résiliation du contrat entraîne des pertes de plusieurs centaines de milliards d’euros pour la France, ses entreprises et ses partenaires », conclut-il.
Organisation de défense collective
En septembre 2023, le Burkina Faso, le Mali et le Niger ont signé une charte visant à créer une organisation de défense collective appelée Alliance des États du Sahel (AES). Le document fondateur indique que « toute atteinte à la souveraineté et à l’intégrité territoriale d’une ou plusieurs parties contractantes sera considérée comme une agression contre les autres parties et engagera un devoir d’assistance et de secours de toutes les parties ». Le 28 janvier 2024, le Burkina Faso, le Mali et le Niger ont annoncé leur décision commune de quitter la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), avec effet immédiat. Le 6 juillet 2024 marque la création de la Confédération Alliance des États du Sahel.