À l’occasion de la célébration du 41e anniversaire de l’avènement de la révolution démocratique et populaire (RDP), votre media, Minute.bf, a rencontré l’un des porte-étendard de l’idéal sankariste. Lianhoué Imhotep Bayala, puisque c’est de lui qu’il s’agit, dans cette interview qu’il a accordée à Minute.bf, jette un regard critique sur les 41 ans de l’idéal Sankara. Tout en reconnaissant que le sankarisme est aujourd’hui galvaudé, il donne des précisions sur le projet de construction du mausolée Thomas Sankara et revient sur les récents déboires du comité du Mémorial avec la famille Sankara. Il établit également des points de convergences et de divergences entre les Capitaines Sankara et Traoré. De même, il invite le peuple burkinabè notamment le président Ibrahim Traoré à être « téméraire » et ne jamais céder aux chantages de « l’impérialisme international et ses sbires ». Lisez plutôt !
Minute.bf : 41 ans après l’avènement de la Révolution démocratique et Populaire (RDP), que retenir de l’héritage de Thomas Sankara ?
Lianhoué Imhotep Bayala : Il faut retenir que plus que jamais Sankara nous a laissé les repères les plus sûrs pour l’avenir et ces repères, c’est son héritage intellectuel, moral. C’est son héritage idéologique et politique. L’ensemble des secteurs que sa vision a touchés, des questions allant de la lutte contre la désertification dont le reboisement, des comportements plus adaptés, à la gestion vertueuse de l’État. C’est autant d’idées de Sankara qui résistent aux 41 longues années que nous avons eu la chance de connaître de cette étoile filante de notre histoire.
Il faut dire qu’après 41 ans, on a l’impression que tous les mots d’ordre de Sankara, sont dits aujourd’hui, parce qu’aucun de ces mots d’ordre n’a été vieilli par le temps. Aucun de ces mots d’ordre ne s’est déclassé avec les époques. Plus que jamais, sa vision anticipatrice est une réalité aujourd’hui dans toutes les dimensions de sa vision ; aucun trait, aucune virgule ne peut être soustrait de sa vision, par rapport à la réalité et aux enjeux actuels.
Minute.bf : Certains disent que l’idéologie sankariste a été dévoyée, sortie, voire pervertie de son idéal de départ. Quelle lecture en faites-vous ?
Lianhoué Imhotep Bayala : Oui ! Vous savez que l’héritage d’un homme de la puissance de Sankara peut être utilisé de façon abusive. Et je ne pense pas que les personnes qui disent que l’héritage de Sankara a été dévoyé, a été perverti, aient tort. À regarder le sort réservé à cet héritage par Blaise Compaoré, c’est une désankarisation de l’espace public burkinabè, c’est une désankarisation du burkinabè, c’est une désankarisation de la gestion vertueuse, c’est une désankarisation, disons, des politiques publiques qui étaient volontaristes et qui étaient prédestinées à faire du Burkinabè, un acteur de son développement et non une victime du développement. Et quand on passe sur ce côté et on regarde comment des petits malins ont surfé sur la mémoire du cadavre le plus célèbre de la terre, pour se créer de la publicité politique, pour se créer de la publicité en tant qu’acteur de la société civile, pour se faire une certaine virginité et une certaine autorité dans l’espace public; effectivement, à ce titre, nous devons, en tant que sankaristes, faire notre propre purge et avoir le courage net de dire qu’il y a eu des gens parmi nous qui chantons Sankara, qui ont perverti la sincérité et la fidélité de sa parole.
Ils ont transformé sa vision comme lui-même le disait. Ils l’ont utilisé pour exploiter, pour extorquer et soumettre certains de leurs camarades à l’esclavage moderne. Ils ont utilisé ça pour transformer certains de leurs alliés politiques en des négriers ou en des ouvriers de seconde zone. Et ça, c’est une réalité! Je le dis froidement et je n’ai aucun complexe, en tant que sankariste, à assumer le tort et les déviances que certains ont vis-à-vis d’un usage pas tout-à-fait catholique de sa mémoire.
Pour moi, je ne pense pas que les gens aient totalement tort en le disant. Parce que pendant longtemps, c’était, et ça a toujours été, y compris même pour ceux qui ont dit Sankara partout et Sankara nulle part. Ils ont été également des artisans fervents de ce Sankarisme partout et de ce sankarisme nulle part. Ce sankarisme partout dans les livres et ce sankarisme absent dans leurs actes, ce sankarisme partout dans les conférences et absent quand arrive le temps de prendre position pour le pays et pour les idéaux de Sankara. Ces gens qui ont dénoncé le fait qu’il y avait Sankara partout et Sankara nulle part, Sankara sur les murs, sur les noms d’universités, des casernes militaires, sur les t-shirts et Sankara nulle part, effectivement, ça a été pendant longtemps une réalité. Sankara était devenu un gadget de publicité pour les gens qui étaient en panne de visibilité sur l’espace public. Sankara était utilisé. Et nous devons cette sincérité-là à sa mémoire. Moi je suis très bien positionné en tant que sankariste pour le dire. Y compris moi-même. Cela s’applique d’abord à moi, pas uniquement des critiques faites à l’encontre des autres.
Minute.bf : Vous faites partie du Comité international mémorial Thomas Sankara, dites-nous comment évolue le projet de construction du mausolée Thomas Sankara aujourd’hui ?
Lianhoué Imhotep Bayala : Il faut dire que le projet du mausolée avance très bien. Il y avait des actes administratifs qui devraient être remplis. Ce que j’ai compris, à travers les récentes visites, ces actes administratifs ont été totalement remplis. Nous sommes Burkinabè, nous appartenons à un univers socio-culturel et spirituel, qui nous demande que nos comportements soient en phase avec la volonté même de Sankara. Conformément à ses prescriptions traditionnelles, il fallait attendre les premières pluies après l’enterrement. Il fallait attendre que les premières pluies battent les tombes avant de commencer l’érection du mausolée. Nous sommes dans l’anthropologie spirituelle africaine. On ne peut pas faire autrement. On n’est pas du berceau arabe ou du berceau judéo-chrétien qui a du mépris pour ces types de chose-là. Et, aujourd’hui, les choses ont repris et sont en train de s’accélérer. Nous avons bon espoir que sortira de terre, cette majestueuse œuvre de mausolée qui fera rayonner et luire l’image et la dette morale que nous devons payer à Sankara pour le sacrifice ultime qu’il a accepté faire pour le peuple burkinabè.
C’est un projet qui se conduit très bien. Vous avez dû remarquer que le Président (Ibrahim Traoré, ndlr) lui-même a installé la pierre inaugurale. Vous avez remarqué également que les travaux sur le terrain se font tous les jours. Vous avez remarqué qu’un maître d’ouvrage a été désigné. Vous aurez constaté également que le prestataire est public. C’est-à-dire qu’il y a eu un appel d’offre pour la réalisation, les résultats sont sortis, le montant est connu et il a été consacré 400 millions par un décret du conseil des ministres. Donc, c’est quelque chose qui se met en place.
Minute.bf : Dernièrement, le site retenu pour la construction du mausolée a rencontré l’opposition farouche de la famille Sankara. Toute chose qui n’a pas empêché sa réalisation. Êtes-vous finalement parvenus à un consensus avec la famille ?
Lianhoué Imhotep Bayala : Bon! Disons que sur cette question spécifique, je ne suis pas la personne habilitée à se prononcer. C’est le président du Comité international mémorial Thomas Sankara (CIM-TS) ou les autres organes. Mais, en tant que membre, ce que j’observe, c’est que ça a été un profond regret et une blessure dans notre âme militante de ne pas être parvenu à ce consensus. Mais pour nous, l’unanimité, elle peut être voulue, elle peut ne pas être atteinte, mais elle n’arrête pas les processus de la rechercher et je pense que jusqu’aujourd’hui le Mémorial Thomas Sankara est toujours à pied d’oeuvre pour travailler à un rapprochement et une réconciliation des positions. Je pense que cela ne sera pas vain. Sankara a dit que la persévérance est porteuse de victoire et nous croyons à ce mot d’ordre.
Minute.bf : Nombre de Burkinabè font un rapprochement entre le Capitaine Thomas Sankara et le Capitaine Ibrahim Traoré. Selon vous quels sont les points communs et les différences entre ces dirigeants ?
Lianhoué Imhotep Bayala : Les points communs, d’abord, ce sont les similitudes de statuts : ce sont des capitaines, des officiers de l’armée, ce sont des militaires. Il y a des similitudes temporelles, des similitudes d’âges : c’est 33 ans pour Sankara, 34 ans pour Ibrahim Traoré. Ce sont aussi des similitudes dans la croyance à l’exemplarité en tant que dirigeant : le Capitaine Ibrahim Traoré a renoncé à son salaire comme son père spirituel, Thomas Sankara qui a renoncé à son salaire de président pour ne conserver que ses 151 000 F CFA de salaire d’officiers de l’armée à l’époque. Aujourd’hui, Ibrahim Traoré en fait pareil.
Ce sont des gens qui croient fondamentalement, tous les deux, en ce que la révolution et la libération ou l’émancipation de notre peuple n’adviendra que par un processus d’éducation politique, de conscientisation massive et de décolonisation des mentalités. Parce que, un colonisé ne peut pas accéder à la liberté, il ne peut pas aspirer à la grandeur. Ce sont des gens qui croient de façon unanime qu’on ne peut construire un projet de libération nationale sans réussir les préalables: donner à manger en quantité et en qualité au peuple avec l’offensive agricole. Thomas Sankara a atteint l’autosuffisance alimentaire en 4 ans. En variant et faisant du Burkina Faso le deuxième exportateur de haricots verts au monde. Ibrahim Traoré a lancé l’offensive agricole pour le même objectif.
C’est aussi une réorganisation de l’armée. Si on doit donner à l’armée un père fondateur de son imagination et de son articulation, on doit penser à Thomas Sankara. En tant que technicien de guerre, en tant qu’expert de l’armée burkinabè, Ibrahim Traoré a opéré une reconfiguration de l’armée en partant des acquisitions stratégiques et tactiques à la valorisation même du soldat qui doit défendre la patrie, en passant par la coopération. Quand Sankara achetait des hélicoptères, les gens dans la sous-région se demandaient : mais qu’est-ce qu’il veut faire avec des infrastructures de guerre de cette nature ? Mais Sankara était en avance sur son temps. C’est la même chose aujourd’hui. L’armée burkinabè, comme le proclame le camarade Capitaine Ibrahim Traoré lui-même, doit devenir, dans les mois et dans les années qui suivent, la plus puissante et la plus performante des armées de l’Afrique de l’Ouest, sinon de l’Afrique. Sinon même, elle doit devenir une puissance militaire mondiale, à côté de la Corée du Nord, des USA, de la Russie, de la Chine, de l’Inde, de la Turquie… Quand on va citer les plus grandes puissances militaires au monde, on doit pouvoir citer le Burkina Faso. Et Sankara disait, quand il recevait l’ambassadeur russe sous un baobab dans un village dans les périphéries de la ville de Ouagadougou, qu’aujourd’hui 4 grandes puissances se sont retrouvées ici. Parmi les 4 grandes puissances, il y avait le Burkina Faso. Donc, dans la projection de l’imagination, dans le symbolisme, il y a des choses similaires. Il y a la refondation de l’État, c’était un acte stratégique pour Sankara. Il y a le droit à un logement décent, c’était une obsession pour Sankara qui est la même chose pour Ibrahim Traoré. Il y a l’assainissement des finances publiques, vous avez vu tout récemment, on a appelé à réduire le train de vie de certaines institutions qui n’étaient pas nécéssaires, pour rediriger ces fonds-là vers la construction de Centres de Santé et de Promotion sociale (CSPS), de services sociaux éducatifs, de services sociaux sanitaires et tout le reste.
Mais c’est aussi et surtout, le fait que Sankara avait fait du Burkinabè le cœur du programme d’émancipation économique, d’émancipation morale : ce qu’on appelle vulgairement le développement. Ibrahim Traoré fait la même chose. Pour Sankara, c’est le Burkinabè qui est le bailleur de fonds. Pour Ibrahim Traoré, c’est le Burkinabè qui est le bailleur de fonds. A travers quoi ? A travers l’Agence pour la promotion de l’entrepreneuriat communautaire (APEC). Avec Sankara c’était à travers l’effort d’investissement populaire (EPI). Mais ici, on est dans l’actionnariat populaire. C’est le Burkinabè lui-même qui finance pour construire ses propres usines, ses propres sociétés de raffinerie, construire ses infrastructures de guerre adaptée aux enjeux que nous avons aujourd’hui. C’est le Burkinabè qui cotise pour payer les armes redoutables dont notre armée a besoin pour être victorieuse face aux hordes terroristes.
Ce sont des similitudes sur le plan économique, sur le plan de la mobilisation des ressources internes, sur le plan de l’organisation du peuple, sur le plan de la réarticulation de l’armée, sur le plan agricole, sur le plan de l’offensive culturelle pour ancrer le Burkinabè dans son histoire et dans sa culture, parce qu’il ne peut pas y avoir de souveraineté hors-sol sol ou de souveraineté qui tourne le dos à sa culture. Tout projet de souveraineté qui donne dos à sa culture est une aliénation. On s’enfonce dans un autre projet d’aliénation qu’on appelle abusivement souveraineté.
À travers la consécration du 15 mai, Ibrahim Traoré converge avec la vision de Thomas Sankara de décoloniser culturellement, politiquement, socialement, économiquement, notre pays, en commençant par lui donner un nom. On était Haute-Volta, on est devenu Burkina Faso. Ibrahim Traoré dit désormais on ne va plus continuer à haïr nos ancêtres on doit mettre au coeur de chaque acte de notre vie les ancêtres. Donc le culte aux ancêtres à travers le 15 mai, le culte à tous les savoirs que nous avons, qui nous appartiennent et qui étaient méprisés.
L’art culinaire, vestimentaire, Thomas Sankara avait dit à chaque Burkinabè son Faso danfani. Ibrahim Traoré a pris des décrets ministériels et présidentiels pour instituer que tous les actes officiels et solennels de l’État burkinabè se célèbrent avec le patrimoine varié des pagnes traditionnels dagara, gourmantché, lobi, peulh, bobo, le Faso danfani moagha, ainsi de suite. C’est une avancée sur le plan économique.
Sankara avait fait des options de rupture avec le colonialisme. IB (Ibrahim Traoré, ndlr) est venu, il a chassé l’armée française, parce qu’on ne peut pas avoir une indépendance supervisée avec des Kalashs, des soldats ennemis. IB a dénoncé des accords coloniaux comme l’accord de la non-double imposition.
On ne peut pas finir les similitudes, mais je voudrais ajouter les caractéristiques humaines et psychologiques. Le courage, le goût extrême du risque, l’imagination fertile, le désir de pousser plus loin sa capacité à imaginer de nouvelles pistes pour trouver notre chemin, sont des caractéristiques qui leur sont tous les deux propres.
Alors que peut-on dire des dissemblances ? On peut noter que sur le plan des divergences, Sankara c’était, je ne dirais pas une minimisation des valets locaux, les ennemis internes, mais c’était une forme de banalisation de la sécurité du leader. Ce qui peut se comprendre par l’humanisme exacerbé et exagéré et l’altruisme humain de Thomas Sankara. Cela peut se comprendre. Mais quand on engage un processus révolutionnaire de l’envergure qui suscite chaque jour des désirs de vous éliminer physiquement, il faut prendre la mesure de toute la situation, y compris à mettre au même degré, la menace d’un ver de terre à la menace d’un cobra hyper venimeux. Et là, IB a tranché. Là où Sankara a laissé la porte ouverte aux ennemis du colonialisme externe et interne, IB les ferme toutes. Voyez-vous? Il a enfermé 4 espions de la Direction générale de sécurité extérieure française (DGSE) au Burkina Faso. Ceux qui demandent leur libération, il dit que c’est en contrepartie de la remise des plus grands ennemis attitrés du Burkina dont Djibril Bassolé, François Compaoré et tous ceux qui jouissent de privilèges en France. IB a pris une posture à la hauteur de la capacité de nuisance des ennemis qu’il ne néglige pas, qu’il ne banalise pas. Ce qui le fait passer, pour certains jugements dans le rang des apatrides, comme étant un dictateur, un putschiste, un fasciste et tout le reste. Mais ça, c’est un bon parfum pour stimuler sa conscience à demeurer téméraire et lucide parce que la revolution, comme lui-même il l’a dit une fois quand il rencontrait le personnel de la Présidence du Faso, il faut que ça marche maintenant. On ne peut pas passer le temps à célébrer la mémoire d’un héros qui aurait été utile vivant que mort. Nous avons trop célébré pendant 41 ans la mémoire de Sankara en tant que cadavre. Il est temps de célébrer nos héros vivants pour continuer de garder la ligne de leadership de notre peuple. Il est temps que la révolution l’emporte sur la réaction. Il est temps que la révolution populaire, démocratique, panafricaine l’emporte sur le colonialisme, sur l’impérialisme et sur le capitalisme. Et je pense que pour cela, c’est une divergence qu’on peut noter entre les 2.
Quel autre élément de divergence pertinente? Je n’en vois pas fondamentalement. Ce, d’autant plus que Ibrahim Traoré considère que sa boussole politique, c’est Sankara en tant qu’humain, Sankara en tant qu’héritage politique, idéologique; c’est le discours d’orientation politique (DOP). Donc, il est difficile de trouver des dissonances extrêmes alors qu’on a une abondance de similitudes.
Minute.bf : De l’idéal Sankara en comparaison au régime actuel, quels sont les points à améliorer selon vous ?
Lianhoué Imhotep Bayala : Cela fait partie en même temps d’une des dissemblances : Sankara avait une capacité extraordinaire de dialogue et de discussion. Il savait aller victorieusement en terrain ennemi et revenir avec ses idées intactes. Il avait une capacité d’alliage des intelligences. Je pense qu’aujourd’hui sous le MPSR II, s’il y a quelque chose à améliorer, c’est la capacité d’exploiter au maximum les intelligences nationales, d’appeler à se rassembler autour de la patrie en étant capable d’aller en campagne pour convaincre ceux qui hésitent de la dynamique révolutionnaire. C’est également la capacité à structurer, dans la qualité, la mobilisation populaire. Le Comité national révolutionnaire (CNR) avait créé plusieurs groupes, des sofas aux pionniers de la revolution en passant par les Comité de Défense de la Révolution (CDR), et ainsi de suite. Ce sont des forces inimaginables que la révolution avait commencé à construire. C’est vrai, aujourd’hui, on a les Wayiyans, on a les autres groupes intellectuels et élites qui essaient de soutenir, mais ça reste éparpillé et ce n’est pas en dehors des slogans révolutionnaires ambiants, ce n’est pas quelque chose qui peut tenir dans la durée.
S’il y a quelque chose à améliorer, c’est d’accroître l’éducation politique et idéologique des masses populaires dans des cadres organisés et dans des cadres fondamentalement plongés dans la discipline militante. Je pense que ce que nous avons comme défi, c’est la discipline des soutiens de sorte que leurs attitudes ne deviennent pas des creusets victorieux pour l’ennemi et que l’attitude de chaque militant qui soutient la dynamique révolutionnaire actuelle vienne donner du souffle à notre marche triomphale, victorieuse contre l’impérialisme et les nègres de salon. Je pense que c’est cela le défi.
Minute.bf : Sous les régimes précédents, vous avez pris des positions souvent très tranchées. Sous ce régime vous êtes quelque peu silencieux. Est-ce à dire que tout baigne ?
Lianhoué Imhotep Bayala : Je prenais des positions très tranchées contre les régimes qui étaient les ennemis fondamentaux et structurels de notre peuple. Et la hauteur de ce discours très tranché, c’est avec cette même énergie, de façon strictement très tranchée, que je prends position pour défendre le régime actuel. Et si défendre le régime actuel s’assimile à du silence, c’est que c’est un choix d’un silence qui n’est pas respecté à mon niveau parce que je ne suis pas silencieux, je suis en train de donner une interview. Je ne sais pas dans la semaine combien d’interviews je donne. Est-ce que le silence veut dire quand tu ne critiques pas? Et quand tes critiques se transforment en acte de soutien, c’est un silence ? C’est quoi finalement le silence ? Même quand ton soutien fait du bruit, on fait semblant de ne pas entendre ou bien on voudrait te dire, pour qu’on t’entende, il faut critiquer. Mes positions restent. C’est avec la même énergie, la même fougue que j’ai combattue les régimes que j’ai considérés comme étant des vassaux de l’impérialisme français, américain; que j’ai considéré comme étant les fossoyeurs du destin national d’émancipation de notre peuple. C’est avec la même énergie que j’encourage, félicite et soutient les positions du régime actuel.
Quand on prend un projet comme celui de faire l’inventaire de tous les noms de famille du Burkina Faso pour les redonner leur véritable statut sociolinguistique, socio-culturel et leur donner leur réelle signification en dehors des mauvaises manipulations du colonialisme qui a déformé les noms de famille, c’est un combat indépendamment de l’arrivée du MPSR que moi je menais; et contre lequel étaient les régimes antérieures; et pour lequel est le MPSR II. Est-ce que saluer cela est un acte de silence ? Ou bien c’est de sortir, moi Bayala qui ai défendu cela, me mettre à dire non, c’est du populisme, c’est du n’importe quoi. C’est en ce moment qu’on aura l’impression que je suis en train de parler. On dit les noms des villages qui n’ont aucun sens. Vous prenez par exemple moi mon village, on l’appelle en français Réo. En langue liéla, Réo ne veut rien dire. Mais tous les Gourounsi liélaphones savent que Réo s’appelle Djô. Et ça veut dire quelque chose dans notre langue.
Koudougou ne veut rien dire en aucune langue burkinabè. Mais dans notre langue en Liéla, Koudougou, parce qu’on était là-bas, s’appelle Nando. Nando, ça veut dire quelque chose. Ouahigouya, c’est une déformation de Wayugiyan. Le gouvernement dit qu’ils vont rétablir la réalité de ces choses-là, est-ce que moi Bayala je dois combattre cela ?
Je me suis toujours battu pour l’affirmation de la singularité spirituelle ou authentique des religions africaines. Le gouvernement prend des actes pour instituer cela. Est-ce que c’est cohérent, au nom du fait que j’étais contre la non-prise en compte de cela sous les régimes antérieures dont je critiquais pour ce fait. Le régime qui prend en compte les mots d’ordre pour lesquels je me bats, je dois encore m’opposer à cela? C’est du ridicule ! À moins que je sois quelqu’un de foncièrement malhonnête qui surfait sur des réalités importantes pour me faire de la pub. Moi, je ne recherche pas de la pub en criant Sankara. Ce n’est pas cette image que je cherche. J’y crois fondamentalement et quand je vois un régime qui marche dans la vision sankariste, je le soutiens jusqu’à mon dernier souffle. Et c’est ce que je fais avec le régime actuel.
Même la promotion des prénoms africains est en train de venir. La singularité des noms de famille liéla : une femme qui ne doit pas s’appeler Bayala parce qu’elle est femme. Elle doit s’appeler Kanyala et un homme qui doit s’appeler Bayala qu’on va rétablir; les mariages traditionnels qu’on va rétablir. Est-ce que pour Bayala qui est régulièrement dans les médias pour défendre ces positions, c’est un signe de silence quand il defend ?
Minute.bf : Vous avez supervisé une élection présidentielle au Vénézuéla le 26 juillet dernier. Mais dans votre discours à la célébration du nouvel An kamit 6261, vous pronez la démocratie populaire. Quelles peuvent être vos réelles motivations ?
Lianhoué Imhotep Bayala : Mes réelles motivations, c’est que tous les régimes démocratiques ont toujours su choisir le modèle qui correspond aux projets politiques et aux projets idéologiques. Si vous voulez construire des sociétés équitables où les soins de santé sont accessibles à tout le monde, où il n’y pas d’hiérarchie, il n’y a pas de pauvres, d’hyper-riches et d’hyper-misérables, vous êtes obligés de faire un choix de démocratie qui vous permet d’atteindre la réalisation de ces objectifs. Et donc la démocratie a plusieurs variantes. Et parmi ces multiples variantes, c’est celle populaire qui est adaptée que nous défendons, en tant qu’héritiers de Thomas Sankara. Thomas Sankara, son idéal, c’est la démocratie populaire participative. Et nous ne sommes pas en dehors du contexte de nos convictions sankaristes. Nous ne sommes pas non plus en dehors des autres convictions sankaristes du monde. En chine, en Corée du Nord, au Cuba, c’est la démocratie populaire. Au Vénézuela, c’est la démocratie populaire. Au Vénézuela, j’ai supervisé moi-même la réalité des avancées énormes et de la très large différence de la capacité de transparence du système des démocraties populaires, par rapport aux démocraties représentatives qui sont des formes d’arnaques et de supercherie, qui, criminalisent la démocratie en elle-même.
Et au Venezuela, avec la démocratie populaire, pour même actionner l’urne, le bureau de vote, avoir accès à la machine de vote, c’est ton empreinte digitale. Quel est le meilleur témoin le plus fiable en matière de sûreté que l’empreinte digitale? Est-ce qu’un homme peut avoir 2 ou 3 types d’empreintes digitales? CÇa consacre la fiabilité. Pour cette expérience que nous avons supervisée au Vénézuéla, c’est extraordinaire. Vous avez des files d’attente de 2 km. Vous avez 12 millions de personnes qui votent sur 35 millions. On a un pourcentage de vote au-dessus de ceux qui font des choix conscients de ne pas voter. Plus de 12,6 millions de personnes ont voté.
Dans ça, la Carte d’identité permet à toute personne ayant l’âge, de voter. Donc, ce n’est pas comme chez nous dans les démocraties d’escroquerie internationale, où, on vous demande, en plus de votre Carte d’identité, de faire encore des cartes d’électeur et ainsi de suite. De la machinerie inutile exploiteuse qui aspire beaucoup de ressources pour les pays pauvres. Là-bas, c’est avec la Carte d’identité simple qu’on vote. Et on ne vote pas dans des urnes sophistiquées qui nous demandent des moyens sauvages, qu’on doit prendre pour construire des forages et faire des infrastructures socio-éducatives. On utilise des cartons bien scellées, bien protégés, bien décorés et ça se fait. Sur des fils de 2 Km, le processus de vote prend entre 35 a 40 secondes maximum. Donc, ce qui permet au bureau de vote d’absorber la totalité et même d’avoir une proportion de 6 heures de vote supplémentaire. Parce qu’il peut absorber la quantité des votants et il peut lui rester encore du temps pour absorber la même quantité que celle qu’il a.
Donc j’ai vu un système auquel le Burkina Faso doit s’inspirer dans la totalité, dans la globalité, pour pouvoir assurer à notre futur, un renouvellement des élites avec un choix démocratique qui est la démocratie populaire. Souvenez-vous! Le Conseil national de la révolution (CNR), avait ce qu’on appelle la Revolution democratique et populaire (RDP). Donc, nous ne revendiquons pas quelque chose de nouveau. Nous ne faisons que confirmer la vision de Sankara en matière d’option politique démocratique.
Minute.bf : Si vous avez le Capitaine Ibrahim Traoré en face de vous, que lui diriez-vous de façon particulière ?
Lianhoué Imhotep Bayala : Je lui dirai de tenir bon et de rester solidement ancré dans l’option politique qu’il a prise. Et d’aller très vite. Oui, les ennemis jailliront de partout y compris même les cercles les plus proches, les plus insoupçonnés, mais le défi d’un grand leader, c’est sa capacité à continuer de marcher, malgré la proximité du danger, Et d’être conscient que la route que nous avons prise ne pouvait pas ne pas nous créer les ennemis que nous avons. Et, de ne pas se soumettre aux chantages des charlatans de tous les acabits qui lui diront : Non, ne fais pas ceci. Ralentis. Fais cela. Ne sois pas Sankara, sois toi-même. Non ! Je dirai, au contraire pour conclure, à Ibrahim Traoré, de revendiquer de façon systématique le fait qu’il est la reproduction de Thomas Sankara, sa réincarnation et qu’il est l’héritier politique de Thomas Sankara. De l’assumer, il n’y a pas de complexe, il n’y a pas de honte, ce n’est pas signe de faiblesse ni de rabaissement. J’étais au Vénézuela, avant de parler de Nicolas Maduro, on parle de Simon de Bolivar, on parle de Hugo Chavez. Là-bas, il n’ont pas le complexe de mémoire qu’on veut imposer à Ibrahim Traoré, en lui disant oui, ne sois pas Sankara, il faut être toi-même. Non ! Ibrahim Traoré, je vous dirai: soyez Sankara et assumez d’être Sankara. Parce qu’il n’y a pas plus grande victoire, il n’y a pas plus grand bonheur que d’assumer de façon décomplexée l’idée d’être Sankara. Quel autre bonheur aurions-nous en dehors de celui d’être des dignes héritiers de Thomas Sanakara comme vous l’êtes, M. le Président? Soyez-en fier, soyez-en décomplexé. C’est ce que j’ai à lui dire.
Minute.bf : Avez-vous un message à l’endroit du peuple burkinabè ?
Lianhoué Imhotep Bayala : Je dirai au peuple burkinabè, en dehors des slogans révolutionnaires, de la révolution spectaculaire ou cosmétique, que la révolution est plus profonde que les slogans. Que la Patrie où la mort nous vaincrons et on disparaît après, n’est pas gage de survie de la révolution. Je dirai au peuple burkinabè de s’armer de sacrifice, de sens poussé de sacrifice. Moi, les expériences que je connais dans le monde, me montrent que le peuple burkinabè doit être capable d’assumer le chemin qu’il a pris. Et le chemin qu’il a pris exige de lui beaucoup de sacrifice, exige de lui beaucoup d’efforts. Au Vénézuéla, ils ont depuis 2018, 930 sanctions, mais le peuple tient debout. Le peuple n’avait plus de savon, d’huile. Les alimentations étaient vides mais le peuple bolivarien est resté debout. Il faut que le peuple burkinabè s’exerce à cela, s’exerce à ce que le pire arrive, et que de ce pire, nous devrions sortir par notre capacité de résilience, de patriotisme. Nous devons sortir victorieux. Ce sont les peuples préparés aux sacrifices, qui sont capables de faire capituler l’impérialisme et ses relais locaux et internationaux. J’invite notre peuple à plus d’organisation, à se nourrir d’idéologie politique, à se nourrir de conscience politique, historique et de conscience culturelle. Ce sont les armes redoutables face auxquelles l’impérialisme a toujours été tenu en défaite de façon respectable. Je pense que le peuple burkinabè en est capable. C’est pourquoi j’appelle à la mobilisation générale structurée dans des cadres d’éducation politique et idéologique pertinents et permanents, en ayant un ancrage dans la culture et dans l’histoire.
Minute.bf : Quel est votre mot de fin ?
Lianhoué Imhotep Bayala : Je pense qu’aujourd’hui, nous vivons une période historique. Il nous appartient de faire le choix d’être les acteurs de cette histoire glorieuse qui s’écrit ou d’être les ennemis de celle-ci. C’est pourquoi, j’appelle tous ceux qui hésitent, qui doutent encore des dynamiques révolutionnaires dans le Sahel, au Burkina Faso, qui doutent de la qualité, de la lucidité politique du chef de l’État, le chef de guerre de notre pays, Ibrahim Traoré, que c’est le moment de sonner la mobilisation générale autour de notre dynamique révolutionnaire. L’histoire ne nous offrira certainement pas d’autres occasions comme ce carrefour auquel elle nous a mis. Il nous appartient de choisir le bon chemin. Allons-nous choisir le chemin qui libère notre peuple? Ou le chemin qui le maintient dans l’esclavage ? Je vous laisse décider. Merci !