L’Assemblée législative de Transition (ALT) a adopté, à l’unanimité de ses 69 volants deux nouvelles lois portant Code minier et contenu local au Burkina. L’adoption de ces deux lois vise à renforcer l’impact du secteur minier sur le développement socio-économique du pays des Hommes intègres.
Le Burkina veut renforcer davantage la présence des nationaux dans les différents maillons de la chaîne de l’exploitation minière, à l’effet de faire du secteur minier un vecteur de
croissance durable, de développement endogène. La matérialisation de cette volonté politique passe par un cadre juridique propice qui va avec cette vision en matière de gouvernance du secteur extractif.
Pour ce faire, l’Assemblée législative de Transition (ALT) a adopté deux nouvelles lois devant désormais régir l’exploitation des ressources minières. Il s’agit du projet de loi portant Code minier et du projet de loi relatif au contenu local dans le domaine minier. Pour que ces nouveaux textes répondent aux objectifs qui leur sont assignés, de nombreuses innovations y ont été introduites.
Pour ce qui est du nouveau Code minier,
désormais, la participation de l’Etat au capital des sociétés, à titre gracieux, passe de 10% à 15%, et ce conformément aux textes Code minier. En plus de ces 15%, l’Etat a le droit de souscrire d’au moins 30% pour lui et/ou le secteur privé national, à titre onéreux, une participation supplémentaire au capital des sociétés d’exploitation minières. Ce qui pourrait porter sa participation totale au capital à au moins 45%.
Le Fonds minier de développement local (FMDL) devient fonds minier de développement et va dorénavant servir à financer des projets de développement endogène d’envergure nationale, les plans communaux de développement, le Fonds de soutien patriotique (FSP), la sécurité nationale, etc.
L’obligation faite aux sociétés minières de contribuer à la constitution de la réserve nationale d’or, d’ouvrir leur capital aux Burkinabè, le renforcement du pouvoir des agents de suivi et de contrôle de l’exploitation minière qui deviennent des agents asser- mentés ayant qualité d’officiers de policiers judiciaires, l’exclusion des personnes physiques dans l’octroi des permis miniers d’exploration, la prise en compte de la commercialisation de l’or et des autres substances, le recouvrement du dividende obligatoire par tout moyen font également partie des innovations du nouveau Code.
Le nouveau Code minier dispose également que désormais, le taux des redevances proportionnelles affecté à l’alimentation du fonds minier de développement sera déterminé
par voie règlementaire, la convention minière est susceptible désormais de négociation d’un projet minier Sans oublier que la suppression des avantages fiscaux et douaniers accordés aux sociétés minières pendant la phase d’exploitation va permettre d’augmenter les retombées financières au profit du budget de l’Etat. En matière d’exigence environnementale, pour l’obtention du permis d’exploitation semi-mécanisée de substance de mine, la notice d’impact environnemental et social devient le document requis en place de l’étude d’impact environnemental et social.
Pour ce qui concerne le contenu local, le recours à une loi spéciale pour l’encadrer permet d’aller au-delà du décret sur la fourniture locale de biens et services miniers pour cerner le concept local dans toute sa globalité. Ainsi, outre la fourniture locale, les matières comme la transformation et la valorisation des produits miniers au niveau local, les emplois
nationaux, les contrats d’assurance et de réassurance, la propriété des sociétés minières, la sous-traitance et la cotraitance dans le secteur minier sont désormais régies par des dispositions législatives.
Cette loi spécifique prend également en compte le développement du capital
humain national, la promotion de la recherche-développement, du transfert de technologies et du savoir-faire, la promotion des investisseurs nationaux dans le secteur minier, le fonds de développement du contenu local. En adoptant à l’unanimité ces deux lois, la représentation nationale est convaincue qu’elles vont permettre au Burkina de disposer d’instruments juridiques « robustes » pour mieux encadrer ce secteur stratégique, de renforcer la présence et la maîtrise des différents maillons de l’exploitation minière par des investisseurs nationaux.
Bien qu’ils aient voté à l’unanimité ces deux textes, les membres de l’ALT ont néanmoins exprimé quelques inquiétudes ou préoccupations. Il s’agit, entre autres, de l’exploitation des Burkinabè dans le secteur minier par le système du placement des employés, la non formalisation de la contribution des sociétés minières à la constitution de la réserve nationale d’or, des critères de choix des représentants de l’Etat dans les conseils d’administration des sociétés minières.
Ils se sont également interrogés sur l’existence d’une expertise nationale pour apprécier les études de faisabilité et les modèles économiques des compagnies minières, la disparité de traitement salarial entre nationaux et expatriés, le remplacement de l’étude d’impact environnemental par la notice d’impact environnemental.
à l’autre.
Sur cette dernière préoccupation, le recours à la notice vise à faciliter l’entrée des nationaux dans le secteur minier, a soutenu le ministre des Mines, des Carrières et de l’Energie, Yacouba Zabré Gouba, tout en assurant que cette disposition ne relègue pas les questions environnementales au second plan. Pour ce qui est du FMDL, a-t-il poursuivi, il n’est pas question de sa suppression, mais plutôt de l’élargissement de ses missions pour prendre en compte le financement des questions d’intérêt nationaux.
L’opérationnalisation du nouveau Code minier va nécessiter la renégociation des conventions minières qui lient l’Etat aux sociétés minières, a fait savoir le ministre Gouba. Pour ce faire, le président de l’ALT, Ousmane Bougouma a appelé le département en charge des mines à mettre en place, dès maintenant, un cadre de renégociation desdites conventions, dans un délai de six mois.
« Je vous conseille de mettre en place un calendrier de renégociation de ces conventions dès maintenant. Ainsi, vous protégerez au mieux les intérêts de l’Etat burkinabè, tout en lui évitant les arbitrages où l’expérience en matière minière a montré qu’à 90-95% l’Etat est perdant », a suggéré, le président Bougouma. Avant l’examen des deux lois, la représentation nationale a validé les mandats de 12 députés représentant des partis et formations politiques à l’Hémicycle. Cet exercice de validation est une conséquence logique des assises nationales du 24 mai 2024 à l’issue desquelles les partis politiques ne sont plus représentés à l’ALT par les composantes « ancienne majorité », « ancienne opposition », etc.
« Il faudrait maintenir un dialogue constant avec les acteurs miniers », Ousmane Bougouma, président de l’ALT
« Monsieur le ministre, nous venons d’adopter le Code minier et la loi sur le contenu local en matière minière. Il reste le défi de leur mise en œuvre. Je voudrais vous interpeller, surtout par rapport au contenu local, afin que vous fassiez un effort d’organisation des acteurs. Quand on parcourt le texte, il y a beaucoup d’obligations à la charge des sociétés minières, mais peu d’obligations pour l’Etat. Alors que très souvent, c’est le manque d’organisation au niveau même de l’Etat, sa faible implication pour organiser les acteurs qui font que ces derniers n’arrivent pas à tirer le meilleur dividende du secteur minier.
A titre d’exemple, pourquoi ne pas mettre en place une bourse pour la commande minière. C’est-à-dire que l’Etat doit travailler à centraliser les commandes des compagnies minières et les publier afin que notre secteur privé puisse en avoir accès. Si l’Etat prend sur lui cette initiative, on aura déjà franchi un pas important. Au besoin, nos acteurs économiques pourront se mettre ensemble pour mieux répondre aux besoins des sociétés minières. Je voudrais également insister sur le fait que l’Etat doit s’obliger en matière de suivi, pour s’assurer que ce contenu local ne restera pas un texte vain et que dans 5, 10 ans, nous n’ayons pas un secteur privé qui a pu tirer le maximum de dividende.
Je voudrais aussi vous interpeller par rapport aux travailleurs nationaux qui sont dans ces sociétés minières. A propos, deux questions, à savoir leur rémunération et la formation se posent. L’Etat doit prendre en main la formation des compétences dont on a besoin dans ce secteur. Pourquoi ne pas identifier des compétences, les envoyer se former à l’international, avec des contrats clairs pour le retour au pays afin de pouvoir nous aider à développer progressivement un vivier permettant à ce que dans les 10, 20 prochaines années, nous puissions assurer la relève.
Il faudrait aussi maintenir un dialogue constant avec les acteurs miniers. S’ils ont des préoccupations légitimes, il faut les écouter. Certes, nous avons adopté la loi, mais les mines sont un secteur très dynamique, changeant. En maintenant un dialogue constant, vous saurez toujours trouver les voies et moyens pour que les préoccupations des acteurs du secteur minier puissent avoir des solutions ».