A Pô, chef-lieu de la province du Nahouri, la grande famille Gomgnimbou, comprenant les composantes « Kanzono », « Kolo » et « Mora » est propriétaire terrien. Ses terres situées aux secteurs 6, 7 et dans le village de Katchéli, dans un processus de lotissement, font cependant l’objet de discorde depuis plusieurs années entre les trois entités de la famille. Constat.
A la faveur de la commémoration de la fête nationale, le 11-Décembre, dans la région du Centre-Sud (Pô), en 2018, l’Etat avait décidé, à travers la direction régionale de l’urbanisme, des affaires foncières et de l’habitat du Centre-Sud, de réaliser une cité des forces vives à Pô. Pour la réalisation du projet, la famille Gomgnimbou a cédé 3 hectares (ha) de ses terres situées au secteur 6 de Pô, à la sortie nord, route de Ouagadougou, à la société immobilière GELPAZ IMMO S.A qui avait obtenu auprès de l’Etat, le marché pour la réalisation de la cité des forces vives.
L’opération de cession a été conduite par Michel Adoubé Gomgnimbou, le patriarche des « Kanzono », une des trois composantes de la famille, (en plus des « Kolo » et des « Mora »). En retour, la société immobilière a remis à la famille 9 parcelles de 240 m2 chacune. Michel Adoubé Gomgnimbou et deux de ses neveux, Marc Salazar et Claude Gomgnimbou qui ont conduit le processus ont pris chacun une parcelle. Ils ont remis deux parcelles à la famille royale de Pô et deux parcelles à la mairie. Les deux dernières parcelles ont été remises à deux frères résidant à Ouagadougou Alain et Joël Gomgnimbou.
Une alternative avec GELPAZ IMMO S.A
La cession des 3 ha et le partage des 9 parcelles se sont déroulés à l’insu des deux autres composantes de la famille que sont les « Kolo » dont le chef est Apékira Gomgnimbou et les « Mora » qui ont pour chef, Kounipoa Pouabidjié. Ces derniers ont élevé la voix pour exiger leur part du « gâteau ».
Pour satisfaire les plaignants, le chef de la composante « Kanzono », toujours avec l’aval de ses neveux, a cédé plus de 85 hectares de nouvelles terres à la société immobilière GELPAZ IMMO S.A pour des travaux de lotissement. « Lorsque notre oncle nous a proposé de travailler avec GELPAZ IMMO S.A pour un aménagement, nous avons trouvé l’initiative très louable et nous l’avons accompagnée », a corroboré Claude Gomgnimbou. Qu’à cela ne tienne, lui et son frère Marc Salazar ont émis une réserve de dénoncer le projet si toutefois, ils constatent des problèmes tels que le retard et le manque de transparence.
Le protocole d’accord signé entre les deux parties, le 20 octobre 2018 à Pô, stipule que la société immobilière s’engage à attribuer 510 parcelles de superficies variables à la famille, soit 6 parcelles par hectare. Dans le protocole, la famille Gomgnimbou s’engage à assister, faciliter et accompagner et ce, « sans aucun frais, ni rétribution » la société GELPAZ IMMO S.A dans les procédures pour la délivrance des documents administratifs afférents au terrain. Le protocole d’accord a été signé d’une part, par le patriarche Michel Adoubé Gomgnimbou au nom de la famille et d’autre part, par le Directeur général (DG) de la société immobilière GELPAZ IMMO S.A, Alain Zoungrana. Les témoins du patriarche étaient ses deux neveux, plus un autre membre de la famille et le témoin du DG de la société immobilière était Martin Sawadogo.
Trouver une solution à l’amiable
Informé de l’opération de lotissement, le chef de la composante « Kolo », Apékira Gomgnimbou s’est de nouveau plaint, estimant que Michel Adoubé Gomgnimbou et ses neveux ont piloté cette nouvelle opération sans concertation avec les deux autres composantes de la famille Gomgnimbou. « A maintes reprises, Michel et ses deux neveux ont décliné les rencontres convoquées pour discuter du problème chez le défunt chef de quartier Zenian, regroupant les secteurs 6 et 7 », a-t-il regretté. Le chef Apékira Gomgnimbou a donc fait arracher par des jeunes de sa composante, les bornes installées par la société immobilière GELPAZ IMMO S.A.
Une action qui sera suivie par une série de défiance entre les deux chefs des deux composantes. Michel Adoubé Gomgnimbou dépose une plainte à la gendarmerie de Pô pour destruction de biens privés et les jeunes qui ont posé l’acte ont été convoqués pour être entendus et mis en arrestation. En réponse à ces interpellations, Apékira Gomgnimbou dépose également une plainte à la gendarmerie contre Michel Adoubé Gomgnimbou pour usurpation de biens communautaires et ancestraux. En réponse à cette nouvelle plainte, la gendarmerie relâche les jeunes interpellés et a demandé aux deux parties de trouver une solution à l’amiable, a fait savoir l’ancien 1er adjoint au maire de Pô, Assane Gomgnimbou, par ailleurs membre de la composante « Kolo ».
Renvoyés dos à dos par la gendarmerie, les deux composantes plus la troisième ont tenu une rencontre de conciliation à la préfecture de Pô dans l’après-midi du 14 mai 2021. La rencontre a été présidée par le préfet de l’époque, Adama Diallo, par ailleurs président du Tribunal départemental de Pô qui était assisté par le chef de service des affaires foncières de la mairie de Pô. La rencontre s’est déroulée en présence du secrétaire général de la province du Nahouri (proche parent de la famille), de deux représentants de la société immobilière, d’un huissier de justice et de l’ancien 1er adjoint au maire de Pô, Assane Gomgnimbou. Un procès-verbal de conciliation a été dressé et signé par les chefs des trois composantes de la grande famille Gomgnimbou. Ledit procès-verbal précise que les trois composantes ont marqué leur accord pour céder les 85 hectares à la société GELPAZ IMMO S.A pour l’opération de lotissement. Il est en outre mentionné qu’ils sont convenus de se rallier au porteur du projet (Michel Adoubé Gomgnimbou) en lui permettant de poursuivre les autres modalités de l’opération avec la municipalité et la société, tout en tenant compte des préoccupations de l’ensemble des membres des familles Gomgnimbou.
Trois nouvelles sociétés immobilières à la rescousse
Malgré la signature du compromis, la grande famille Gomgnimbou ne recevra pas les 510 parcelles promises. Et pour cause, la société GELPAZ IMMO S.A n’a pas reçu à ce jour, l’autorisation du ministère de l’Urbanisme pour réaliser le lotissement. Selon le responsable juridique de GELPAZ IMMO S.A, Armand Sow, la demande déposée le 23 décembre 2019 et relancée par lettre le 17 mars 2023 est restée sans suite. Comme pour ne rien arranger, la société a enregistré le décès de son directeur général en 2022. Le chef de la composante
« Kanzono » va donc prendre attache avec d’autres sociétés. Il a affirmé que c’est en accord avec les deux autres composantes qu’il a approché trois nouvelles sociétés pour des opérations de lotissement. Interrogées, les composantes « Kolo » et « Mora » ont reconnu avoir été impliquées dans les accords avec les trois sociétés. Il s’agit de l’Agence de gestion immobilière Tapsoba et frères (AGIT) intervenant au secteur 6 et dans le village de Katchéli, de la société ZOTIMSON Sarl au secteur 7 et enfin de la société Immobilière Haeven Gate en partenariat avec la Maison internationale de commerce (M.INT. CO) qui doit intervenir dans le village de Katchéli.
L’acte de cession de 25 hectares dans la commune de Pô à cette dernière société citée a été signé entre le patriarche de la composante « Mora » Kounipoa Pouabidjié et le DG de M.INT. CO, feu Ousmane Koanda. L’acte de cession octroie aux propriétaires terriens cinq parcelles par hectare.
« Il a géré seul »
Si le choix des trois nouvelles sociétés immobilières s’est fait avec l’accord des patriarches des trois composantes, la discorde s’est exprimée cette fois au sein même de la composante « Kanzono ». Le patriarche Michel Adoubé Gomgnimbou est accusé par ses deux neveux d’avoir agi cette fois sans aviser la famille. Selon Marc Salazar Gomgnimbou, son oncle a géré seul la cession des parcelles sans les associer. « Au regard de la situation, une grande rencontre familiale a été convoquée à laquelle tous nos sœurs et frères vivant à Ouagadougou ont assisté.
La rencontre a été d’ailleurs présidée par l’oncle lui-même », a fait savoir le neveu. Marc Salazar Gomgnimbou a expliqué qu’au cours de la rencontre familiale, il a été décidé de la suspension de toutes les opérations de lotissement sur les terres de la famille aux secteurs 6 et 7 et dans le village de Katchéli. « L’oncle Michel était d’avis et a même signé le procès-verbal qui a été établi.
Cependant, force est de constater que le lendemain, c’est lui-même qui se rend sur le terrain. Son objectif était d’avancer sans en parler à aucun membre de la famille. Lorsque nous l’avons interpellé, il nous a fait comprendre que c’est lui le chef de famille », a relaté Marc Salazar Gomgnimbou.
Pour résoudre les incompréhensions sur les opérations de lotissement entre le patriarche Michel Gomgnimbou et ses deux neveux, les derniers cités ont saisi l’ancien Président de la délégation spéciale (PDS) de Pô, le chef coutumier de Pô et le responsable de la radio communautaire Goulou de Pô. Nous évoquerons ces médiations dans le prochain article.