Le Premier ministre, Dr Apollinaire Joachimson Kyélèm de Tambèla, a échangé avec le secteur privé sur les conséquences du retrait du Burkina Faso de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), ce lundi 12 février 2024, à Ouagadougou. Même s’il a reconnu le bien-fondé des inquiétudes suscitées par cette décision, le Chef du Gouvernement a invité les acteurs économiques à l’action et à se saisir des opportunités qu’offre ce divorce.
Le 28 janvier 2024, le Burkina Faso, prenant toutes ses responsabilités, devant l’histoire et répondant aux attentes, préoccupations et aspirations de sa population, a décidé, en toute souveraineté, de son retrait, sans délai de Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).
Convaincu qu’une telle décision inédite est assortie d’implications, le Gouvernement burkinabè, avec à sa tête le Premier ministre, Dr Apollinaire Joachimson Kyélèm de Tambèla, a convié les acteurs économiques autour d’une table, afin que, dans une synergie d’actions, les deux parties puissent faire face à la situation.
Bien que cette décision pourrait soulever des inquiétudes et des questions légitimes au sein de l’opinion nationale, le Gouvernement s’est dit conscient des défis auxquels il lui faut faire face pour l’assumer, tout en rassurant que tout est mis en œuvre pour préserver les intérêts du Burkina Faso.
Le Gouvernement a exhorté le peuple burkinabè en général et le secteur privé en particulier à faire bloc derrière lui, afin de tirer profit des opportunités qui découlent de cette rupture qui traduit la volonté de notre pays de changer de paradigme pour l’intérêt général.
Comme opportunités qu’offre ce retrait de l’espace régional, le Gouvernement a cité la possibilité de mener désormais des négociations et signer des accords commerciaux avec des partenaires de choix, sans que le Burkina Faso ne soit obligé de s’aligner sur la position de la CEDEAO.
Ainsi, le pays aura l’avantage de renégocier des accords multilatéraux et bilatéraux en phase avec les aspirations profonde du peuple burkinabè, en termes de souveraineté chèrement reconquise.
Cette décision va en outre, induire l’élargissement de taxes à l’importation aux produits originaires de la CEDEAO avec lesquels il n’y aurait pas d’accords spécifiques, toute chose qui améliorait substantiellement l’assiette fiscale.
Ce retrait offre également des avantages en termes d’accélération de la dynamique de développement endogène amorcé par notre pays et qui est soutenu par des politiques internes d’accroissement de la production, de la transformation nationale et du consommons burkinabè.
Par ailleurs, cette décision va davantage dynamiser les échanges intracommunautaires au sein de l’Alliance des Etats du Sahel (AES) par la création du commerce intégré.
En tant que pays membre de l’Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA), le Burkina Faso continuera de bénéficier des avantages d’accès au marché commun de cet espace.
Au regard de ce qui précède, le Gouvernement a, la ferme conviction que de nouvelles perspectives pour le développement du secteur privé, notamment par le renforcement de la compétitivité de nos entreprises et l’amélioration de leur capacité d’innovation, même si toutefois, des réajustements dans divers domaines seront nécessaires, tels que les règlementations commerciales, les nouveaux accords de partenariats et les pratiques commerciales.
A cette rencontre les faitières des acteurs économiques que sont la Chambre de Commerce et d’Industrie du Burkina Faso (CCI-BF) et le Conseil National du Patronat Burkinabè (CNPB) ont salué le Gouvernement pour cette décision et ont rassuré de leur adhésion totale aux idéaux de la souverainetés économique et du développement endogène.
La CCI-BF a proposé de mettre en place une stratégie nationale de promotion de l’investissement privé national dans des secteurs stratégiques, d’associer le secteur privé national dans la reconfiguration de notre cadre de coopération avec les pays membres de l’AES, etc.
Quant au CNPB, il a formulé quelques vœux qui portent sur son souhait que des dispositions soient prises pour assurer la libre circulation des personnes, des biens et des capitaux pour les pays de la CEDEAO, non-membres de l’UEMOA.
Il a aussi souhaité qu’un mécanisme soit prévu pour accompagner les opérateurs économiques burkinabè, dans leur quête de préservation de leurs activités et que les représentants des faitières du secteurs privé soient associer dans la conduite des négociations d’accords économiques qui seront engagées avec les pays de la CEDEAO non-membres de l’UEMOA, notamment ceux voisins du Burkina Faso et disposant d’infrastructures portuaires.
Après avoir partagé les causes résultant de cette décision, à savoir la non-assistance de notre pays confronté à des attaques terroristes depuis 2015 par l’Union Africaine, la CEDEAO et la communauté internationale, le Premier ministre a rassuré la communauté des affaires de sa prise en compte par le Gouvernement.
« Le Gouvernement n’entend pas mener son action de façon isolée, sans associer le secteur privé qui est le moteur de l’économie et qui emploie beaucoup de gens. Le Gouvernement ne saurait entreprendre une politique qui va à l’encontre des intérêts du secteur privé. Tout ce que nous entreprenons, à savoir l’économie endogène, c’est pour l’intérêt de nos populations et du secteur privé. C’est pourquoi, nous vous invitons à vous lancer dans la transformation et dans l’agro-industrie. Une nouvelle donne s’est imposée à nous. Norte sortie de la CEDEAO peut semer des doutes, mais dans la réalité le Burkina Faso commerce très peu avec les pays de la CEDEAO, hors zone UEMOA. L’essentiel de notre commerce se fait avec des pays extra-africains et l’essentiel de notre commerce africain se passe avec des pays de la zone UEMOA, à savoir la Côte d’Ivoire, le Togo, le Mali, le Benin, subsidiairement avec le Ghana », a-t-il soutenu.
Et le Premier ministre de poursuivre : « Il ne faut pas croire que c’est nous qui avons des intérêts ailleurs et qu’ailleurs ils n’ont pas des intérêts chez nous. C’est réciproque, donc nous allons pouvoir de façon autonome, négocier les futurs accords, dans l’intérêt respectif de chaque peuple. Si nous arrivons réellement à réaliser la politique du Chef de l’Etat qui est le développement endogène, nous allons accroitre nos capacités de production et de transformation. En ce moment, les autres viendront chez nous pour chercher ce qu’ils veulent, à nos conditions. Notre retrait de la CEDEAO n’est orienté contre personne, contre aucune institution, contre aucun Etat. Il vise à assumer notre souveraineté et à assurer la sécurité et la prospérité des populations de notre espace. Toutefois, nous saurons répondre aux provocations d’où qu’elles viennent ».
C’est pourquoi, il a invité le secteur privé burkinabè à saisir toutes les opportunités qu’offre ce retrait.
« L’obstacle est matière à action. Nous sommes dans cette dynamique. On a voulu mettre des obstacles sur notre chemin et nous les franchissons, au fur et à mesure. Ce retrait de la CEDEAO est matière à action pour nos hommes d’affaire qui vont devoir développer d’autres initiatives. Il n’y a d’inquiétudes que par rapport aux défaitistes, quelle que soit la circonstance.
C’est la détermination en toute chose, la conviction et la foi en soi qui entrainent le résultat. Si nous sommes un peuple de combattants, nous diront toujours que l’obstacle est matière à action », a-t-il fait savoir.
Puis, il a ajouté que : « C’est une opportunité qui nous est offerte. Nous avons maintenant un large espace qui couvre pratiquement tout le Sahara, la plus grande superficie de l’ex-CEDEAO, trois pays réunis et déterminés. Rien qu’à l’intérieur de ces trois pays, nous pouvons construire une économie solidaire et prospère, sans même avoir besoin de qui que ce soit. L’AES, c’est une occasion pour nous d’assurer le décollage définitif de nos pays. Le retrait de la CEDEAO est beaucoup plus une opportunité pour nous qu’un handicap. C’est dans cette perspective que nous devons envisager le futur avec espoir et confiance. Plus jamais, personne ne pourra encore instrumentaliser une institution, quelle qu’elle soit, ou un Etat quelconque, pour nous imposer ou nous faire subir quoi que ce soit ».