Dame Lizéta et Sieur Madi (noms d’emprunt) ont comparu simultanément à la barre du tribunal de grande instance Ouaga 1 le 29 janvier 2024, pour répondre des faits de vente illicite de produits potentiellement dangereux.
Alors que le monde de la médecine est toujours en quête d’un remède contre la drépanocytose, Dame Lizéta, ménagère de son état, elle, avait déjà réussi miraculeusement le pari de trouver un « remède » à ce mal. C’est du moins ce qu’elle laissait entendre sur Facebook.
En effet, sur une page dénommée «Actu santé» qu’elle a créée courant 2023, elle affirmait détenir un médicament traditionnel qui, selon ses dires, est « très efficace contre la drépanocytose ». Ce remède serait, selon les publicités récurrentes qu’elle faisait sur sa page, « à même de permettre aux personnes drépanocytaires de guérir de leurs douleurs et de recouvrer totalement la santé en quelques jours ». Allant plus loin, elle alléguait même sur ladite page que « la drépanocytose n’est pas une maladie mais plutôt une mutation de l’être humain ».
Informé de ces activités, le Ministère de la santé va se saisir de l’affaire en alertant la police qui a aussitôt ouvert une enquête sur les auteurs de la page. Ladite enquête permettra de remonter à Dame Lizéta et Sieur Madi. Ils seront arrêtés et placés en détention préventive en attendant de s’expliquer sur leur « miraculeux produit ».
Des deux prévenus, le premier à être appelé à la barre est Dame Lizéta. Face au tribunal, elle n’a pas nié les faits qui lui sont reprochés. Elle reconnait être impliquée dans la vente du supposé produit mais affirme qu’elle n’en est pas l’inventeur. Elle explique que c’est un anti-douleur qui permet de soulager les personnes drépanocytaires et qu’elle l’a obtenu auprès d’un guérisseur dans un quartier périphérique de la ville de Ouagadougou.
« Moi aussi je souffrais de douleurs aux reins et on m’a parlé de ce guérisseur. Je suis allée prendre ce produit avec lui et ça m’a soulagée. Donc j’ai décidé de vendre ça autour de moi. Comme les gens appréciaient, j’ai créé une entreprise avec ça », justifie-t-elle à la barre.
« Où avez-vous reçu la confirmation que ce produit peut soigner la drépanocytose ? », lui questionne le juge. « Comme moi aussi j’avais des douleurs et que ça m’a soulagée, je me suis dis que ceux qui souffrent également des douleurs musculaires peuvent essayer pour voir. En tout cas, ceux qui l’ont essayé ont apprécié », a répondu la prévenue.
A une autre question du juge de savoir si elle a eu l’aval du ministère de la santé avant de faire la publicité de son prétendu « remède », Lizéta répondra par la négative. Du reste, elle a laissé entendre que les publications qui se faisaient sur la page Facebook ne l’engagent pas, d’autant plus que c’est Madi, dit-elle, qui était chargé de son animation. C’est donc lui qui trouvait les contenus pour alimenter la plateforme. « Moi je lui ai juste dit de m’aider à vendre le produit. C’est lui qui a créé la page Facebook. Je ne suis pas informée de ce qu’il mettait là-bas. Moi-même mon français n’est pas arrivé loin pour que je puisse lui dire de publier que la drépanocytose n’est pas une maladie », s’est-elle défendue.
Ce n’est pourtant pas ce que son codétenu, Madi, affirme. A la barre, ce dernier qui a également reconnu les faits, insiste que c’est bien Dame Lizéta qui lui donnait les informations qu’il mettait sur la page. Etudiant en fin de cycle de Communication digitale, il confie avoir été approché début 2023 par cette dernière, pour « l’aider à vendre un médicament », qu’elle aurait découvert et qui serait efficace contre la drépanocytose. Il confie d’ailleurs que lorsqu’elle l’a approchée, elle lui aurait confié être en partenariat avec le ministère de la santé. Il dit donc n’avoir pas su que les produits qu’elle proposait étaient dangereux, d’autant plus que c’est elle-même qui lui fournissait les informations qu’il publiait sur Facebook. A la question de savoir s’il a pris le soin de vérifier les informations qu’elle lui donnait, le marketer a répondu s’être rendu sur Google où il aurait découvert que ce produit est efficace.
« Et vous pensez que Google est fiable ? Est-ce que Google c’est le ministère de la santé ? Vous trouvez un produit sur le marché et sans même chercher à vérifier ce que ça implique, vous faites sa publicité sur les réseaux sociaux ! Vous savez les effets que ces produits ont sur les gens qui les prennent ? », lui a rétorqué le parquet.
A l’issu des débats, le parquet a requis une peine d’emprisonnement de 24 mois avec sursis contre Lizéta et une amende de 300 000 FCFA dont la moitié ferme. Il a cependant requis la relaxe de Madi au bénéfice du doute.
Le délibéré du procès est renvoyé au 26 février 2024.
Rappelons que la drépanocytose est une maladie qui demeure incurable pour la plupart des personnes qui en sont atteintes. Cependant, des traitements permettent de réduire les symptômes et de prévenir la survenue de complications. Ces traitements sont prescrits de manière individuelle par le médecin spécialiste et sont indiqués en fonction des risques de chaque patient. Aussi, la vente des médicaments traditionnels est règlementée par la législation en vigueur au Burkina Faso.