La rentrée scolaire 2013-2014 a un caractère très spécial : elle marque l’entrée en vigueur de la réforme visant à transférer le préscolaire et le post-primaire au ministère de l’Education nationale et de l’Alphabétisation. La conséquence de cette innovation ne s’est pas fait attendre. Les syndicats, dans une unanimité parfaite, s’y opposent et lancent l’une des grèves les plus précoces de l’histoire du Burkina, le 4 octobre prochain. Contrairement donc à la belle image de sérénité que le gouvernement a offerte à Gourcy, lors de la cérémonie officielle marquant la rentrée pédagogique, l’horizon s’annonce orageux pour le système éducatif burkinabè. Ce, d’autant qu’en plus du rejet de cette réforme, les syndicats d’enseignants ont de nombreuses autres revendications, dont « l’adoption d’un statut particulier des personnels de l’éducation nationale ». Cette revendication est transversale, en ce sens qu’elle concerne aussi d’autres ministères, en particulier celui de la Fonction publique. Elle dépasse donc largement les compétences de la seule ministre en charge de l’Education. D’où son caractère très complexe. En effet, la question des statuts particuliers est d’actualité. Tous les corps réclament désormais un statut particulier. Outre les enseignants, il y a aussi les gardes de sécurité pénitentiaire qui grognent à leur tour pour réclamer ce fameux statut. Cette course au statut particulier semble poser un dilemme à l’Etat, car il a un coût financier. Continuer donc à accéder aux requêtes des différents agents, c’est grossir davantage les dépenses de l’Etat. Mais refuser de le faire aussi, c’est susciter le courroux des laissés-pour-compte. De même, c’est une question de justice entre tous les agents de l’Etat que de leur octroyer les mêmes avantages.
Le gouvernement est face à un casse-tête : soit il instaure des statuts particuliers pour tous, ce qui serait une justice sociale mais en même temps un gouffre financier pour les caisses publiques, soit il remet tout à plat, au risque de créer une fronde générale. Mais c’est cette deuxième option que le gouvernement a tout l’air de privilégier. En effet, le premier ministre, lors de l’émission de la TNB « Dialogue avec le gouvernement » du 17 septembre dernier, semblait avoir fait le choix de la suppression pure et simple des statuts particuliers. Déjà, dans une interview à Sidwaya du 26 juin dernier, le ministre en charge de la Fonction publique , Vincent Zakané, avait parlant de la réforme en cours de l’Administration publique, quasiment annoncé l’enterrement prochain des statuts particuliers : «Une des possibilités, c’est de garder cette vision unitaire de la loi 013, c’est-à-dire que tous les agents de la Fonction publique sont régis par le même statut, par le même régime juridique, par la même loi. Dans ces conditions, il s’agit d’interdire le développement des statuts particuliers. » En tout état de cause, le gouvernement marche sur des œufs, dans ce dossier. On comprend dès lors la prudence du ministre de la Fonction publique, quand il déclare : « Dans la démarche actuelle du gouvernement, il est possible que la relecture aboutisse à des solutions techniques qui répondent aux attentes des uns et des autres. » On attend donc de voir les résultats de l’alchimie gouvernementale sur un dossier aussi délicat.
Pour le moment, il est évident que les différentes mesures sociales prises récemment n’ont pas atteint tous leurs objectifs. Pour preuve, le front social est agité de revendications autour du statut particulier. Les ministres en charge de l’éducation devront faire face, dès le 4 octobre, à leur première crise de l’année scolaire. Bien sûr, cette grève n’aura pas une grave conséquence pour le système scolaire parce qu’on n’est qu’à la rentrée. Mais il s’agit d’un coup de semonce, d’un avertissement sans frais à prendre au sérieux. En même temps, on se demande par quel coup de génie, le gouvernement arrivera à desserrer des revendications syndicales et surtout à se sortir du piège des statuts particuliers .