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Journalisme en temps de guerre : « En face des terroristes, on ne peut pas jouer la neutralité » (Alain Foka)

Publié le vendredi 8 decembre 2023  |  Libreinfo.net
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© aOuaga.com par A.O
Hommage : 6 heures de vidéo sur l`oeuvre de Thomas Sankara
Jeudi 28 mai 2015. Ouagadougou. Salle des fêtes de Ouaga 2000. Alain Foka, journaliste à RFI et réalisateur de l`émission "Archives d`Afrique" a dédicacé un coffret de 4 DVD sur la vie et l`oeuvre de feu Thomas Sankara, président du Conseil national de la révolution (CNR) du Burkina
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Le top départ des activités de la 13e édition des Universités africaines de la communication de Ouagadougou (UACO) a été donné, ce jeudi 7 décembre 2023 à l’Université Joseph Ki-Zerbo. « Liberté de la presse et droit d’accès à l’information en contexte de crise sécuritaire et humanitaire », est le thème retenu pour cette édition. À l’occasion, Alain Foka, ex-journaliste du média français RFI et invité d’honneur à l’événement a donné sa lecture de ce que devrait être la pratique journalistique en situation de guerre.

« En période de guerre, on doit être engagé pour son État. Il n y a pas de neutralité ». Telle est la posture du journaliste camerounais, Alain Foka, ancien travailleur à la Radio France internationale (RFI), média qui, faut-il le rappeler, a été suspendu au Burkina Faso.

Si l’on croit ce dernier, la liberté de la presse tant prônée existe s’il y a un État qui garantit cela. Pourtant, soutient-il, « ceux qui veulent prendre la place de l’État, n’ont aucune intention à nous donner quelques libertés que ce soit ».

Le journaliste Alain Foka s’est même attaqué à la « neutralité », un principe sacro-saint, prêché par le code d’éthique et de déontologie qui regit le métier du journalisme. À entendre M. Foka, il n’y a pas de neutralité possible.

« De vous à moi, pensez-vous que quelqu’un qui est neutre a envie de créer un média ? C’est quoi la neutralité ? Si vous êtes vraiment neutre, vous ne créez pas un média. Vous créez un média parce que vous avez un message à faire passer, un engagement. Le média est le fruit d’une pensée que vous avez envie de partager avec le reste du monde. Comment vous pouvez dire que le journaliste va être neutre. Le journaliste, par essence, a un message à faire passer. Le choix d’un sujet est déjà un engagement. Il choisit un sujet parce qu’il pense qu’il a un sujet à faire connaître au reste du monde. Et compte tenu du fait que le journaliste est persuadé qu’il détient la vérité et qu’il doit la donner, il développe le sujet. Comment on peut être objectif si on n’a pas des objectifs. On a des sujets et par nature on est subjectif. Le choix d’un sujet vient de ce que vous avez ressenti. Une chaise, un tableau, peut être objectif, il n’agit pas. Mais vous et moi, de ce qu’on rencontre toute la journée, de notre culture, par nature, on a un point de vue qu’on exprime. Ce point de vue est subjectif. Ce que nous faisons comme efforts, c’est de développer notre pensée pour convaincre les autres, en les argumentant, en trouvant des éléments qui sont objectifs, puisque vous les prenez pour développer votre pensée », a-t-il longuement expliqué.

En outre, Alain Foka a poursuivi en avançant que la liberté de la presse n’est jamais un acquis. Elle est, du reste, une faveur de l’État. « Parce que la notion de la liberté de la presse est à géométrie variable que nous devons négocier avec nos autorités et ne pas regarder le modèle des autres », a-t-il justifié.

Pour l’exemple, Alain Foka n’a pas manqué d’évoquer une situation récente. « Quand la guerre en Ukraine a commencé, il y a un pays dans lequel j’ai vécu pendant 44 ans, j’en porte le passeport, qui a interdit une chaîne privée, Sputnik, un média qui émettait depuis des années en disant : menace à la liberté de la presse. Mais, ils étaient là depuis longtemps. C’est maintenant qu’il y a la guerre avec l’Ukraine qu’ils menacent et ils ne sont plus bien ? C’est quoi le message quand on a fermé ce média ? Cela veut dire très bien que le média n’est pas un outil neutre et que le média doit être au service d’eux. Et vous voyez, si on avait écouté mes confrères français ou européens sur la guerre en Ukraine, il y a longtemps qu’elle aurait été gagnée depuis 7 ou 8 mois », a-t-il relevé.

Cet échantillon fait donc dire a cet ancien Journaliste reporter d’images (JRI) de RFI, qu’ « en période de guerre, on doit être engagé ». Mieux à l’entendre, « un journaliste africain en Afrique de l’Ouest, dans les pays de L’Alliance des États du Sahel (AES) ne peut pas dire qu’il est neutre. Il est forcément engagé parce qu’on lutte contre les forces obscures qui ont envie de nous faire disparaitre et en face d’eux, on ne peut pas jouer à la neutralité. C’est faux ! C’est absurde ! ».

Et encore ce dernier de s’étaler dans un autre aperçu de la guerre. « Vous savez comment ça se passe chez les pays occidentaux avec les grands reporters ? Le service de presse de l’armée fait appel aux médias. Ils vont dans les chars, les véhicules de l’armée de leur pays. Ils vont filmer ce qu’on a prévu pour eux comme parcours, comme cheminement. Et c’est ce qu’ils nous servent à nous. C’est la vérité du maître. C’est leur vérité. À aucun moment on va dire à un journaliste vas-y, démêles-toi. On leur dit, vient avec nous on va t’emmener voir la guerre telle que nous là voyons. C’est leur narratif à eux. Nous ne pouvons pas le leur reprocher. C’est la guerre. Eux ils ont envie de vendre leur vision de cette guerre. Il s’agit de la propagande ni plus ni moins. C’est la règle en période de guerre », a-t-il explicité.

Un compromis !

À entendre le journaliste Alain Foka, il faut qu’on crée « un partenariat entre nous, pour montrer notre guerre à nous, parce que ceux d’en face montrent leur guerre à eux », parce que même les terroristes font la propagande et ils montrent la guerre de leur point de vue, avec leur journaliste à eux.

« C’est pour cela, je pense que les autorités doivent prendre avec eux, les partenaires que vous êtes. Vous permettre, à vous partenaires, de montrer leur version des choses pour que vous ne soyez pas dans l’obscurité, dans l’interrogation. C’est une urgence de part et d’autre. Il ne s’agit pas de se déchirer parce que dans d’autres pays en période de guerre, il n’y a pas de presse privée. J’estime qu’il est venu le temps de discuter entre vous et trouver un terrain d’entente, pas dans la véhémence, en vous entendant comme ils l’ont fait en disant : on ne montrera pas de corps burkinabè couchés du fait de terroristes. On ne montrera plus de maisons qui brûlent. On ne montrera plus qu’ils ont encerclé tel ou tel coin parce qu’ils veulent qu’on en parle. Non. Pourquoi vous leur rendez ce service ? Au nom de qui vous leur rendez-vous ce service ? En tout cas pas au nom des Burkinabè en qui vous installez une certaine peur. Mais rassurez-vous ailleurs il y a ce compromis », a-t-il suggéré.

En somme, Alain Foka a demandé que chaque journaliste ait un peu de discernement. « Ne répétons pas de façon mécanique ce que les autres nous ont dit de faire. Nous ne sommes pas eux, ils ne sont pas nous. Nous avons notre histoire et ils ont la leur. Créons la nôtre. Soyons des journalistes Africains avec nos manières de faire et nos règles qui répondent, qui ressemblent à notre environnement et d’arrêter d’être juste des diplômés de journalisme mais des intellectuels au service de leur peuple », a-t-il conclu.

En rappel, les UACO se tiennent du 7 au 9 décembre 2023 à l’Université Joseph Ki-Zerbo, à Ouagadougou.

Mathias Kam

Minute.bf
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