Qui l’eut cru, Soro à Ouagadougou ? Cette capitale qu’il connaît pourtant bien pour y avoir séjourné moult fois, et ayant même épousé entre temps une Burkinabè, cette capitale, il l’avait désertée non seulement depuis que son mentor, le président Blaise Compaoré a été renversé par la rue en octobre 2014.
Mais l’ancien premier ministre ivoirien évitait aussi cette ville, car il avait eu des démêlées judiciaires dans l’affaire dite des écoutes téléphoniques avec l’ancien ministre des Affaires étrangères, Djibrill Bassolé. Montage grossier ou révélations accablantes, les supposés coups de téléphone entre Soro et Djibrill du 27 septembre 2015, moment où le Burkina vivait sous les heures d’un coup d’Etat, celui du général Gilbert Diendéré, lequel avait rendu le pouvoir, mais le pays tanguait, ces appels avaient suscité la polémique.
Sans oublier que le Burkina et c’est un secret de polichinelle, que le Faso fut la base-barrière de la rébellion ivoirienne, dirigée par un certain Guillaume Soro ! D’ailleurs, les com’zones et Soro faisaient fréquemment leur week-end à Ouaga, dont ils connaissaient les rues et «6 mètres». Particulièrement, l’un d’entre eux, le commandant Issiaka Ouattara alias «Wattao», décédé le 5 janvier 2020. Cette petite digression «passéiste» pour montrer qu’en temps normal, Soro, c’est l’un des plus Burkinabè des Ivoiriens.
D’où vient alors qu’il avait déserté les lieux et malgré son long exil, il évitait ce pays ? Il est vrai que sous le régime de Roch, les angles avaient été entre temps arrondis, car le mandat d’arrêt international avait été «arrangé» diplomatiquement. Mais Soro fréquemment à Ouaga, cela tendait les relations Roch-Ouattara, et ceci était valable pour de nombreux pays voisins.
Si donc hier 21 novembre 2023, Guillaume Soro a atterri à Ouaga à 12h 15, et a été reçu dans l’après-midi par le président de la Transition, le capitane Ibrahim Traoré, cela ne peut être vu que sous le prisme d’un réchauffement entre Soro et les nouvelles autorités. Et derechef avec le Niger, où il a reçu les mêmes égards, et on parie que ce sera pareil au Mali.
Du temps de la rébellion, il avait des intérêts matériels et financiers au Burkina Faso et au Mali. En ces temps de vaches maigres pour lui, et le climax politique étant favorable, il vient racler les fonds de tiroirs, l’exil, ça use financièrement !
Niger-Burkina-Mali (et subsidiairement la Guinée-Bissau), 3 pays où Soro compte passer son exil sous-régional après sa méharée incognito européenne, en attendant peut-être de voir venir, c’est-à-dire d’un retour au bord de la Lagune Ebrié.
Mais ce séjour de Soro à Ouaga prouve, que le Burkina Faso, ne tient pas compte des états d’âme du voisin ivoirien. A Ouagadougou d’ailleurs, les sentiments sont moitié mie, moitié pain : certains estiment qu’il est temps que Soro rentre, et que lui et Ouattara doivent pouvoir trouver un modus vivendi. Ils vont même jusqu’à dire que Ouattara qui est le président doit «faire le 1er pas vers Soro».
Par contre, d’autres estiment que Soro a trop fait de mal aux Burkinabè, et il n’a rien à faire au Burkina Faso, et qu’il est victime de la loi du karma. Une troisième catégorie met les 2 alliés d’hier dans le même sac, ils ont utilisé le Burkina d’une certaine manière pour accéder au pouvoir, ils ne s’enendent plus, ils n’ont qu’à régler ça entre eux.
Un séjour ouagalais pas dû au hasard, qui sera scruté au microscope du côté d’Abidjan, par exemple, que se sont dit dans l’aparté du palais de Koulouba à Ouaga IB et Soro ? Mais une rencontre qui gèle quoiqu’on dise des rapports Burkina-Côte d’Ivoire qui ne sont pas totalement au beau fixe.
Tout compte fait, cette présence de Soro au Burkina, est un geste inamical à l’égard de Ouattara, et une mise en garde de la part de ces 3 pays «parias» dont la capacité d’appliquer la loi du Talion est réelle. Si un appui conséquent dans ce sens était apporté à Soro, il pourrait créer inquiétude et insomnies à Abidjan. Vue de la galaxie ouattariste évidemment ! Le président Ouattara qui est un homme d’Etat, qui construit la Côte d’ivoire, n’en déplaise à ses détracteurs, devra mieux considérer ses voisins et ne pas en faire des sanctuaires pour ses ennemis qui pourraient se regrouper dans des bases-arrières et reproduire un scénario déjà connu, il en sera le principal perdant. Et tout compte fait, en politique, un modus vivendi est toujours possible, un ressort cassé ça se soude !