Le mercredi 15 novembre 2023, c’est la désolation dans le rang des malades de la dengue et de leurs accompagnants. La gratuité des tests annoncée par le gouvernement pour contrer l’épidémie de cette maladie qui a déjà fait officiellement 521 décès à la date du 12 novembre connaît des difficultés dans sa mise en œuvre. Constat.
Au centre médical de Nagrin. Il est 10 heures. Une mère de famille portant sa fille de 4 ans environ au dos se fond en larmes.
«Je suis ici avec ma fille malade. Farida a de la fièvre et perd l’appétit. Je suspecte la dengue. Mais faute de réactif, l’agent de santé me réfère à une clinique de la place où il faut payer 10.000 Fcfa. Je n’ai pas l’argent, que vais-je faire?» se lamente cette dame, les larmes perlant sur son visage qu’elle peine à essuyer avec son pagne.
Et pourtant dans cet hôpital, tout à l’air de bien fonctionner. Les agents de santé vêtus de blouses blanches, sont en pleine consultation. Ils prennent les tensions par ici, auscultent les malades par là, administrent les traitements nécessaires et prescrivent des ordonnances médicales.
C’est l’arbre qui cache la forêt. Les malades de la dengue sont en souffrance. Lorsque nous nous présentons à l’agent de santé pour passer le test, le message est le même.
L’agent de santé dont nous taisons à dessein le nom soupire puis baisse la tête comme pour prendre une seringue et répond: «La pénurie de réactifs a rendu impossible la réalisation de ces tests au centre de Nagrin, il y a longtemps et cette situation n’est pas unique».
Un accompagnant de malade Madi Nikiema qui est passé en consultation avant nous se résout à aller faire traiter sa sœur en recourant aux remèdes traditionnels diffusés sur les réseaux sociaux. «Je ne vais pas laisser mourir ma sœur comme cela non. Je n’ai pas 16 000 FCFA pour aller à la clinique mais je peux au moins acheter les remèdes diffusés sur les réseaux sociaux»
Au même moment, le ministère de la Santé et de l’hygiène publique dans son communiqué du 16 novembre 2023 et signé de sa secrétaire générale(SG) Dr Estelle Dabiré, met en garde contre les risques liés aux prétendus remèdes de la dengue diffusés sur les réseaux sociaux, tels que Facebook, WhatsApp et TikTok.
De toutes les manières, le constat est le même dans d’autres centres de santé visités tels qu’ au dispensaire du 15 à la Patte d’Oie, au CHU de Bogodogo, et au centre de santé de Cissin, la situation est identique.
Certains agents de santé interrogés ont refusé de se prononcer sur le sujet; d’autres ont souhaité qu’on se réfère à leurs supérieurs hiérarchiques. Hélas, ces derniers ne sont pas disposés à nous recevoir.
Mais dans le rang des patients, ils ne savent pas où donner de la tête. «Les réactifs ne sont pas disponibles, par conséquent pas de test de la dengue» explique Hamidou (nom d’emprunt) qui indique que cela fait le 3è centre de santé qu’il vient de parcourir dans la seule journée de ce mercredi 15 novembre.
Au dispensaire de Samandin, les réactifs sont limités et ne peuvent que couvrir le besoin en santé de 40 personnes, créant une incertitude palpable quant à la gestion future des cas de la dengue
La réaction du SYNTSHA et du CORUS
Le 15 novembre 2023, le Syndicat des travailleurs de la santé humaine et animale (SYNTSHA), a dans un communiqué, révélé qu’il y a des ruptures de stock des tests de diagnostic rapide (TDR) dans plusieurs formations sanitaires.
Et constate que «les patients sont abandonnés à eux-mêmes pour les dépenses liées aux soins, toute chose qui favorise la mortalité » selon le communiqué. De ce fait, le SYNTSHA interpelle les autorités à assurer la fourniture constante des TDR de la dengue.
Par contre, selon le directeur technique du Centre des opérations de réponses aux urgences sanitaires (CORUS), le Dr Joseph Soubeiga, de nombreux cas graves hospitalisés sont liés à l’automédication et à la phytothérapie.
Dr Soubeiga a exhorté la population à se rendre dans les structures sanitaires pour le traitement de la dengue, assurant que «l’État dispose d’un stock suffisant pour répondre aux attentes des populations » en matière de tests de diagnostics.
« Le ministère de la Santé a déclaré la gratuité des TDR au niveau des centres médicaux, des CMA, des hôpitaux. Actuellement, nous n’avons pas de problème de disponibilité des TDR pour les tests de diagnostic rapide dans ces centres », a-t-il dit lors d’une visite dans les centres de santé publics de Ouagadougou.