Conformément aux textes en vigueur, la rentrée des Cours et Tribunaux au Burkina Faso a lieu chaque 1er octobre. L’audience solennelle de la rentrée judiciaire 2013-2014, placée sous le haut patronage du premier magistrat, Blaise Compaoré, et sous la présidence du premier président de la Cour des comptes, Herbert Noumoutié Traoré, a eu exceptionnellement lieu dans la Salle des banquets à Ouaga 2000, hier 1er octobre 2013.
Aux termes de l’article 124 de la Constitution, « le pouvoir judiciaire est confié au juge. Il est exercé sur tout le territoire du Burkina Faso par les juridictions de l’ordre judiciaire et de l’ordre administratif déterminées par la loi ». A priori, « le terme juge renvoie à magistrat ». Mais en réalité, qui peut être appelé juge ? A cette question, le magistrat Emile Badou Toé, procureur général près la Cour des comptes, dans un ton empreint d’humour, y a apporté une réponse au cours de l’audience solennelle de la rentrée judiciaire le 1er octobre 2013. En effet, c’est dans une Salle des banquets de Ouaga 2000 érigée exceptionnellement en palais de Justice, que le procureur général près la Cour des comptes s’est prononcé dans un document de 25 pages sur « le juge au sens de l’article 124 de la Constitution », thème qui est d’ailleurs celui de la rentrée judiciaire 2013-2014. Emile Badou Toé a distingué « les juges, personnes physiques et les juges personnes morales appelés « juridictions » par la Constitution ». Concernant les juges, personnes physiques, il a relevé qu’il existe « des juges non-professionnels et ceux professionnels. La condition pour les derniers c’est d’être magistrat mais tous les magistrats ne sont pas des juges. Et tous les juges ne sont pas des magistrats ». C’est ainsi qu’on rencontre des juges-citoyens qui sont « des personnes appelées à participer à l’administration de la Justice en raison de leur appartenance au corps social et de leur seule qualité de citoyens ». Dans les tribunaux départementaux et dans ceux d’arrondissements, ils sont appelés « assesseurs » et au sein des Chambres criminelles des cours d’appel, ils prennent le nom de « jurés ». Il existe aussi des « juges-représentants et des juges-experts ». Dans son intervention, le procureur général près la Cour des comptes a expliqué au public l’organisation et le fonctionnement des juridictions.
Débutée à 10 heures, et après les formalités d’usage, l’audience solennelle de la rentrée judiciaire a été ponctuée par plusieurs interventions dont celle du ministre de la Justice, Garde des sceaux, Dramane Yaméogo. Selon lui, « le pouvoir judiciaire est confié au juge. De ce fait, il doit avoir un sens élevé des responsabilités, une conscience professionnelle aiguë et une connaissance parfaite du droit et des Hommes ». A l’issue de la cérémonie solennelle, le président du Faso, Blaise Compaoré, a souhaité « une bonne rentrée judiciaire à tous les juges du Burkina ». « Pour une Justice efficace et indépendante, il faut créer de bonnes conditions de travail pour assurer son indépendance et son impartialité », a-t-il ajouté. Embouchant la même trompette, le premier président de la Cour des comptes, Herbert Noumoutiè Traoré, a souhaité que « dans l’exercice de leur métier, les juges aient à cœur de rendre des décisions crédibles et responsables ». Sur ce, il a clos l’audience solennelle de la rentrée judiciaire 2013-2014 aux environs de 12 heures. Ont pris part à cette rentrée judiciaire de hautes juridictions sœurs venues du Sénégal et du Togo.
Des acteurs s’expriment
Herbert Noumoutiè Traoré, premier président de la Cour des comptes
« Donner une bonne image du juge »
« Le sens de l’article 124 de notre Constitution, c’est de permettre aux citoyens burkinabè de comprendre que ne sont pas juges seulement ceux qui sont magistrats, de même que tous les magistrats ne sont pas forcément des juges. On est juge soit par voie de nomination comme par exemple les financiers comme nous qui n’avons pas un diplôme de magistrat. Or, pour être magistrat, il faut être d’un corps, ce que nous appelons dans la Fonction publique les emplois. Est du corps des magistrats celui qui a reçu une formation dans ce sens et qui a été nommé fonctionnaire dans ce cadre. Par contre, on est juge, par exemple, suite à un acte de nomination en Conseil des ministres. Cette rentrée vise surtout à donner une bonne image du juge afin que le justiciable se sente vraiment défendu et protégé par nous qui sommes chargés de dire le droit. »
Me Mamadou Traoré, bâtonnier de l’Ordre des avocats du Burkina Faso
« Il y a quelques mois, il y a eu un forum national sur le civisme. Au quotidien, vous voyez des actes graves d’incivisme, des citoyens qui se rendent justice, incendient des voitures. Autant de faits qui doivent interpeller tous les acteurs de la Justice et au-delà tous les citoyens. C’est pourquoi ce thème est important, essentiel, et doit nous inviter, inviter les magistrats à bénéficier de la légitimité populaire en ce sens qu’il ne saurait être question de justice crédible, indépendante si le peuple au nom duquel cette justice est rendue ne croit pas, n’a pas confiance en sa Justice. C’est ce défi que nous devons relever, c’est ce défi qui est au cœur de cette rentrée judiciaire et c’est la contribution du Barreau à cette rentrée. En tant qu’acteurs, nous avons notre place, notre responsabilité, nos devoirs. Et au titre de ces devoirs, nous devons participer à une meilleure compréhension de la Justice par les citoyens, participer à l’accès de tous à la Justice. Quand vous allez à la Justice et que vous n’avez pas les moyens de vous faire assister par un avocat, et que vous voyez ceux qui ont plus d’argent, plus de moyens être assistés par des avocats, vous avez le sentiment à tort ou à raison que c’est une Justice pour les riches, une Justice à deux vitesses. Raison pour laquelle le Barreau se bat pour l’accès à la Justice pour tous et cela passe par la mise en place et le renforcement de moyens pour l’aide juridictionnelle pour tous les citoyens. »